Le cinéma , 1998-2000


Catherine Deneuve

Les films des trois dernières années du 20ème siècle

Les films de l'année 1998

Les films de l'année 1999

Les films de l'année 2000

* La Vie révée des Anges, de Erick ZONCA, sorti en 1998, durée 113 mn; scénario et dialogues de Erick Zonca, Roger Bohbot et Virginie Wagon, double prix d'Interprétation féminine à Cannes 1998 pour Élodie Bouchez et Natacha Régnier .
avec Élodie Bouchez ( Isabelle Tostin), Natacha Régnier ( Marie Thomas), Grégoire Colin ( Chriss), Patrick Mercado ( Charly), Jo Prestia ( Fredo), Francine Massenhave ( La gardienne), Zivko Niklevski ( Le patron Yougoslave), Murielle Colvez , Lyazid Ouelhadj , Frédérique Hazard , Jean-Michel Lemayeux , Louise Motte.

Deux filles, aux caractères opposées, mais qui partagent la même galère, vont faire un bout de chemin ensemble. Isa, mobile et créative et malgré tout garde toujours le sourire, et Marie, murée et révoltée, écorchée vive, qui en veut à la terre entière.
Sur fond de contexte social difficile, Erick Zonca dresse le portrait de deux jeunes femmes d’aujourd’hui, seules, sans boulot ni amour. Loin de tout misérabilisme ou sensiblerie, il nous fait partager le quotidien de ses deux personnages qui se débattent avec la vie, chacun à sa manière. C’est donc un film tout en émotion brute, en douleurs et en rires, concentré sur des gestes, des regards, des moments, qui parlent souvent plus que les mots.

La mise en scène est tendre et délicate, sans effet, à dimension humaine. On pense aussi à Agnès Varda et son film "Sans toit ni loi".

Erick Zonca déclare: A l'origine de "La vie rêvée des anges", il y a la rencontre que j'ai faite avec une jeune fille qui m'a inspiré le personnage d'Isa. Je préparais mon deuxième court métrage, "Eternelles", et je recevais en casting un certain nombre de candidates. Parmi elles, une jeune fille, sac à dos, s'est présentée, munie d'un drôle de book qu'elle s'était confectionné et qui était, en réalité, son journal. Il se dégageait d'elle une sorte de sérénité, de grâce et de confiance absolue dans la vie. Elle m'a raconté que, comme Isa dans le film, elle se posait là où ses pas la portaient, quelle vivait au jour le jour, au gré des galères et des rencontres.
Comme Isa, elle a travaillé parfois en usine, poursuivant toujours son bonhomme de chemin. Je ne l'ai pas perdue de vue et je n'ai jamais cessé de suivre son parcours. Elle est d'ailleurs venue sur le tournage et lorsqu'elle a vu le film, elle m'a dit s'être reconnue dans le personnage d'Isa.

* Jeanne et le garçon formidable, de Olivier Ducastel, comédie musicale sortie en 1998,
durée 98 mn, scénario et chansons de Jacques Martineau et Philippe Miller
avec: Virginie Ledoyen, Mathieu Demy, Jacques Bonnaffé.

Jeanne travaille comme réceptionniste pour une entreprise de voyage. Elle entretient plusieurs relations sentimentales et sexuelles à la fois. Un jour, elle rencontre dans le métro Olivier et se persuade qu'il est l'homme de sa vie. Ils entament une relation mais Olivier lui révèle être séropositif.

Ce film est à la fois un hommage explicite aux films musicaux de Jacques Demy, appuyé par la présence de son fils,et un réflexion un peu acide sur la nouvelle condition amoureuse à l’époque du sida et alterne effectivement légéreté et gravité.

Olivier Ducastel et Jacques Martineau déclarent: " Nous avons voulu faire un film à la fois triste et joyeux sur le plaisir de vivre, un film qui chante la beauté de la vie et l'horreur du sida, un film qui murmure avec insistance : ça vaut la peine de vivre, alors faites attention à vous..."


