François Truffaut (1932-1984)

François Truffaut et Alfred Hitchcock 

Alfred Hitchcock, cinéaste britannique
(Londres, 1899 — Hollywood, 1980). 

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Les deux cinéastes que Truffaut admirait le plus et qui ont chacun eu une influence décisive sur son œuvre sont Jean Renoir et Alfred Hitchcock

Truffaut raconte qu’il a vu, en cachette et en fraudant, plus de deux cents films au début de son adolescence, avec " un sentiment de culpabilité qui ne pouvait qu’ajouter aux émotions procurées par le spectacle  " 
Il n’est pas étonnant qu’il ait été marqué par les films d’Hitchcock qui poussent le spectateur à s’identifier avec ses personnages, leurs angoisses et leur culpabilité. Par la suite Truffaut va rester marqué, pour ses films, par l’univers d’Hitchcock, aussi bien sur la thématique que sur la forme.

 

A partir du film Rebecca, Hitchcock apparaît le plus souvent dans ses films. Cette attitude est, à l’époque, extrêmement rare chez un réalisateur car bon nombre d'entre eux ne se montrent jamais à l'écran. 
Ceci est encore une des ambiguïtés de la personnalité Hitchcock qui fut toute sa vie complexé par son physique mais ne manqua pas une occasion de se montrer ! 
De même Truffaut intervient souvent dans ses films, soit dans de petits rôles symboliques, soit comme un des acteurs principaux. ( voir Truffaut acteur ) L’influence d’Hitchcock se fait aussi sentir chez certains personnages de Truffaut. 
De nombreux personnages des films d’Hitchcock sont à la fois attirants et repoussants, les « méchants » sont souvent aussi attachants que les héros.

Par exemple dans Farenheit 451, le personnage du capitaine incarné par Cyril Cuzak est aussi humain que Montag, interprété par Oscar Werner. De manière plus générale, les hommes livres ont moralement raison, mais sont assez antisociaux et ne peuvent plus communiquer.
Ainsi dans  La mariée était en noir, l’héroïne Julie, obnubilée par sa vengeance, est moins sympathique que le peintre Fergus ( Charles Denner ), bien que celui-ci ait participé au crime de son mari.
De même dans La sirène du Mississipi , Julie/Marion ( Catherine Deneuve) coupable d’escroquerie et de tentative de meurtre reste séduisante, y compris pour Louis ( JP Belmondo), qui va jusqu'à tuer pour la protéger.

Son premier entretien avec Hitchcock date de 1955. Au début des années 60, il multiplie les entretiens avec le maître pour aboutir en 1966 à la  publication du livre « Le cinéma selon Hitchcock  », avec le concours d’Helen Scott.
 Dans cet ouvrage le réalisateur-écrivain-admirateur-questionneur essaye de répondre à des questions fondamentales concernant le cinéma :
- Comment s’exprimer de façon purement visuelle ? (en effet, certains films d’Hitchcock, comme Psychose, sont en grande partie muets )
- Comment susciter des émotions ?

Une des clés de la richesse émotionnelle du cinéma d’Hitchcock est le suspense.
A la différence d’une énigme (qui a tué ? ), dont la résolution n’apporte qu’une  brève émotion, le fait de mettre le public dans la confidence comme quand l’assassin est connu depuis le début, et qu’un innocent est accusé permet d’impliquer le spectateur tout au long du film (comment l’innocent va se disculper ?)
Hitchcock accentue la propension du spectateur à s’identifier au héros de ses films en utilisant des procédés techniques adaptés : gros plans, caméra subjective, intérêt porté à des détails ou des objets précis, montage serré.
Il exerce un art consommé de la suggestion. Ainsi tous les spectateurs de Psychose sont marqués par la scène horrible où Norman assassine Marion sous la douche ; et pourtant on ne voit aucun coup porté ni aucun contact entre le couteau et le corps.

On retrouve par ailleurs ce procédé de suggestion dans l'admirable Rosemary's Baby de Roman Polanski en 1968. Les spectateurs du film, interrogés une heure après leur sortie, sont persuadés à 80% d'avoir vu le bébé monstrueux de Rosemary, alors qu'aucune image de ce bébé ne figure dans le film et que tout réside dans l'ambiance créée en hommage à Hitchcock.

