Les années 1960-1962

 

Anna Karina

Les films de l'année 1960

Les films de l'année 1961

Les films de l'année 1962

* PSYCHOSE ( PSYCHO ) d' Alfred Hitchcock, américain, sorti en 1960, N et B
Scénario de Joseph Stefano, adapté d'un roman de Robert Bloch inspiré de faits rééls.
avec Anthony Perkins, Vera Miles, John Gavin

Une femme seule, Marion, débarque de nuit dans un motel isolé et un peu bizarre, géré par Norman, beau jeune homme timide.
Hitchcock aborde le cas d'un tueur schizophrène qui n'a pas pu réaliser le travail du deuil de sa mère.

Avec une économie de moyens remarquable, Hitchcock provoque le mystère, l'angoisse et l'horreur et joue avec la frustration des spectateurs.
La célébre scène de la douche contourne les interdits de l'époque en interposant de façon très subtile un rideau translucide.
La musique de Bernard Herrmann contribue efficacement à cette ambiance angoissante.

Voir la vision de François Truffaut sur Hitchcock


* La Ballade du soldat, film soviétique de Gregori Tchoukraï, sorti en 1960 ; scénario de Valentin Ejov; images de Vladimir Nikolaeïev, musique originale de Mikhaïl Ziv, durée 92 mn;
avec : Vladimir Ivachev (Aliocha), Jeannette Prokorenko (Choura), Antonona Maximova (mère d'Aliocha), Nicolas Krioutchov (le général) , Evgueni Ourbanski (le mutilé)

Aliocha, est à 19 ans un jeune soldat de l'Armée Rouge en lutte contre les nazis. Il est téléphoniste en première ligne. Une attaque de chars se produit, il s'enfuit, se réfugie dans un trou d'obus et tombe par hasard sur un fusil antichars. Tremblant de peur, il réussit cependant à armer le fusil et à toucher deux chars ennemis. Il tient jusqu'à la contre attaque soviétique.

Il se retrouve promu au rang de héros et bénéficie en guise de remerciements de six jours de permission pour aller voir sa famille. Mais ce temps, long en apparence, se passe en attente et en voyages compte tenu des distances et des difficultés de transport.

Il rencontre un mutilé qui rentre chez lui. Mais en raison de son infirmité, il ne sait pas si il souhaite revoir sa femme.
Une très courte liaison avec la jeune Doucha illumine un instant le trajet. Mais le temps presse et il ne dispose que de quelques minutes pour embrasser sa mère et revenir sur le front.
Mais sa chance l'a quitté et est tué au premier assaut.

Le réalisateur a réussi à mélanger dans son film à la fois le réalisme soviétique et l'exaltation du héros à une présentation critique mettant en exergue l'absurdité de la guerre tout en évitant les foudres de la censure officielle.

C'est ainsi que les personnages d'Aliocha et du Général sont largement contrebalancés par les personnages secondaires: le mutilé, les débrouillards, les planqués de l'arrière, les gardes corrompus. Même Aliocha est plutôt un héros malgré lui, son action n'étant pas fondamentale dans le déroulement de la bataille.


* À bout de souffle de Jean-Luc Godard, sorti en 1960, scénario original de François Truffaut , durée 90 mn, Prix Jean Vigo 1960
avec Jean-Paul Belmondo (Michel Poicard), Jean Seberg (Patricia), Jean-Pierre Melville.

Michel Poicard vole une voiture à Marseille et prend la route pour Paris. Il doit y toucher une certaine somme d'argent pour un travail dont il ne dit rien. Il doit trouver un revolver dans la boîte à gants de la voiture, et quand il est arrêté par un motard, il tire...

Arrivé à Paris, il se met à la recherche d'une fille, Patricia Franchini qui, rêvant de devenir journaliste, se contente de vendre le New York Herald Tribune sur les Champs-Elysées.
S'installant dans la chambre de Patricia, Michel, à son retour, apprend qu'elle est enceinte et discute longuement avec elle, tout en téléphonant régulièrement pour avoir un certain Antonio.
Attendri par cette relation sentimentale, le faux dur finit tragiquement.


Jean-Paul Belmondo et Jean Seberg

Jean-Luc Godard réalise là un des premiers films de la Nouvelle Vague . Il rend hommage au pionnier Resnais: lorsque Belmondo passe devant un cinéma c'est Hiroshima mon amour qui est à l'affiche.
Le montage heurté du film, ses nombreux faux raccords, la vision quasi documentaire de Paris qui s'en dégagent, sont fortement novateurs et focalisent l'attention de la critique. Ce film qui n'a que l'apparence d'un film policier déconcerte les amateurs du genre habitué à un tout autre cinéma.