* LA VIE NE ME FAIT PAS PEUR, de Noémie LVOVSKY, sorti en 1999, Prix Jean Vigo 1999
avec Valérie Bruni-Tedeschi, JL Bideau, Magali Woch, Ingrid Molinier, JM Parmentier,

Chronique de quatre adolescentes, filmée de façon très originale, tendue, choc entre les rêves et la ou plutôt les réalités, souvent très dures. La caméra nous entraîne au plus profond de leur intimité, transformant l'univers des autres ( les garçons, les parents... ) en une terre étrange et difficile d'accès.


* Kennedy et moi , de Sam Karmann, sorti le 22 décembre 1999 ; Durée 86 mn, scénario de Jean-Paul Dubois et Sam Karmann d'après le roman homonyme de Jean-Paul Dubois , musique de Pierre Adenot , photographie de Guillaume Schiffman;
avec Jean-Pierre Bacri ( Simon Polaris ), Nicole Garcia ( Anna Polaris ), Patrick Chesnais ( Paul Gurney), Sam Karmann ( Robert Janssen ), François Chattot ( Victor Kuriakhine ), Éléonore Gosset ( Alice Polaris ), Lucas Bonnifait ( Thomas Polaris ), Stéphane Höhn ( Thibaut Brentano ), Bruno Raffaelli (Docteur Munthe ), Francine Bergé ( Lydia Brentano ), Jean-Claude Brialy ( Benny Grimaldi )

Simon Polaris est un écrivain en panne. En panne d’inspiration et de volonté. Il traine son ennui dans sa maison entre une femme avec qui il ne fait plus l’amour et qui le trompe et des enfants dans lesquels il ne se reconnait pas. Dans cet environnement peu attrayant, Simon se déplace en trainant les pieds et en grognant mollement. Son comportement commence alors à devenir bizarre. Isolé dans son bureau, Simon passe le temps, à mille lieues du livre qu'il doit écrire. Apathique et désabusé, il se rend chez son psychothérapeute pour lui faire part de son désir d'en finir. Mais dans la poche de pantalon du psychothérapeute persiste un dernier mystère : une montre qu'aurait porté John Kennedy le jour de son assassinat.

La crise de la cinquantaine est un sujet courant dans le cinéma français. C’est un vaste thème observé sous toutes les facettes. La distribution est intéressante, le ton du film est plus léger que véritablement déprimé. Mais de nombreux autres thèmes sont abordés avec ironie. L'angoisse de l'écrivain devant la panne d'inspiration est traité dans une sorte de mise en abyme, car le film se termine par l'écriture par Simon de sa propre aventure qui est narrée dans le film.

Le milieu médical est largement étudié et les "spécialistes" dont les seuls surcroits de compétences résident dans l'aménagement intérieur de leur cabinet, la longueur de l'attente et le dépassement d'honoraires sont raillés avec acuité. L'opposition des générations est abordée ici à contre-courant, car la jeune génération semble préoccupée de carrière, de position sociale et de réussite matérielle, en face de cinquantenaires désenchantés et vivant au jour le jour, au gré de leurs pulsions.

Le titre du film est une allusion à une montre qui aurait appartenu à Kennedy et que Simon parvient à obtenir par ruse. Loin d'être un simple MacGuffin, cet épisode introduit une réflexion sur le destin et sur la chaîne possible qui relie mystérieusement deux individus que rien ne semble rapprocher. Simon en profite pour rechercher dans les vidéos de l'époque des preuves éventuelles de la véracité de cette histoire de montre. Histoire vraie ou simple truc de psychanalyste qui se retourne contre lui, ni le roman, ni le film ne tranchent...

Karmann (dont c’est le premier long-métrage après un court : Omnibus qui avait ramassé une flopée de prix, notamment à Cannes et aux Oscars) a le bon goût de donner le rôle de Simon à Bacri. Ce dernier arrive, sans trop de difficulté à rendre plutôt sympathique cet agacé permanent. De plus, Karmann donne par moment à Simon une voix off. Un processus qui apporte une touche ironique qui fuse et fait rire doucement.

