Jean Vigo (1905-1934)

Cinéaste français; (biographie) (filmographie)


Le Prix Jean Vigo

Biographie

Jean Vigo descend d'une famille illustre dont les ancêtres sont des nobles andorrans.
Son père, Eugène Bonaventure de Vigo, né en 1883, arrive très jeune à Paris en 1900 et milite dans les milieux anarchistes. Apprenti-photographe, il connaît la misère et ses activités libertaires lui valent de fréquents séjours en prison ce qui ne fait que renforcer ses convictions. Il adopte le pseudonyme d'Almereyda, et à 20 ans, devient secrétaire de rédaction du journal anarchiste "Le Libertaire", puis il fonde "La Guerre Sociale". Il rencontre Emily Clero, militante anarchiste comme lui.

Jean Vigo naît le 26 avril 1905, dans une petite mansarde sordide. Il a une enfance tumultueuse et désordonnée, ballotté de réunions en meetings. Le malheur et la maladie poursuivent la famille Vigo. Almereyda dont les positions à propos de la guerre avaient oscillé entre pacifisme et patriotisme, est emprisonné à Fresnes, alors qu'il était dans un état de santé déplorable. Il y meurt le 14 avril 1917, dans des circonstances peu claires.

L'enfant que sa mère n'a pas les moyens d'élever, part vivre chez ses grands-parents. Il est envoyé à Nîmes en pension afin de poursuivre sa scolarité. Jean Vigo, profondément perturbé par la mort de son père et les changements intérieurs dans sa vie, tombe alors gravement malade. Sur les conseils d'un médecin, il quitte Nîmes pour Millau où il doit vivre en dissimulant sa véritable identité par précaution, en raison des engagements politiques de son père et c'est sous le nom de Jean Salles qu'il est inscrit au Collège de Millau.

Les 4 années (1918-1922) au cours desquelles Jean Vigo est élève à Millau, sont des années essentielles dans sa vie. Le souvenir de son père, la tristesse de l'internat se conjuguent pour susciter en lui la révolte et le cri dont il se souviendra dans "Zéro de conduite".

Jean Vigo quitte Millau pour le lycée de Chartres en 1922. En 1925, il s'inscrit à la Sorbonne mais pense essentiellement à faire du cinéma. Mais ce projet est remis à plus tard. Sa santé, encore fragile, l'oblige à partir de Paris pour suivre un traitement à Font-Romeu. C'est là qu'il rencontre sa future femme, Lydu (Élisabeth Losinska) qu'il épouse le 24 janvier 1929 et avec qui il aura une fille (Luce).
Ils partent s'installer à Nice où il obtient un poste temporaire d'assistant-réalisateur.

Grâce à l'aide financière de son beau-père, Jean Vigo achète une caméra d'occasion et réalise un court-métrage sur Nice. "A propos de Nice". Par la suite, il obtient deux commandes, l'une sur Jean Taris, champion de natation, l'autre sur le célèbre tennisman Henri Cochet. Seul, la première aboutit, mais, endetté, il doit revendre sa caméra. C'est dans ce contexte difficile que naît sa fille Luce le 30 juin 1931.
Parallèlement, Vigo s'occupe activement à Nice d'un ciné-club qu'il a fondé : "Les amis du cinéma". Il y fait découvrir les films d'Ham Richter, de Joris Ivens, d'Henri Storck, de Jean Painlevé, d'Eisenstein... " Nos adhérents peuvent juger dans leur version intégrale les versions cinématographiques mutilées ou interdites par la censure. "

Sur le point de se décourager, Jean Vigo fait alors une rencontre décisive, celle de Jacques-Louis Nunez grâce à l'acteur René Lefèvre. Cet homme d'affaires veut se lancer dans la production cinématographique.
Dès juillet 1932, les deux hommes sympathisent et retiennent le projet de Jean Vigo sur la vie d'enfants au collège. Le projet, limité, implique quatre acteurs professionnels seulement. La durée du tournage en studio, imposée par Gaumont, n'est que de sept jours auxquels s'ajouteront cinq jours en extérieur.
Mais Jean Vigo n'en était pas moins très heureux de pouvoir enfin tourner un film sur un sujet qui lui tenait à cœur : cette vie d'enfant au collège était d'abord la sienne. Le tournage se déroule en décembre 1932.