Voir biographie et filmographie de Jean-Luc Godard


La Dolce Vita ( La Douceur de vivre ) film franco-italien de Federico Fellini, sorti en 1960.
Avec Marcello Mastroianni (Marcello), Anita Ekberg (Sylvia), Anouk Aimée (Maddalena), Yvonne Furneaux (Emma), Alain Cuny (Steiner), Magali Noël (Fanny), Lex Barker (Robert), Nadia Gray (Nadia), Valeria Ciangottini (Paola), Annibale Ninchi (Le père de Marcello), Renée Longarini (La femme de Steiner), Jacques Sernas (Le jeune premier), Giulio Questi (Don Giulio), Laura Betti (Laura), Alan Dijon (Frankie Stout), Adriano Celentano (Le chanteur de Rock)
;
scénario de Federico Fellini, Enno Flaiano, Pier Paolo Pasolini, Tullio Pinelli et Brunello Rondi; musique de Nino Rota; noir et blanc; durée 166 mn.
Palme d'Or Cannes 1960

Fiche complète du film : La Dolce Vita

Marcello, chroniqueur mondain, sillonne Rome à la recherche du scandale et du sensationnel. Toujours entouré d’une nuée de photographes, il fréquente avec détachement les lieux les plus à la mode et la haute société romaine.
Au cours d’une tournée, il rencontre son amie Maddalena, une riche héritière désœuvrée. Ils passent la nuit dans la chambre d’une prostituée complaisante.
Le lendemain matin, Marcello trouve Emma, sa compagne régulière, inanimée auprès d’un tube vide de comprimés. Il la conduit à l’hôpital. Elle en réchappe.
A l’aérodrome de Rome, arrivée triomphale de Sylvia, grande star hollywoodienne : cortège bruyant, conférence de presse cacophonique.
D’autres événements futiles se succèdent ainsi, marques au coin de la débauche et de la désespérance. Le père de Marcello tente de retrouver sa jeunesse avec des femmes faciles mais rentre chez lui précipitamment à la suite d'un malaise.

Marcello enquête sur un miracle qui s'avère faux. L’écrivain esthète et intellectuel, Steiner, l’ami de Marcello, se suicide après avoir tué ses enfants. Marcello s’enlise de plus en plus dans un milieu en voie de décomposition.
La fin est assez pessimiste, après une nuit très agitée, il se retrouve sur une plage où s'échoue un poisson (la religion chrétienne?) monstrueux et mort depuis longtemps. Enfin, sur la dernière scène, Marcello reste insensible à l'appel d'une jeune fille pure irrémédiablement séparé de lui par une rivière dérisoire.

Ce film long (près de trois heures) est découpé en une série de récits disjoints dont Marcello est le seul point commun et cependant parfaitement cohérent grâce à la rigueur de l'écriture et l'unité du ton adopté.

Fellini pose le décor et les enjeux du film dès l’ouverture de celui-ci : on y voit une statue représentant le Christ, rattachée à un hélicoptère, volant au dessus et s’éloignant progressivement de Rome. Double symbole: Le Christ, emporté par la modernité, déserte et Fellini prend ses distances avec tout ce qui fondait son cinéma jusqu’alors en remettant en cause et la société dans laquelle il vit et sa manière de filmer jusqu'alors rattaché à l'école néoréaliste .
Son style évoque désormais Luis Buñuel, comme lui il décrypte les pulsions contradictoires, la décadence des mœurs mais ne porte pas de jugement, à l'image de Marcello, témoin le plus neutre possible et du jeu de Mastroianni, minimaliste..
En dépit du mouvement permanent du film, rien ne semble bouger.
Fellini déclare: "Je prends la température d’un monde malade; mais si le mercure indique 40°C au début du film, il en indique également 40°C à la fin. Rien n’a changé".
Les personnages répètent les mêmes actions, s’enferrent dans des modes de fonctionnement. A force d’en avoir trop vu, ils regardent sans voir, tel, à la fin du film, l’atroce poisson échoué sur le rivage qui contemple d’un œil mort l’immensité du ciel.

Le film n’offre pas au spectateur de personnages auquel il pourrait s’identifier tant Fellini aime nous mener par la main dans son labyrinthe cinématographique. Le film peut être considéré comme une espèce de voyage une Rome imaginée ( le film a été entièrement tourné en studio), voyage ponctué selon les moments du film par la musique, visible à l’écran par l’entremise de musiciens jouant de leurs instruments, que celle-ci soit Rock, Jazz ou bien Musique de Chambre.

