*J'ai été diplômé, mais... (········,
Daigaku wa deta keredo) de Yasujirô Ozu, sorti en 1929, durée 70 min (dont
seulement 12 mn subsistent), avec : Minoru Takada (Tetsuo Nomoto),
Kinuyo Tanaka (Machiko Nomoto), Utako Suzuki (la mère), Kenji Oyama (Sugimura)
Il ne reste de ce film perdu que les 12 premières minutes, visibles
en bonus du DVD Le Chur de Tokyo
Un diplômé d'université n'arrive pas à trouver un travail. On ne propose
au jeune homme qu'un emploi de réceptionniste qu'il s'estime trop diplômé
pour accepter. Lorsque sa mère et sa fiancée arrivent, il entend leur cacher
la situation. Sa mère repart sans se douter de rien mais celle qui est devenue
sa femme subit durement cette situation et se décide à gagner de l'argent
dans un bar. La situation entre eux se dégrade. Il décide finalement d'accepter
l'emploi de réceptionniste. Ses patrons, charmés de son humilité, de son expérience
de la souffrance lui confient alors le poste d'employé dont il rêvait.
Ces douze minutes suffisent à apprécier le talent d'Ozu dans sa description
de la crise sociale au Japon en 1929, de la pudeur et du sens de l'honneur.
Ses cadrages et le découpage des séquences sont à remarquer.
*Il
était un père (父ありき Chichi ariki) de
Yasujirô Ozu, sorti en 1942, durée 94 min, avec : Chishu Ryu (Shuhei
Horikawa), Shuji Sano (Ryohei), Shin Saburi (Yasutaro Kurokawa), Takeshi Sakamoto
(Makoto Hirata), Mitsuko Mito (Fumi), Masayoshi Otsuka (Seichi), Shinichi Himori
(Minoru Uchida)
Un modeste enseignant dans une ville de province est veuf
et père d'un garçonnet dont l'éducation lui tient plus que tout à cœur. Lors d'un
voyage scolaire à Tokyo, un écolier se noie. L'enseignant, s'estimant moralement
responsable de cette catastrophe, présente sa démission, et part s'installer avec
son fils dans sa ville natale, où son propre père avait vendu sa maison pour lui
payer ses études.
Rattrapé par les besoins d'argent, soucieux de donner
à son fils toutes les chances dans la vie, le père annonce à ce dernier qu'il
leur faut se séparer, au cours d'une séquence de pêche d'autant plus inoubliable
que les deux silhouettes, filmées côte à côte sur la berge, accordent solidairement
leur mouvement au fil de l'eau qui passe.
Il place son fils dans un internat
pour pouvoir partir et trouver du travail à Tokyo. Le père et l'enfant forment
souvent le projet de vivre à nouveau ensemble, mais cet espoir ne se réalisera
jamais.
Douze ans plus tard, le fils étudie à l'université. Il revoit son
père et envisage de s'installer à Tokyo pour vivre avec lui. Le père refuse que
son fils démissionne de son poste en lycée pour vivre auprès de lui. Il lui intime
l'ordre de continuer à faire du mieux qu'il peut ce pour quoi il a été formé.
Comprenant que tel est son devoir, le fils renonce à son vœu le plus cher et repart
enseigner dans son lycée de province.
A l'occasion d'un examen militaire,
le fils finit par obtenir de longues vacances qu'il passe chez son père. Celui-ci,
invité par d'anciens collégiens en compagnie de Kurokawa son condisciple d'autrefois
et ami de toujours se rend compte que tous ces jeunes gens sont mariés.
Rentré
chez lui, le père exprime à son fils les vœux qu'il forme pour son mariage avec
la jolie fille de Kurokawa. Puis il a un malaise, s'évanouit et ne peut se rendre
à son travail. Il meurt paisiblement à l'hôpital. Dans le train qui l'éloigne
de Tokyo, le fils explique à la jeune femme qu'il a épousée, selon le désir de
son père, que cette dernière semaine qu'il a passée depuis son enfance avec son
père a été la plus belle de sa vie.
La condition humaine chez Ozu résonne
avec la splendeur de la nature. Les scènes de pêche dans ce film est éclairante
: Tout est ordinaire et régulier, Tout est quotidien. La nature se contente de
renouer ce que l'homme a rompu, elle redresse ce que l'homme voit brisé.
Les
plans fixes d'objets, comme la théière, ou de lieux désertés soulignent l'accord
des personnages avec cette philosophie de la simplicité héroïque ou les soucis
du quotidien sont considérés comme étant dans la nature des choses. Cette philosophie
peut sembler bien rétrograde et fataliste. Elle repose néanmoins sur l'écoute
attentive des autres et des enseignements qu'ils peuvent nous apporter. A l'occasion
du dîner qui rapproche pour quelques heures la génération des professeurs et celle
des anciens élèves se perpétue un rituel familier à partir du respect mutuel des
personnages, mais plus encore de leur communion intense dans le sentiment de la
fuite du temps.
Elle suppose aussi une grandeur âme peu commune. Jamais le père ne regrettera
sa décision de quitter l'enseignement quoi qui lui en ait coûté et jamais
le fils ne fera preuve du moindre ressentiment. Cette grandeur d'âme va de
paire avec un goût extrême pour la simplicité et l'humilité. Par ailleurs,
ce film étant tourné en pleine guerre, Ozu fait assaut d'exaltation
de valeurs morales pour se concilier une censure omniprésente à
l'époque.
Le
style de Ozu est un modèle de dépouillement: composition et épurement du cadre,
plans fixes, caméra au ras du sol, recours à l'ellipse et à la litote.