L' épatante Nicole Garcia, dans le rôle de sa femme, pallie à l’excès de grognerie de Simon. Elle parvient souvent, par un geste ou un regard amusé, à alléger un peu ce qui pourrait constituer le misérabilisme du personnage de Bacri..


* TOUT SUR MA MERE (esp:Todo sobre mi madre), de Pedro ALMODOVAR, sorti en 1999 Espagne, France;
avec Cecilia Roth ( Manuela Coleman Echevarría), Marisa Paredes ( Huma Rojo), Candela Peña ( Nina Cruz), Antonia San Juan ( Agrado), Penélope Cruz ( Sister María Rosa Sanz), Rosa María Sardà ( Mère de Rosa) Fernando Fernán Gómez ( Père de Rosa), Toni Cantó ( Lola), Eloy Azorín ( Esteban Coleman Echevarría), Carlos Lozano ( Mario), Fernando Guillén.

Après la mort accidentelle de son fils Esteban, Manuela lit dans un cahier dont le jeune homme ne se séparait jamais : "Hier soir, maman m'a montré une photo; il en manquait la moitié. J'ai l'impression que la même moitié manque à ma vie." C'est une allusion à son père.
Manuela ne lui a jamais dit qui c'était : il lui était difficile d'expliquer à un adolescent que son père avait de plus gros seins que sa mère et qu'il répondait au nom de Lola. Pourtant, ce silence pèse sur la conscience de Manuela comme un crime.
Elle décide d'aller à Barcelone à la recherche de Lola, pour lui dire qu'ils ont eu un fils, et qu'il est mort. La recherche d'un homme qui porte un tel nom est pleine d'embûches et de surprises.

C'est un mélo flamboyant sur des thèmes forts, la mort, la maternité, (encore ) l'homosexualité, mais aussi la mission moderne d'une soeur au milieu de la drogue et d'une movida vieillissante.

* Fiche détaillée du film


* ROSETTA de Luc et Jean-Pierre DARDENNE, France-Belgique; sorti en 1999, durée 95 mn; Palme d'Or 1999 à Cannes, prix d'interprétation féminine pour Emilie Dequenne, 18 ans.
avec Émilie Dequenne ( Rosetta), Fabrizio Rongione ( Riquet), Anne Yernaux ( La mère), Olivier Gourmet ( Le patron), Bernard Marbaix , Frédéric Bodson , Florian Delain , Christiane Dorval , Mireille Bailly , Thomas Gollas , Leon Michaux.

Rosetta continue sa lutte quotidienne et sans merci pour trouver un boulot. C'est une fille qui est exclue de la société, du travail et qui est obsédée par le fait d'en trouver un et de devenir quelqu'un de normal, comme tout le monde. Alors elle va de ce camping qui est 'l'arrière front' avec sa mère qui est la blessée, au fond d'une caravane, et dont elle doit s'occuper.
Elle passe la frontière: la route à quatre voies qu'elle doit traverser et qui marque son exclusion. La ligne qui sépare le front de l'arrière front. Le front étant la ville de Seraing où elle va pour trouver un travail.
Cette fille se bat, et en se battant, elle en arrive à s'enfermer au point de ne plus voir une main tendue. Personne n'est malhonnête mais la vie ne fait pas de cadeaux.
Le style est très intime, la caméra filme de très près et est en mouvement constant, pour bien marquer que rosetta ne peux jamais se détendre.


* Eyes Wide Shut , de Stanley Kubrick, sorti en 1999, durée 140 mn, adapté d'un roman d'Arthur Schnitzler
avec: Tom Cruise, Nicole Kidman, Stanley Pollack

Bill (Tom Cruise) et Alice (Nicole Kidman) forment un couple new yorkais très fortuné. Lui est médecin, elle dirige une galerie d'art. Mariés depuis neuf ans, ils ont une petite fille de sept ans. Un soir suivant une réception chez un de leurs amis, Ziegler, Alice avoue à Bill avoir eu quelques années plus tôt une tentation d'adultère restée sans lendemain, non consommée…

Bill réagit mal et va se lancer dans une quète dangereuse de plaisirs et de transgressions, cotoyant la perversité. La réalité et le fantasme se mèlent étroitement.