La dolce Vita a provoqué des réactions violentes à sa sortie. Le succès auprès du public ne fût pas immédiat mais ample et profond.
Par contre l'Église, qui avait apprécié La Strada (1954) pour sa thématique de la rédemption, lança ses foudres contre le film, menaçant d'excommunier l'équipe du film et même les spectateurs.
Et pourtant jamais Fellini ne montre de complaisance envers ses personnages décadents et seuls les aspects les moins nobles de la religion sont attaqués, comme ce culte populaire des miracles qui confine à la superstition.

Ce film a fortement influencé à la fois la société et les acteurs:
La dolce vita a remplacé le titre français "La douceur de vivre"et est même devenue une expression courante en français.
La Via Veneto, entièrement reconstituée en studio, va s'efforcer de ressembler à son modèle fellinien, large et plate
Mastroianni, qui n'était au début pas prévu pour le rôle (dévolu à Paul Newman) est devenu l'acteur fétiche et le double de Fellini.
Lex Barker, qui joue le rôle d'un acteur américain ringard ayant joué Tarzan avit effectivement joué ce rôle à 5 reprises entre 1949 et 1953, dont Tarzan and the She-Devil de Kurt Neuman
Anita Ekberg, ex-Miss Suéde apprécia à ce point l'Italie qu'elle y poursuivît sa vie.
Un jeune musicien, Adriano Celentano, voit sa carrière lancée par le film.
Et enfin le photographe Paparazzo, qui passe son temps à harceler les vedettes, a donné son nom à tous les "paparazzi" du monde.


L'affiche d'origine



Anita Ekberg et la Fontaine de Trevi


Anouk Aimée et Marcello Mastroianni



Une des scènes qui fit scandale,
Marcello chevauchant une jeune femme



La fin: le visage de l'innocence


* VIRIDIANA de Luis Buñuel, film mexicain, sorti en 1961, Palme d'Or Cannes 1961.
Scénario de Luis Buñuel et Julio Alejandro
avec Silvia Pinal, Francisco Rabal, Fernando Rey, José Calvo, Margarita Lozano

Viridiana va bientôt rejoindre le couvent. Elle vient une dernière fois saluer son oncle, riche bourgeois, avant d'aller prononcer ses vœux. L'oncle la drogue et abuse d'elle. Rongé par le remords, il se donne la mort.

Héritière du domaine avec son cousin, Viridiana renonce au cloître et décide de consacrer sa vie et sa propriété aux pauvres. Un soir de fête, les gens qu'elle a aidés se soûlent, pillent la maison et essaient de violer leur bienfaitrice.

Buñuel continue de régler ses comptes avec l'oppression qu'il a subit dans sa jeunesse et aborde ses thèmes préférés: le fétichisme et l'inceste, l'hypocrisie de l'Église, la bêtise et la suffisance de la bourgeoisie, la bestialité populaire.

La "Cène" où Le Christ et ses apôtres sont remplacés par des mendiants reste un monument de provocation.

A Cannes le film fait scandale, mais remporte la Palme d'Or.
Le Vatican, comme Franco, jugèrent le film impie et blasphématoire. En Espagne, les copies du film furent saisies.


* Une femme est une femme de Jean-Luc Godard, sorti en 1961, durée 84 mn, Prix spécial du jury et Prix d'interprétation féminine pour Anna Karina au Festival de Berlin 1961, musique originale de Michel Legrand, chanson "Tu te laisses aller" de Charles Aznavour; avec Jean-Claude Brialy (Émile Récamier), Anna Karina (Angela), Jean-Paul Belmondo (Alfred Lubitsch), Marie Dubois (l'amie), Karyn Balm, Henri Attal, Dorothée Blank, Catherine Demongeot, Ernest Menzer, Jeanne Moreau.

Angela, strip-teaseuse du faubourg Saint-Denis, veut un enfant de son ami, vendeur dans une librairie. Devant son refus obstiné, elle le menace de passer à l'acte avec leur ami commun Alfred.
Au-delà de cette histoire d'amour anecdotique, Godard parodie avec brio le marivaudage et la comédie boulevardière et multiplie les allusions à la comédie américaine (Lubitsch, nom du personnage de Belmondo) et multiplie les inventions formelle propre à la Nouvelle Vague.
Ces innovations, comme une bande son brutalement coupée ou bien des dialogues quelques fois à peine audibles déconcertent fortement le public qui croit à des incidents techniques. L'utilisation marquée du rouge du blanc et d'un bleu clair marque aussi le style de Godard.

