Nathalie Baye

Les films de l'année 2003

* RESPIRO de Emanuele CRIALESE, sorti en 2002 à Cannes, en 2003 en salles; durée 95 mn, avec Valeria Golino (Grazia), Vincenzo Amato(Pietro ), Francesco Casisa (Pasquale ), Veronica D'Agostino(Marinella), Filippo Pucillo (Filippo ), Muzzi Loffredo , Elio Germano , Avy Marciano. Film franco-italien.
Sous le soleil brûlant de Lampedusa, une femme mariée, Grazia, essaye d'avoir un peu de liberté, au milieu de son mari, ses fils, sa fille et de la pression sociale du village. Tendre, nostalgique, ce film , inspiré d'une légende locale, se termine de façon plus optimiste et poétique que réaliste.

Voir Analyse détaillée : Respiro


* Good bye, Lenin! de Wolfgang Becker, scénario de Bernd Lichtenberg, film allemand sorti en 2003, César 2004 du meilleur film de l'Union Européenne, neuf prix aux Deutschen Filmpreisen, durée 121mn;
avec Daniel Brühl (Alexander Kerner), Katrin Sass (Christiane Kerner), Maria Simon (Ariane Kerner), Chulpan Khamatova (Lara), Florian Lukas (Dennis)

La famille Kerner vit à Berlin-est.
Pendant l'été 1978, après que le père a fui à l'ouest, sa femme Christiane décide de s'investir dans la vie sociale du régime communiste. Elle pratique par exemple la critique constructive en rédigeant des lettres de protestation pour ses voisins. Elle vit avec son fils Alexandre et sa fille Ariane.
Le 7 octobre 1989, Christiane doit assister aux célébrations du 40e anniversaire de la RDA. Sur le chemin, elle voit une manifestation d'opposition à laquelle participe Alex. Voyant les policiers réprimer la manifestation et arrêter son fils, elle s'évanouit et tombe dans le coma.
En novembre 1989 le mur tombe et les deux jeunes gens s'intègrent dans la vie occidentale: Alex en vendeur d'abonnements aux chaînes satellitaires et sa soeur comme serveuse dans un Burger King. Alex tombe amoureux de Lara, une infirmière russe. Sa soeur s'éprend d'un Wessi, un Allemand de l'Ouest.
En juin 1990, leur mère se réveille. Pour éviter une rechute à cause d'un choc, le médecin conseille à Alex et Ariane de cacher à Christiane les changements politiques qui ont eu lieu. Ils réaménagent l'appartement familial comme avant, cachent toutes les améliorations techniques, retrouvent les marques des produits d'avant, en particulier les fameux cornichons.
Ils y parviennent tant bien que mal avec l'aide des voisins et de leurs amis. Le collègue de travail d'Alex, Dennis, crée même de faux journaux d'informations pour trouver des explications pausibles à ce que la mère découvre malgré tout: une publicité de Coca Cola sur l'immeuble d'en face par exemple. Mais, un soir, à quelque temps de la réunification, Christiane doit être emmenée d'urgence à l'hôpital. Alex décide de retrouver son père à l'ouest et de produire avec Dennis un dernier journal.

Le film a connu un immense succès en Allemagne et aussi dans le reste de l'Europe. Alliant avec malice une certaine nostalgie romantique de l'est ( "Ostalgie") et une tendresse pour ses personnages sincères, ce film montre que les valeurs essentielles de la vie en société et les relations familiales ne sont pas automatiquement meilleures dans la société occidentale.


* DOLLS de Takeshi KITANO, sorti en 2003

avec Hidetoshi Nishijima, Miho Kanno, Tatsuya Mihashi
Film japonais, à la fois sombre et plein de couleurs, il n'y pas d'amour heureux, surtout l'amour fou. Illustration à travers trois couples; le couple principal, équilibré et qui pouvait être heureux, mais qui sombre progressivement dans la folie et l'indifférence réciproque.