De même dans "Les Oiseaux", qui n'est pourtant pas un film policier, il y a un décalage entre le spectateur, qui comprend assez tôt que les oiseaux vont attaquer ( même s'il ne connaît pas à l'avance le film) et le personnage de Tipi Hedren. La scène de l'école est restée célèbre:
La séquence s'ouvre par la caméra qui suit la femme sortant de l'école, descendant les marches, passant dans la cour, s'asseyant sur la barrière. Derrière elle, au second plan sont montrés tous les éléments importants : l'école, et ce jeu d'enfants appelé "cage à poule", encore une allusion aux oiseaux. La cage à poule est vide. La scène se déroule alors en plans alternés, sur le visage de Tippi Hedren fumant sa cigarette en attendant la sortie des élèves, et sur la cage à poule. D'abord un oiseau s'y est perché. La deuxième fois qu'on la voit il y a trois ou quatre oiseaux. La troisième fois il y en a peut-être une dizaine. Puis un oiseau passe, de la gauche de Tippi Hedren à sa droite; elle le suit des yeux et nous voyons alors son visage tourner lentement vers la gauche derrière elle; enfin l'oiseau rejoint ses congénères sur la cage à poule, au moment même où Tippi Hedren découvre avec surprise que celle-ci est quasiment noire d'oiseaux. Cet oiseau, bien sûr, dénoue la scène; il guide à la fois le regard de la caméra et celui de Tippi Hedren vers la révélation finale : les oiseaux sont là et menacent l'école.

Dans ce cas là encore, le spectateur comprend le premier et attend que Tipi comprenne à son tour.

Les quatre films que Truffaut réalise autour de la sortie du livre en 1966 sont fortement marqués par l’influence d’Hitchcock.
Truffaut choisit Bernard Herrmann, compositeur de nombreux films d’Hitchcock pour la musique de Farenheit 451 (1966) et de La Mariée était en noir (1968).
La Mariée était en noir et la Sirène du Mississippi (1969) sont adaptés de romans de William Irish dont sont tirés des films d’Hitchcock, en particulier le sublime Fenêtre sur Cour (1954).



Mais l'influence d'Hitchcock se remarque aussi dans les films romantiques et intimistes de Truffaut, essentiellement sur la forme.
Ainsi, dans La Peau douce (1964), le suspense du début, sur un thème pourtant banal de la vie courante (Pierre va-t-il avoir son avion pour Lisbonne ?) est traité de façon angoissante, gros plans sur les mains du conducteur, feux rouges, montage haché, plans de coupes sur un panneau « Danger », plans à travers le pare-brise où l’on voit Orly, proche mais inaccessible.
A ce suspense du début répond celui de la fin, où Pierre ne réussit pas à joindre sa femme avant que celle-ci  vienne le tuer, sans qu’il ait pu lui adresser la parole.

De même dans Baisers volés(1968), quand, à la fin du film, Antoine Doinel passe sa première nuit avec Christine, nous découvrons en caméra subjective d'abord les restes du téléviseur démonté, comme dans une scène de crime, puis une montée d'escalier, presque angoissante, une chambre vide, puis enfin l'image paisible des deux amants dans leur lit.


Les hasards de la vie ont fait que le dernier film de Truffaut fut Vivement Dimanche, en 1983. Truffaut y revisite pour la dernière fois des thèmes hitchcockiens. Il revient au noir et blanc qu’il n’avait pas utilisé depuis l’Enfant Sauvage en 1969  Le personnage central Julien est faussement coupable, mais plus faible que Barbara. De fortes scènes nocturnes, sous la pluie, en voiture accroissent la tension.
Comme dans tous les films "policiers" de F Truffaut, et contrairement aux standards habituels du genre, le personnage fort est une femme et l'ambiance est plus poétique que tragique.

Dans un article Truffaut écrit : « N’oublions jamais que les idées sont moins intéressantes que les êtres humains qui les inventent, les modifient, les perfectionnent ou les trahissent... » et se sont surtout les liens personnels qu’il a su nouer avec ses maîtres qui lui ont permis de devenir un artisan habile à la façon d’Hitchcock et un poète humaniste et généreux à la manière de Renoir.


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