Le cinéma 1963 à 1965 |
Les films de l'année 1963
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Les films de l'année 1964
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Les films de l'année 1965
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* LE
GUEPARD ( Il Gattopardo ) de Luchino Visconti, franco-italien, sorti en
1963, Palme d'Or Cannes 1963
Scénario adapté du roman de Giuseppe Di Lampedusa .
avec Burt Lancaster, Alain Delon, Claudia Cardinale, Rina Morelli,
Paolo Stoppa, Serge Reggiani
Sicile, années 1861-1863. Lors du
débarquement de l’armée de Garibaldi, le prince de Salina, en Sicile,
quitte son domaine avec sa famille, pour son palais urbain de
Donafugata. Comprenant que les jours de la féodalité sont passés, il
assure le mariage de son neveu Tancrède avec la fille du riche maire
libéral de Donafugata, Don Calogero.
A travers une fresque où la reconstitution historique est minutieuse et
esthétique, Visconti dissèque sans nostalgie inutile, la mutation du
monde rural vers une société moderne et réaliste.
Visconti déclare: "J’épouse le point de vue de Lampedusa, et disons aussi de son personnage le prince Fabrizio. Le pessimisme du prince Salina l’amène à regretter la chute d’un ordre qui, pour immobile qu’il ait été, était quand même un ordre. Mais, notre pessimisme se charge de volonté et, au lieu de regretter l’ordre féodal et bourbonien, il vise à établir un ordre nouveau".
Fiche compléte du film: Le Guépard
* Le Mépris , de Jean-Luc Godard, sorti en 1963, scénario tiré du roman homonyme d'Alberto Moravia, musique de Georges Delerue , scripte : Suzanne Schiffman, durée 103 mn, avec Brigitte Bardot (Camille Javal), Michel Piccoli (Paul Javal), Jack Palance (Prokosh, le producteur), Fritz Lang (lui-même, réalisateur), Giorgia Moll , Jean-Luc Godard (l'assistant réalisateur), Linda Veras.
Paul Javal se rend à Rome avec sa femme Camille pour travailler comme scénariste sur une version de l'Odyssée qui doit être dirigée par le maître Fritz Lang. Le scénariste et sa jeune femme semblent unis, mais un incident avec un producteur, qui aurait pu sembler anodin, conduit la femme à mépriser profondément son mari. Ce film est considéré comme le premier film abouti de Godard.
Il aborde de nouveau la notion de prostitution qui est selon lui la clé
de voûte du monde moderne, et l'étend aux rapports entre hommes et
femmes, entre cinéaste et producteur. La musique que Georges Delerue a composée pour "Le mépris" est
devenue l'une des plus célèbres musiques de film. Elle a souvent été
reprise, dans des génériques d'émissions sur le cinéma. |
![]() Brigitte Bardot et Michel Piccoli |
* Les Oiseaux ( The Birds) de Alfred Hitchcok, sorti en 1963, scénario Evan Hunter (pseudonyme de l'auteur de romans policiers Ed McBain), tiré d'une nouvelle homonyme de Daphné Du Maurier( publiée en 1952), durée 120 mn,
avec Tippi Hedren (Melanie Daniels), Rod Taylor (Mitch Brenner), Jessica Tandy (Lydia Brenner), Veronica Cartwright (Cathy Brenner), Suzanne Pleshette (Annie Hayworth), Ethel Griffies (Mrs. Bundy), Charles McGraw . Melanie Daniels, belle et riche héritière issue de la haute
société de San Francisco entre dans une oisellerie. Elle y rencontre
Mitch Brenner, avocat venu chercher un couple d'inséparables pour sa
jeune sœur. Le jeune homme prend Melanie pour une vendeuse du magasin
et quelques propos aigres-doux sont échangés. Alors qu'elle s'apprête à rejoindre Mitch à bord d'un petit canot, Melanie est attaquée par une mouette. Les heures suivantes, les incidents se multiplient et la mère de Mitch découvre un de ses amis mort, tués par des oiseaux qui ont saccagé la maison. |
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A partir de ce moment là, les événements
prennent une tournure apocalyptique. Les oiseaux attaquent l' école
puis provoquent un incendie dans le centre ville et tuent
l'institutrice. La scène de l'incendie se termine sur une superbe vue
aérienne (le point de vue d'un oiseau) du centre ville en feu.
Mitch, sa mère, sa petit soeur et Melanie se réfugient dans la maison
des Brenner qui subit alors une furieuse attaque des oiseaux venus par
milliers. Melanie est sérieusement blessée après s'être aventurée dans
le grenier rempli d'oiseaux lors de l'attaque ce qui les oblige à
quitter la maison en voiture sous les regards de milliers d'oiseaux
menaçants.