La fidélité absolue échoue aussi, à travers le deuxième couple: le Yakusa parvenu au sommet de sa puissance et l'amoureuse qui, elle, est restée à l'attendre, mais qui ne le reconnaît plus quand enfin il revient. Rien à attendre non plus du sacrifice de l'admirateur absolu de la vedette du show-biz.
La symbolique est quelque fois appuyée mais les références au théâtre de marionnettes Bunraku, les représentations traditionnelles des quatre saisons du Japon et les costumes de Yohji Yamamoto sont superbes.


* DOGVILLE de Lars von TRIER, sorti en 2003
avec Nicole Kidman, Paul Bettany, Patricia Clarkson, Jeremy Davies, Siobhan Fallon, Ben Gazzara, Lauren Bacall, Harriet Anderson
Film danois, suédois, français, norvégien,italien.

Le décor est minimaliste, mais suffisant pour l'action, et introduit une transparence parfaitement adaptée au sujet. Le spectateur voit à travers les murs des maisons et finit par trouver ça naturel.
Au milieu de la crise de 1929 et dans un petit village des Rocheuses, Lars van Trier met à nu toutes les faiblesses de l'âme humaine, y compris celles qui s'abritent derrière de bons sentiments. Nicole Kidmann en intruse jalousée et exploitée va passer de la bonté à la vengeance, sans colère mais sans pitié.
La réflexion sur le bien et le mal est continue, ainsi que sur le pouvoir et ses abus possibles. L'allusion à l'hyperpuissance actuelle de l'Amérique y est évidente.

Un autre intérêt réside dans la confrontation entre les actrices, Nicole Kidmann pure et rayonnante, qu'aucune situation, même humiliante, n'atteint face aux stars du passé comme Lauren Bacall ( Key Largo 1948) ou Harriet Anderson ( Monika 1953)
Le générique de fin est un film à lui tout seul, montrant à l'aide de photographies d'époque que la réalité fût encore peut-être plus dure que cette fiction.

(voir la biographie et la filmographie de Lars von Trier)


* LES INVASIONS BARBARES de Denys Arcand, sorti en 2003, Canada-France
avec : Rémy Girard, Stéphane Rousseau, Dorothée Berryman, Louise Portal, Dominique Michel, Yves Jacques, Pierre Curzi, Marie-Josée Croze, Marina Hands, Toni Cecchinato, Mitsou Gélinas, Johanne-Marie Tremblay, Denis Bouchard.
Prix du scénario, prix d'interprétation féminine pour Marie-Josée Croze, Cannes 2003.
3 récompenses aux César 2004: César du meilleur film ; César du meilleur réalisateur : Denys Arcand ; César du meilleur scénario original ou adaptation.
Oscar du meilleur film étranger 2004.

Plus ambitieux que "Jésus de Montréal" et plus achevé que "Le déclin de l'Empire Américain" dont il reprend 17 ans après les personnages et les acteurs, ce film fait le bilan d'une génération de baby-boomers québécois.

Le plus épicurien de bande d'amis est atteint d'un cancer incurable. Sa femme et son fils, pourtant éloignés de lui, vont battre le rappel des amis et maîtresses et de la génération suivante pour l'accompagner dans cette épreuve. Ils vont l'aider à faire le bilan de sa vie, et vont faire le tour de leurs engagements à tous, de leurs amours et de leurs trahisons.

Les sujets abordés sont nombreux et variés: problèmes actuels dans le système de santé nationalisé des pays riches, puissance de l'argent, réflexion sur les livres ( peut-on être cultivé sans livres?), déliquescence du syndicalisme, déclin des religions, retour sur les monstrueuses erreurs d'appréciation des intellectuels sur la Révolution Culturelle de Mao, grave question de l'euthanasie, rapports père-fils et mère-fille, réactions d'un homme et ses proches face à l'inéluctable.
Tous ces thèmes sont traités avec un humour incisif ( mais quelque fois facile.. ), nostalgie et tendresse.

Rémy Girard et
Marie-Josée Croze

* ELEPHANT de Gus van Sant, sorti en 2003

Mais quel mouche a piqué Chéreau et le jury de Cannes de donner la Palme d'Or à ce film?
La forme est molle et sans grande originalité.
Et le fond est très douteux, car sur les causes du drame de Columbine, l'analyse de Michael Moore est plus percutante. Dans ce film tout semble se valoir: petites tracasseries entre élèves, jeu vidéo violent, film sur l'Allemagne nazie et vente libre des armes sur internet, alors que l'auteur ne donne aucune piste pour éviter le retour de tels actes.
En bref Dogville ou les Invasions Barbares méritaient cent fois plus la palme!