Ce film est un portrait insolite d'un quartier populaire de Paris où le téléphone est encore rare, mais c'est surtout un constat de la condition féminine en 1960. A travers humour et tendresse, la liberté d'aimer, de s'engager ou non, de disposer de son corps et de concevoir un enfant.
Angela conclut: "Je ne suis pas infâme, je suis une femme"


Anna Karina

La complicité avec Truffaut continue à travers un long plan consacré à Aznavour dans "Tirez sur le pianiste". Inversement ce film , Jeanne Moreau apparaît dans son rôle de Catherine de Jules et Jim . Le personnage interprété par Jean-Paul Belmondo lui demande même, lorsqu'il la rencontre dans un café, comment vont Jules et Jim. Bien que sorti en 1962, le tournage de Jules et Jim était en cours. Les deux films partagent également le même chef-opérateur.
Voir biographie et filmographie de Jean-Luc Godard


* JULES ET JIM de François Truffaut, sorti en 1962
Scénario de Jean Gruault, adapté du roman de Henri-Pierre Roché.
avec Jeanne Moreau, Oskar Werner, Henri Serre, Marie Dubois

Thème classique du triangle, deux hommes amoureux de la même femme, séparés par la première guerre mondiale, mais rapprochés par l'art et la littérature.
D'abord légère et tourbillonnante ( la célèbre chanson " Le Tourbillon" ), l'action devient plus lente jusqu'à la fin tragique, mais cependant distanciée.

Fiche détaillée du film

Voir la filmographie complète de François Truffaut 


Oskar Werner, Henri Serre,Jeanne Moreau

* LOLITA de Stanley Kubrick, Grande-Bretagne, sorti en 1962
Scénario adapté du roman "Lolita" de Vladimir Nabokov, avec sa participation.
avec James Mason, Shelley Winters, Sue Lyon, Peter Sellers, Gary Cockrell.

Humbert Humbert pénètre chez Clarke Quilty, un écrivain, et le tue.
Tout le film est ensuite un flash-back : professeur de littérature française, Humbert avait loué une chambre pour l'été dans le New Hampshire chez Charlotte Haze, une veuve. Attiré par Lolita, il épouse la mère pour rester auprès la jeune fille. Leurs amours d'abord platoniques deviennent passionnées.
Charlotte, ayant appris la vérité, meurt. Humbert reçoit la responsabilité de Lolita, avec laquelle il parcourt les États-Unis. Un personnage mystérieux apparaît régulièrement pour intervenir dans l'intrigue. Humbert, tout comme le spectateur, ne perçoivent pas l'importance de ces scènes où intervient, à travers des rôles divers Clarke Quilty.
Lolita disparaît soudainement. Humbert reçoit finalement une lettre par laquelle il apprend qu'elle est mariée et enceinte. Il décide de donner de l'argent à Lolita et tue Clarke Quilty, l'accusant de lui avoir enlevé Lolita.

Ce film possède ses détracteurs, lui reprochant notamment d'avoir "trahi" l'esprit du roman de Nabokov (même s'il a lui-même participé à l'adaptation).
Mais, en fait, il révèle la vraie nature du roman et présente un conte moral plutôt qu'un "film sur la dépravation" à travers trois destins tragiques, et un seul acceptable : celui de l'héroïne-titre.
Bien que "Lolita" soit devenue depuis un nom commun évoquant une adolescente perverse et séductrice, celle qui a amené trois personnes à leur perte n'aspire qu'à une vie simple et révèle son admiration pour la bonté, dont son mari est une incarnation presque trop parfaite.

Dans le rôle de séductrice candide, sans la moindre once de machiavélisme, Sue Lyon était tellement parfaite qu'elle ne put jamais interpréter un autre personnage, jamais se défaire de cette image. Son unique autre rôle fut celui d'une Lolita-2 dans La nuit de l'iguane de John Huston, et sa carrière se résuma à cela.


L'affiche

Sue Lyon
Voir: Biographie et filmographie de Stanley Kubrick

* Adieu Philippine, film franco-italien de Jacques Rozier, réalisé en 1960, présenté à Cannes en 1962, sorti en salles en 1963, scénario de Michèle O'Glor & Jacques Rozier, musique originale de Jacques Denjean, Paul Mattei et Maxime Saury, images de René Mathelin, durée 108 mn;
avec Jean-Claude Aimini (Michel), Daniel Descamps (Daniel), Stefania Sabatini (Juliette), Yveline Céry (Liliane), Vittorio Caprioli (Pachala), David Tonelli (Horatio).