Hitchcock ne conclut pas vraiment
l'histoire et ne donne aucune morale à son film. Pour lui se qui compte
c'est la montée du suspense, comme dans un film policier. ( Voir l'art du suspense chez Hitchcock)
L'histoire est très simple et la réalisation épurée. Seuls les effets
spéciaux liés aux attaques des oiseaux sont un peu complexes. Tout
l'art d'Hitchcock s'exprime dans l'enchaînement et le montage des plans.
Le film déçût la critique après "Psychose" et n'eût pas le succès
espéré avec ses cotés dépouillé (pas de musique) et novateur.
Pour sa courte apparition rituelle dans
ses films (cameo), Hitchcock s'est fait ici accompagner de ses deux
chiens, tenus en laisse, alors qu'il sort de l'oisellerie, au moment où
Melanie Daniels s'apprête à y entrer.
Voir la biographie et filmographie complète d'
Alfred Hitchcock
* Les
Chevaux de feu; un film soviètique de Sergeï Parajanov, sorti en 1965, durée 97 mn ; scénario : Ivan Chendej d'après un livre de
Mikhaylo Koysyubinskiy; couleurs et noir et blanc mélangés;
avec Ivan Mikolajchuk (Ivan), Larisa Kadochnikova (Marichka), Tatyana
Bestayeva (Palagna), Spartak Bagashvili (Yurko), Nikolai Grinko
(Batag), Leonid Yengibarov (Miko)
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Le film se passe quelque part en Ukraine, dans un petit
village. A partir de cette histoire simple et banale Parajanov nous
offre un torrent d'images d'une stupéfiante beauté, le film ne s'arrête
jamais sur aucune d'elles pour consentir au spectateur le temps de s'en
émerveiller. |
* LES
AMOURS D'UNE BLONDE ( Lásky jedné plavovlásky ) de Milos Forman, sorti
en 1965, tchèque, N et B.
avec Hana Brejchová, Vladimír Pucholt, Vladimír
Mensík
Dans une petite ville de la région de Prague, une usine emploie deux mille jeunes filles à fabriquer des chaussures. Elles sont en majorité logées dans un foyer et attendent avec impatience la soirée dansante de la ville.
Angela rencontre Milda, le jeune pianiste de l'orchestre. Ils passent ensemble une nuit d'amour. Il lui demande de venir le rejoindre à Prague. Confiante, elle fait le voyage mais il se dérobe. Il fournit des explications embarrassées. Elle repart déçue vers son usine et son foyer. Deuxième film de Milos Forman diffusé à l'Ouest, après " L'as
de Pique", en 1963. Court, simple, ancré dans le réel, décomplexé, souvent léger,
le film se veut représentatif d'une génération. C'est un portrait
pertinent d’une jeunesse tchécoslovaque non-héroïque, mais bien vivante. |
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En partie autobiographique, vivifié par un style semi-documentaire et un certain comique de situation hérité du cinéma muet, le film chemine gaiement de vignettes drolatiques en peintures grinçantes, célébrant une jeunesse aspirant à davantage de liberté et brocardant au passage la génération de papa, ronflante, étriquée et ridicule. Épris de liberté de ton, Les Amours d’une blonde virevolte d’un personnage à l’autre sans jamais chercher à se poser, se laisse porter par sa musique en un élan rock’n'roll guilleret (formidable scène de bal, toujours aussi hilarante quarante ans après) et joue à la rupture tout en évitant la brutalité.
Forman sait jouer avec la censure de l'époque pour allier tendresse et nostalgie avec un regard cru sur les relations amoureuses et sociales et sur les mensonges des représentations officielles.
* PIERROT
LE FOU de Jean-Luc Godard, sorti en 1965, franco-italien.
avec Jean-Paul Belmondo, Anna Karina, Graziella
Galvani, Dirk Sanders, Raymond Devos
Sur le thème éternel de l'amour et de la mort, Jean-Luc Godard
signe un film éclatant, coloré et poétique. Le rejet de la société de
consommation, le droit au bonheur et au rêve sont rendus à travers une
cavale de Paris vers la Méditerranée. Voir fiche détaillée |
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* Alphaville
de Jean-Luc Godard réalisé en 1965 (titre
complet: Alphaville, une étrange aventure de Lemmy Caution ); scénario de Jean-Luc Godard; musique de Paul Mizrahi,
images de Raoul Coutard, durée 100 mn; Ours
d'Or de Berlin en 1965
avec : Eddie Constantine, Anna Karina, Akim Tamiroff, Howard Vernon,
Laszlo Szabo, Michel Delahaye, Jean-André Fieschi.