Voir une fiche détaillée de ce film


* LES SENTIMENTS de Noémi Lvovsky, scénario de N. Lvovsky et Florence Seyvos, sorti en 2003, Prix Louis-Delluc 2003
avec Jean-Pierre Bacri, Nathalie Baye, Isabelle Carré, Melvil Poupaud, Agathe Bonitzer

Jacques, médecin, et Carole, son épouse, habitent une maison en région parisienne. Dans la maison voisine s'installent François et Édith.
Ce dernier doit succéder à Jacques et reprendre sa clientèle. Jacques passe beaucoup de temps avec François pour lui transmettre sa succession.
Carole et Édith, pendant ce temps, deviennent amies.
Jacques est troublé par Édith et Édith est émue par le trouble qu'elle provoque chez lui. Ils vivent une courte passion qui les transforme l'un et l'autre, avant un retour au réel dégrisant.

Après un film intime et dur sur l'adolescence ( La vie ne me fait pas peur, 1999), Noémie Lvovsky, s'attaque avec bonheur au sujet pourtant ultra classique de l'adultère bourgeois.

Le film est acide par le propos ( voir la scène où Carole dort en ronflant légèrement ou bien les confidences de Jacques sur la condition de médecin de généraliste) avec des épisodes franchement drôles. L'utilisation exagérée de la couleur rouge renforce cette impression tout en créant une complicité avec le spectateur sur l'évidence de ce code.
Le film est ponctué de chansons originales, chantées en direct par une chorale et qui commentent l'intrigue, comme des spectateurs impuissants à changer le cours des événements, mais lucides et conscients de l'issue de cette aventure.
Les références au cinéma français sont nombreuses: La situation de "La Femme d'à coté" et le baiser dans la cave de "Baisers volés" de Truffaut, la violence des sentiments des films de Pialat, le commentaire distancié et musical de "On connaît la chanson" d'Alain Resnais.

Noémie Lvovsky revendique ces maîtres: "Ce sont les films de François Truffaut qui m'ont fait aimer le cinéma (...) A l'adolescence, j'ai vu Baisers volés et tous les films de Truffaut, puis j'ai découvert ceux de Maurice Pialat. Depuis, je me sens tiraillée entre leurs deux familles. La mélancolique qui aime le spectacle plus que la vie, qui fait des films pour raconter une vie plus belle, plus drôle ou plus romanesque, et l'enragé qui arrache à la vie des bouts de vie tout crus "
Pour Les Sentiments, Lvovsky a choisi une actrice qui a été révélée par ces deux metteurs en scène. Nathalie Baye a en effet trouvé ses premiers grands rôles dans La Nuit américaine (1973), de François Truffaut, et La Gueule ouverte (1974), de Maurice Pialat.


* HISTOIRE DE JULIEN ET MARIE de Jacques Rivette, sorti en 2003, scènario de Pascal Bonitzer, Christine Laurent, Jacques Rivette.
avec Jerzy Radziwilowicz, Emmanuelle Béart, Anne Brochet, Olivier Cruveiller, Nicole Garcia.

Julien retrouve Marie. Disparue de sa vie depuis des mois, peut-être des années. Il va croiser, dans la réalité( ??), cette même Marie au coin d'une rue.
Julien est horloger, il répare les immenses pendules démantibulées qui encombrent son atelier, offrant des cadrans aveugles aux heures arrêtées. Julien est aussi maître chanteur. Il menace et rançonne Madame X, élégante et ravissante faussaire en tissus asiatiques anciens. Julien aime Marie qui feint d'aimer Julien qui ne comprend pas que Marie soit si étrange.
Julien cache son second métier d'escroc, Marie cache... on ne sait quoi. Ses rapports avec Madame X, ses visites à un curieux salon ou elle retrouve une soeur de Madame X, la reconstitution d'une chambre bleue sous les combles de la maison de banlieue de Julien.

