Jules et Jim, de François Truffaut

Jules et Jim, film français réalisé par François Truffaut, sorti le 29 août 1965,

Au début des années 1910, Jules , Allemand et Jim, Français, liés par une solide amitié, rencontrent Catherine, au sourire envoûtant, ressemblant à celui d'une statue qui les a ébloui en Grèce. C'est Jules qui épouse Catherine. Jim sera le parrain de leur petite fille, Sabine. Ils sont séparés par la première guerre mondiale, mais rapprochés par l'art et la littérature. Ils se retrouvent en 1918, Jim vient les voir en Allemagne, et s'aperçoit que Jules et Catherine ne s'aiment plus. Catherine devient la maîtresse de Jim, désire un enfant de lui.

Jules accepte le divorce, mais Catherine apprend que Jim a une maîtresse et, pour le faire souffrir, renoue avec un ancien amant. Ils rentrent en France, mais ne peuvent avoir d'enfant. Seule une petite fille de cinq ans les rapproche. Inconstante, insatisfaite, Catherine a eu des amants. Catherine devient la maîtresse de Jim et désire un enfant de lui. Jules souffre mais, par faiblesse, par un amour dénué de toute dignité à l'égard de sa femme, se résigne à une situation intolérable. Brouilles et réconciliations entre ces faux et vrais ménages se succèdent à un rythme diabolique. L'amitié de Jules et Jim survit pourtant a de tels assauts. Les années s'écoulent. Jim décide d'épouser Gilberte, sa maîtresse. Catherine feint de renoncer à lui mais, sous les yeux de Jules, l'invite à une promenade en voiture et se précipite dans la Seine avec lui. Jules assiste à l'incinération des deux corps.

Sur ce thème classique du triangle, deux hommes amoureux de la même femme, l'action est d'abord légère et vire-voltante comme la célèbre chanson "Le Tourbillon" Le tempo devient ensuite plus lent jusqu'à la fin tragique, mais cependant distanciée.

Cette Catherine, rayonnante, dont Jules et Jim vont tomber amoureux, sera toujours en parfait accord avec la nature que ce soient la plage, les bois et la montagne. Et lorsque Jules ou Jim remettront en cause sa royauté elles se jettera à l'eau ; sans conséquence avec Jules, au bord de la Seine lorsqu'il tiendra des propos machiste, de manière définitive avec Jim lorsqu'elle l'entraîne dans la mort, à la fin du film.

Jules et Jim, foncièrement urbains, attachés à Paris, se soumettent à tous les diktats imposés par Catherine. Et l'on ne sait trop si c'est la guerre de 14 ou l'impossibilité de satisfaire sa femme qui brise Jules. Quand à Jim, il se rend au rendez-vous mortel de Catherine lorsqu'il choisit enfin une vie plus constructive avec Gilberte.

Comme il l’a lui-même déclaré, François Truffaut cherchait à filmer dans Jules et Jim une histoire où le scabreux de la situation (un ménage à trois) n’entache en rien l’innocence des trois personnages, leur intégrité morale, leur tendresse et surtout leur pudeur. Il réussit là une belle histoire d’amour, impossible et tragique. Jeanne Moreau est rayonnante dans ce rôle de femme ensorceleuse, personnage central et pivot du trio. La mise en scène est fraîche et légère, le ton “narrateur” à la Truffaut est attachant.

Avant d'être elevé au Panthéon du Cinéma français, le film échappe de peu à l'interdiction totale, pour sa prétendue immoralité. Il sort en France avec une interdiction aux moins de 18 ans .

Citations du film

Déclarations de François Truffaut

François Truffaut écrit: "Je peux dire que la lecture, en 1953, de "Jules et Jim", premier roman d'un vieillard de 74 ans, a déterminé ma vocation de cinéaste. J'avais 21 ans et j'etais critique de cinéma. J'ai eu le coup de foudre pour ce livre et  j'ai pensé: si un jour je réussis à faire des films, je tournerai "Jules et Jim".
J'ai peu après  rencontré l'auteur du livre que l'idée d'un contact avec le cinéma enchantait.
Au début 61, j'ai pense que le moment était venu de concrétiser ce vieux rêve. J'ai essayé de transposer fidèlement ce beau livre que l'éditeur Gallimard présentait ainsi: "Un pur amour à trois".