Michel Lambert travaille comme jeune machiniste stagiaire à la télévision. Il rencontre Liliane et Juliette à la sortie des studios. Michel, bientôt militaire, éblouira sans peine Liliane et Juliette, inséparables. Ils lient très rapidement connaissance et se retrouve le soir même. Michel hésite entre les deux jeunes filles. Les deux filles s'amourachent donc de Michel qu'elles veulent d'abord aider à débuter au cinéma. Elles lui présentent Pachala, un producteur bidon, qui fera tourner aux trois jeunes gens, sans d'ailleurs pouvoir le terminer, un film publicitaire grotesque.

Puis elles tenteront en vain d'obtenir un sursis d'incorporation au jeune homme qui, désireux de profiter de ses derniers jours de liberté avant son départ pour l'Algérie, comme appelé du contingent, se fait mettre à la porte de la télé et part en vacances en Corse. Liliane, Juliette et Pachala rejoignent bientôt la Corse pour "réaliser" un roman photo. Les jeunes gens se retrouvent en Corse et les journées s'écoulent dans la joie des loisirs estivaux, mais aussi dans l’ambiguïté de l'hésitation de Michel et de la rivalité de Liliane et Juliette. L'ordre de mobilisation de Michel met fin à cette parenthèse ensoleillée.

Un mot sur le titre, "philippine" désigne des entités jumelles, comme des amandes "philippines", dans un langage populaire un peu désuet. Il signale ici le caractère interchangeable, pour Michel, des deux jeunes filles. Le film ne sera présenté au public qu'en septembre 1963. Ce retard est dommageable car la guerre d'Algérie qui représente le futur incertain et dangereux du personnage principal a pris fin entre-temps.

(Voir un panorama des films ayant pour thème la Guerre d'Algérie)

A travers ce film assez classiquement consacré à la jeunesse et à ses marivaudages, Jacques Rozier nous livre un vision assez marquée dans le temps mais néanmoins très libre des rapports garçons-filles. Bien que Jacques Rozier ne fasse pas partie des fondateurs de la Nouvelle-Vague, ce film est à plus d'un titre emblématique de ce mouvement et de cette période.
On y voit la jeunesse tenter d'échapper à la sclérose d’un monde fermé sur lui-même. Ces jeunes évoluent librement, sans pudeur, mais sans excès, jouissant d’une indépendance qu’ils revendiquent en se détachant du milieu familial. Lors de la séance du repas familial où Michel déjeune avec ses parents, ceux-ci paraissent déphasés par rapport à la mentalité de la génération de Michel.
Cependant, des différences sensibles existent entre ce film et ceux du reste de la Nouvelle-Vague. Ainsi la sensibilité à la nature, les errances dans un paysage presque désertique en Corse ne sont pas habituels.

Les relations garçons-filles sont traités avec beaucoup de délicatesse. Ils sont empreints de franchise, de justesse et de liberté. La recherche du plaisir se déroule en cédant aux exigences du corps et de l’esprit mais dans le respect de l’autre. Le départ de Michel à la fin de Adieu Philippine n'est pas triste. Le tonus accumulé durant le film, la volonté du réalisateur que ça continue contredisent et dépassent la noirceur de l'événement final. Malgré la difficulté de vivre, sur laquelle Rozier ne jette aucun voile, passe une vitalité joyeuse, une santé rieuse et tendre, émaillés d'éclats de pure loufoquerie, soudain obscurcie par de sombres bouffées venues d'Algérie, le temps d'un insert sur le film "Montserrat" évoquant la torture, ou du silence d'un copain "qui en revient".

La mise en scène et la photographie renforcent cette impression de fraîcheur et de liberté. Les images sont claires et parfaitement lisibles. Comme dans Les 400 coups de Truffaut, A bout de souffle de Godard, Le signe du Lion de Rohmer, Lola de Demy, Paris nous appartient de Rivette, Adieu Philippine montre des gens qui marchent, qui voyagent et qui partent.
Pas parce que l'endroit où vont les gens est important pour l'intrigue, et pas non plus comme séquence de transition. Le plus souvent dans les rues de Paris, ils marchent parce qu'on marche dans la vie, ils marchent parce que le cinéma est un cinéma en mouvement, ils marchent parce que le réalisateur éprouve un tel bonheur de filmer que cette activité devient le signal de l'élan que ces films impriment au cinéma. Avec ces personnages en vadrouille, c'est le monde qui s'engouffre dans le cinéma et sur la bande-son, où bruits du quotidien, voix, in ou off, conversations surprises ou rajoutées, informations de la radio, musiques arrangées ou pas, contribuent non à l'enregistrement du réel, cette version policière du réalisme, mais au dévoilement d'un monde multiple.
Enfin les 4 acteurs principaux ont été recrutés, quasiment au hasard, dans la rue. Malgré leur excellente prestation, ils ne tourneront aucun autre film par la suite.


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