La malchance poursuit Jean Vigo : la censure frappe "Zéro de conduite" d'une interdiction totale qui ne sera levée qu'après la 2e guerre mondiale.
Deux ans plus tard, "L'Atalante" est réalisé dans de meilleures conditions que "Zéro de conduite" mais Jean Vigo est déjà très malade et ne peut assister qu'à une projection du premier montage.
Atteint de septicémie, il meurt dans de terribles souffrances le 5 octobre 1934.
Il est enterré au cimetière de Bagneux, à coté de son père.

Jean Vigo donnera une impulsion au cinéma social, et son influence sur Jean Renoir et Luis Buñuel, qu'il a côtoyés, est certaine.
La "Nouvelle Vague" évoquera sa paternité mais plus sur la liberté de la forme que sur le fond.

François Truffaut lui rendra hommage de plusieurs manières. Son premier long-mètrage, "Les 400 coups" évoque lui aussi l'enfance révoltée et les injustices infligées par les adultes. Ensuite il reprendra des musiques du compositeur Maurice Jaubert, mort en 1940 et appellera à nouveau, après une longue absence au cinéma le comédien Jean Dasté.

Enfin Jean Vigo donnera son nom à de nombreux ciné-club ou salles d'art et essai en France.


Les 4 films de Jean Vigo

Jean Vigo a été un précurseur et un créateur d'exception. Il influença grandement les générations futures.
Sa production se limite à deux courts métrages, un moyen et un long métrage, moins de 3 heures en tout!

* A propos de Nice , de Jean Vigo, filmé en 1930, documentaire, durée 25mn.
Ce film que Jean Vigo définissait comme un "documentaire social ou plus exactement, un point de vue documenté", se présente comme un film satirique, violemment engagé pour l'époque.

* Taris ou la natation , de Jean Vigo, filmé en 1931, documentaire, durée 11mn, interprété par le champion de France, Jean Taris lui-même.
Ce film fut tourné dans la piscine du Sporting de Paris. Les évolutions du nageur sous l'eau sont saisies par des hublots, inaugurant la technique des plans sous-marins à l'origine d'une des plus belles séquences de "L'Atalante".
Vigo consacra au tournage une semaine au lieu de deux ou trois jours, tant il fit preuve de rigueur et de perfectionnisme. Cependant, il ne fut pas complètement satisfait de ce film de commande.


* Zéro de conduite, de Jean Vigo, réalisé en 1933, durée 41mn, musique Maurice Jaubert,
avec Jean Dasté (Huguet), Louis Lefèvre (Caussat), Henri Storck (Curé), Albert Riera (le veilleur de nuit)

A la rentrée scolaire, dans le train qui les ramène au collège, deux internes, Caussat et Bruel, échangent leurs souvenirs de vacances. Sur le quai de la gare, ils retrouvent leurs camarades sous la surveillance de Parrain, dit "Pète-sec" et d'Huguet, un nouveau surveillant qui paraît beaucoup moins sévère que "Pète-sec".
Le soir, au dortoir, Santt, le surveillant général vient faire un tour de ronde. Une fois la lumière éteinte, Colin, Caussat et Bruel laissent fuser quelques rires et se retrouvent punis, au pied du lit de "Pète-Sec" pendant un bon moment, jusqu'à ce que Colin ait mal au ventre et qu'ainsi on leur permette de se recoucher.
Le lendemain, le réveil est difficile pour Colin, Caussat et Bruel, qui se retrouvent consignés le dimanche. Durant la récréation, les trois garçons étudient leur plan de conspiration. Le dimanche, les élèves partent en promenade avec Huguet.
Tout le monde rentre sous la pluie en ordre dispersé sous œil du directeur et de Santt. Tabart et Bruel arrivent les derniers côte à côte et le directeur croit découvrir une amitié suspecte entre les deux garçons.
Caussat va chez son correspondant. Pendant le cours de sciences, le professeur se complaît à caresser la main de Tabart qui n'apprécie pas et finit par proclamer : "Je vous dit merde". Le conseil de discipline est prévenu et demande à Tabart de s'excuser, mais ce dernier, bien au contraire, répète tout haut sa phrase.
C'est le signal de la révolte. Au dortoir, Tabart fait une proclamation et il y a une gigantesque bataille de polochons. A l'aube "Pète-sec" est ficelé dans son lit. Le lendemain, a lieu une fête. Les autorités prennent place dans la cour. Les enfants révoltés les attaquent du haut du bâtiment. Les adultes s'enfuient, Colin, Bruel, Tabart et Caussat partent à l'aventure sur les toits.