Cyrus Bassiak (Serge Rezvani) et Jeanne Moreau

Distribution

  • Jeanne Moreau : Catherine
  • Oskar Werner : Jules
  • Henri Serre : Jim
  • Marie Dubois : Thérèse
  • Cyrus Bassiak (Serge Rezvani) : Albert
  • Sabine Haudepin : Sabine
  • Annie Nelsen : Lucie
  • Vanna Urbino : Gilberte
  • Michel Subor : voix du narrateur

Fiche technique

  • Réalisation : François Truffaut
  • Scénario : François Truffaut, Jean Gruault , d'après le roman de Henri-Pierre Roché
  • Production : Marcel Berbert
  • Directeur de la photographie : Raoul Coutard
  • Décors : Fred Capel
  • Musique :Georges Delerue, chanson Le Tourbillon de Cyrus Bassiak
  • Montage : Claudine Bouché
  • Assistant-réalisateur : Robert Bober
  • Assistant-réalisateur : Florence Malraux
  • Script : Suzanne Schiffman
  • Format : Noir et blanc, son mono
  • Date de sortie France : 23 janvier 1962
  • Durée : 105 minutes
  • Prix de la mise en scène au Festival de Mar del Plata 1962
  • Ruban d'argent 1963 décerné par le syndicat national italien des journalistes de Film
  • Meilleur film européen 1963 aux Bodil Awards

Henri -Pierre Roché et son roman

L'auteur du roman Henri-Pierre Roché né à Paris le 28 mai 1879, mort à Sèvres le 9 avril 1959 est d'abord peintre, collectionneur d'art, et journaliste. Il est l'un des premiers à s'intéresser spécifiquement aux artistes femmes. Il encourage les femmes artistes à développer leur travail et réunit une collection qui comptera plus de 300 œuvres de femmes. En 1906, il devient l'amant de Marie Laurencin dont il est également le premier collectionneur. Conseillers de grands collectionneurs, il commence par initier Gertrude et Leo Stein à l'art moderne et leur fait acquérir des tableaux de Picasso en 1905. Il travaille ensuite pour le collectionneur John Quinn de 1921 à 1924, qui le mandate pour acheter des œuvres de Brancusi, Matisse et Picasso.
Il est l'ami de Marcel Duchamp, rencontré à New York en 1916, des peintres cubistes, de Pablo Picasso, de Francis Picabia, de Constantin Brancusi, Marie Laurencin , Wols, Georges Braque avec lequel il boxe, Georges Papazoff et José Garcia Tella.
En plus de ses Carnets, il publie tardivement deux romans, en grande partie autobiographiques, en 1953, Jules et Jim et, en 1956, Les Deux Anglaises et le continent, lui aussi adapté par François Truffaut au cinéma.

Le roman Jules et Jim passe totalement inaperçu à sa sortie et disparait des rayons des libraires. François Truffaut le découvre par hasard parmi des invendus soldés en 1955. Le livre plait aussitôt à Truffaut qui prend contact avec Pierre-Henri Rocher. Avec le scénariste Jean Gruault, ils travaillent de longs mois à l'élaboration de scénario.
Après le succès du film, le livre est réédité, devient un best-seller rapidement traduit en anglais, en espagnol, en italien et en allemand.

Le caractère autobiographique de Jules et Jim est indéniable, mais n'a été connu qu'après le décès de l'auteur:
Henri-Pierre Roché raconte son histoire avec Franz Hessel (Jules dans le roman), un écrivain allemand et Helen Gründ (Catherine dans le roman), une intellectuelle berlinoise. Comme dans le roman, elle préfère le Français, mais se marie avec l’Allemand. Dans la réalité, Franz Hessel épouse Helen Gründ en 1913; ils ont deux fils, Ulrich, né en 1914 et Stephan, né à Berlin le 20 octobre 1917. Stephan Hessel devient Stéphane Hessel et sera diplomate, ambassadeur, résistant et militant des droits de l'homme français. Mais contrairement à la fiction aucun personnage ne meurt prématurement. Franz hessel meurt en 1941. Helen Gründ est toujours vivante à la sortie du film et déclare en 1964 "Je suis morte et je vis encore", en allusion à la fin du film.