Dans ce film long (150mn), en projet depuis 27ans (!), on ne s'ennuie pas, mais on se laisse bercer par une douce poésie ( Cocteau...) sans y trouver un constant intérêt.
Les mystères sont légers, le thême des relations entre vivants et morts hésite entre le surnaturel et le fantasme, le couple Julien- Marie est improbable, mais la lumière qui tombe sur la peau d'Emmanuelle Béart est sublime.

voir la biographie et filmographie de Jacques Rivette


* Pas sur la Bouche, film musical et chantant d'Alain Resnais, sorti en 2003
Durée 115mn, d'après une opérette d'André Barde et Maurice Yvain ( créée en 1925 )
avec Sabine Azéma, Pierre Arditi, Audrey Tautou, Isabelle Nanty, Darry Cowl, Jalil Lespert, Daniel Prévost et Lambert Wilson.

Lors d'un séjour aux États-Unis, Gilberte a été mariée en premières noces à un Américain, Eric Thomson. Son mariage a été un échec. Mais cette union n'ayant pas été légalisé par le consul de France, il n'est, de fait, pas reconnu en France. Revenue à Paris, Gilberte a épousé Georges Valandray, riche métallurgiste. Celui-ci, qui croit à la félicité conjugale dès lors que l'on est le premier mari de sa femme, est soigneusement tenu dans l'ignorance de l'union avec Eric Thomson. Seule la soeur de Gilberte, Arlette Poumaillac, toujours célibataire, connaît le secret. Mais, par pure coïncidence, Georges Valandray entre en relations d'affaires avec cet Eric Thomson et se prend d'amitié pour lui

affiche
signée Floc'h

Pas sur la bouche constitue le troisième film de Resnais dans le genre de la comédie musicale, après La Vie est un roman et On connaît la chanson . C'est aussi un hommage au théatre comme Mélo, avec des jeux de scène où les acteurs prennent à témoin le spectateur ( en l'occurrence la caméra ) et des mouvements de rideaux apparents.

Le caractère désuet et charmant de l'intrigue est harmonieusement compensé par la modernité de certaines tirades, comme celle sur la suffisance des américains ou l'intemporalité des situations qui évoquent à la fois Musset, Marivaux ou les comédies musicales.

Resnais retrouve ses comédiens favoris, Pierre Arditi et Sabine Azema, mais pas André Dussolier, qui le dit lui-même dans une savoureuse bande annonce.

Alain Resnais a tenu à ce que ses acteurs chantent les chansons du film et ne soient pas doublés.
Il déclare :"Mon grand plaisir au théâtre musical, que ce soit à Broadway, Londres ou Paris, c'est d'avoir en face de moi des acteurs qui chantent, et non des chanteurs qui jouent. Ce qui m'intéressait, c'était de voir si on pouvait prendre des acteurs français et n'en doubler aucun. Lambert Wilson est chanteur professionnel, les autres non. Ils se sont prêtés au jeu avec gourmandise. Je m'étais dit d'emblée : tant pis si ça n'est pas impeccable du point de vue du chant, du moment que les voix sont vraies."


* In the Cut de Jane Campion, film américain sorti en 2003
durée 120 mn, avec Meg Ryan, Mark Ruffalo, Jennifer Jason Leigh, Nick Damici

Frannie est professeur de littérature à l'Université de New-York et fréquente pour les besoins d'une enquête des bars douteux de la ville. Sa vie sentimentale n'est pas très folichonne.
Par hasard, elle découvre une chaude scène de fellation et se trouve mêlée à un meurtre qui se déroule devant sa fenêtre. L'inspecteur de service est un peu bizarre mais attirant.

Jane Campion aborde un film de genre, ici le policier, avec son style si particulier. Le thème est classique et rend hommage à Hitchcock avec le faux coupable, policier de surcroît, également faux dur, que l'on croyait macho mais qui craque devant la new-yorkaise pas si faible que ça.

Genre aussi que ce portrait de "Big Apple" plutôt sordide avec ses bars louches qui sont l'occasion de scènes érotiques en gros plan et toujours mêlée de mystère et d'angoisse.
Dans ce portrait de femme décalé, Jane Campion réussit à contourner les contraintes d'Hollywood pour réaliser un film très personnel.


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