Ce moyen mètrage exprime toute la révolte de Vigo, qui a subi l'humiliation ( en partie à cause de son père) et la solitude de l'internat pendant sa scolarité. La révolte finale lui tient lieu de défoulement.
Ce film complètement censuré en 1933, ne sortira en France qu'en 1946.


* L' Atalante, de Jean Vigo, sorti en 1934, scénario et dialogues : Jean Vigo et Albert Riera d'après Jean Guinée, durée 89 mn, musique Maurice Jaubert, chansons Charles Goldblatt,
avec Michel Simon (le père Jules), Jean Dasté (Jean), Dita Parlo (Juliette), Gilles Margaritis (le camelot), Louis Lefèvre(le mousse).

Voir fiche complète: L'Atalante

Juliette est une jeune paysanne qui épouse Jean, un jeune marinier. Le film commence sur cette scène de noces paysannes. La noce accompagne les mariés jusqu'à la péniche où le Père Jules et le mousse les attendent avec des fleurs. Les mariés embarquent, la péniche s'éloigne et la noce reste figée sur la rive.

Jean, le marinier, aime cette vie simple sur sa péniche dont les escales seules, rompent la monotonie. Juliette se montre une bonne épouse : elle organise la vie à bord de la péniche, elle s'acquitte des tâches ménagères... Mais elle ne tarde pas à s'ennuyer aux côtés d'un homme renfermé, fragile, possessif.
Poussée par la coquetterie, la frivolité, elle veut connaître le luxe, Paris, la grande ville. Jean ne répond pas à ses désirs : il ne s'intéresse qu'à son travail de marinier qu'à sa péniche. Il va bien avec Juliette dans une guinguette, mais il ne paraît pas y prendre plaisir.
Juliette au contraire, aime la vie, tout ce qui divertit, ce qui est moderne et nouveau. Elle s'ennuie sur L'Atalante. Elle se distrait auprès du Père Jules, un personnage plein d'humour et de tendresse, un vieux marin, voyageur et conteur d'histoires.

Tentée par la ville et ses plaisirs, elle finit par succomber. Le "séducteur" est un colporteur camelot qui propose à Juliette de l'amener à la ville et lui fait miroiter les plaisirs qui l'attendent. Juliette part au hasard dans la ville obscure. Malheureusement, la réalité ne répond pas à ses rêves. Jean lève l'ancre sans l'attendre. Elle se trouve comme abandonnée, sans argent, ni travail.
Pour finir, Juliette reviendra sur L'Atalante, ramenée par le Père Jules parti la chercher dans Paris. Mais rien ne sera plus comme avant désormais, le rêve et les lumières de la ville ont laissé leur trace.


Le prix Jean Vigo

Le ' Prix Jean Vigo' est décerné depuis 1951.
Il est attribué à "un réalisateur français distingué pour son indépendance d'esprit et son originalité de style" , en pratique ce ne sont pas les qualités formelles du film qui sont primés, mais la portée sociale et humaine de la réalisation. Les jeunes réalisateurs sont souvent distingués par ce prix.
De 1951 à 1960 le film récompensé était soit un court métrage soit un long métrage. Depuis 1960 un prix est attribué dans chacune des catégories, sauf exception.

Le palmarès du prix Jean Vigo

Le prix Jean Vigo du court métrage

À partir de 1960 un prix spécifique court métrage est décerné, de façon irrégulière:

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