Alphaville est la capitale d’une planète
située sur une lointaine galaxie. Lemmy Caution, le célèbre agent
secret, vient faire un reportage sur le chef de l’état, un robot
dirigeant Alpha 60. La civilisation de cette planète est caractérisée
par sa pratique de la dépersonnalisation et le conditionnement des
populations.
Les rares intellectuels sont obligés de vivre dans des ghettos. Ceux
qui montrent trop leurs sentiments sont condamnés à mort. Lemmy Caution
arrive à fuir cette horrible dictature technologique en entraînant avec
lui la belle Natacha Von Braun.
Alphaville, c'est Paris : Godard fait tout pour que le spectateur
reconnaisse Paris. On reconnaît le métro de Paris, les quais de la
Seine, etc. Il évoque l'expansion rapide d’Alphaville. C'est une
allusion à l'expansion de Paris, à la construction des grands ensembles
déjà évoqués dans Les Carabiniers et par la suite dans Deux ou trois
choses que je sais d'elle. Il évoque les HLM dans laquelle on parque
les individus, des hôpitaux pour longues maladies. Il évoque aussi la
destruction en masse d’individus par le spectacle, le divertissement
permanent qui arrache l’individu à la poésie, à l'art, à la
philosophie. C'est la société médiatique-consumériste qui apparaît dans
les années 60 (développement rapide de la télévision).
Un peu à l’image de Truffaut dans Farenheit 451 , Jean-Luc Godard prend le
pretexte de la science-fiction pour aborder les questions
contemporaines de société. Il les pousse à l'extrême pour mieux
dénoncer les dérives possibles des sociétés techniques. Il en profite
aussi pour utiliser Eddie Constantine, qui incarne le personnage de
Lemmy Caution dans le contexte beaucoup plus banal des films
d'espionnage.
Pendant son combat-dialogue contre Alpha 60, Lemmy Caution évoque
Pascal « le silence de ces espaces infinis m'effraie » (Pensées),
Nietzsche « Quel est le privilège des morts ? Ne plus mourir » (Le Gai
Savoir), Bergson « je crois aux données immédiates de la conscience »
(Essai sur les données immédiates de la conscience). Philosophie et
poésie sont les deux formes de langue qui s'opposent au langage d’alpha
60. Ce combat est un combat de langage, deux langages s'affrontent.
C'est la langue de la tradition contre la langue de la technique (Cf.
la conférence Langue de tradition et langue technique, de Martin
Heidegger).
C'est une reflexion iconoclaste sur la civilisation urbaine et sa dictature des apparences. C'est un pladoyer pour la liberté de pensée, pour les artistes et les intellectuels. C'est un cri de résistance dans un monde à peine inventé où les robots et les tranquilisants suppriment toute sensibilité et tout sentiment humain.
De même que les problèmes de ce monde ne sont pas si éloigné des notres, de même la mise en scéne n'utilise pas les procédés habituels de la science-fiction comme les effets spéciaux. Godard filme simplement dans Paris, en jouant sur les éclairages, sur le cadrage. Les immeubles modernes fournissent une toile de fond et les jeux de lumières sur les tournages de nuit complétent l'ambiance. La bande son, comme souvent chez Godard, est fortement originale et contribue au décalage de ce film.
Dans l’entretien avec le scientifique, celui-ci dit qu'il est interdit de dire « pourquoi ». Précisément parce que pourquoi, c'est le questionnement, c'est la liberté, c'est la philosophie et la poésie. Lorsque Lemmy Caution dit « Je suis un homme libre », le scientifique répond que cette réponse ne veut rien dire. Alpha 60 est la négation de la liberté. Alpha 60 ne dit pas « pourquoi », elle dit « parce que ». « Parce que », c'est l'explication, la conséquence logique, c'est la nécessité, c'est la non-liberté ; « enregistrer, calculer, tirer des conséquences, c'est cela Alpha 60 » explique le scientifique à Lemmy Caution. Pas de pourquoi : c’est aussi une allusion à Si c’est un homme de Primo Levi, dans lequel un SS affirme qu’ici (dans les camps d’extermination), il n’y a pas de pourquoi : Hier ist kein warum. Les allusions au système totalitaire nazi sont innombrables. Entre autres : lorsque Lemmy Caution prend l'ascenseur pour descendre au sous-sol où ceux qui ont exprimé des émotions sont exécutés, et appuie sur le bouton. Gros plan sur ce dernier affichant : SS.