Ce dernier film de Kubrick n'est pas son meilleur film, sa tentative de traiter des thèmes universels, la fidélité, le désir et le fantasme se perd dans une construction alambiquée et beaucoup moins rigoureuse que dans ses autres films.

Voir: Biographie et filmographie de Stanley Kubrick

* GHOST DOG ( La voie du Samouraï ) de Jim Jarmusch, sorti en 1999, avec Forest Whitaker, John Torney, Isaac de Bankolé

Film noir et pourtant porteur de messages d'espoir. Mélange magique de rap, de philosophie zen, de sens de l'honneur autour d'un polar ironique. Réflexion sur la mort, la place de l'homme et des animaux, le dialogue possible au delà des barrières du langage. Tendre et original


* DANS LA PEAU DE JOHN MALKOVICH (en: Being John Malkovich) de Spike Jonze, scénario de Charlie Kaufman;
sorti en 1999; durée 112 mn; avec John Malkovitch (lui-même), John Cusack ( Craig Schwartz), Cameron Diaz ( Lotte Schwartz), Ned Bellamy ( Derek Mantini), Eric Weinstein ( Father at Puppet Show), Mary Kay Place ( Floris), Orson Bean ( Dr. Lester), Catherine Keener ( Maxine Lund), K.K. Dodds ( Wendy), Madison Lanc, Octavia Spencer.

Craig Schwartz est au bout du rouleau. Marionnettiste de rue sans succès, il mène une vie morose en compagnie de sa femme Lotte, amie des bêtes. En désespoir de cause, Craig sollicite un emploi d'archiviste auprès de la Lester Corp., société loufoque située au 7ème étage et demi de l'immeuble Mertin-Flemmer de Manhattan. Il y rencontre la belle Maxine dont il tombe aussitôt amoureux, ce sentiment étant loin d'être réciproque.

Plus tard, alors qu'il effectue une recherche, Craig découvre une petite porte cachée abritant un tunnel. Il emprunte ce dernier et se retrouve dans la peau de...John Malkovich. Craig Schwartz, marionnettiste sans succès, trouve un emploi dans une administration située au 7e étage et demi d'un building.
Dans son bureau, il repère une porte qui mènerait dans la tête de John Malkovich, avec sa vision et une partie de ses pensées.

Ce film recèle de purs instants hilarants (telle l'entrée de Malkovich lui-même dans son propre cerveau), le premier film de Spike Jonze est aussi un drame grinçant, où le pathétique fait rire parce qu'il touche à l'absurde.
Le jeu de marionnettes est ici une fidèle image du jeu relationnel mené par les êtres de chair. De celle-ci naît également le mal-être qui habite les personnages de Kaufman, prêts à abandonner leur peau pour rentrer dans celle d'un autre.

Chacun des protagonistes du film est meurtri par des désirs frustrés: Craig Schwartz souhaite vivre de son art, sans succès. Il redeviendra marionnettiste en possédant le corps puis l'esprit d'un autre, délaissant Craig Schwartz pour John Malkovich. Son épouse, Lotte, voudrait un enfant de son mari, en vain. Les animaux seront pour elle une compensation, humanisés afin de combler l'absence de l'enfant. Enfin, Lester , le patron de Craig, rêverait d'une relation plus intime avec son assistante de direction, Floris, mais ceci est impossible tant qu'il sera enfermé dans une peau qui n'est pas à la hauteur de ses ambitions.
Chacun se masque la réalité comme il peut - souvent en niant sa propre personnalité pour emprunter celle d'un autre. Le mal-être naît également de la perte, voire du refus de l'identité. La désignation par le nom est une part de l'existence: priver quelqu'un de son nom, c'est le priver de vie. Ainsi, Craig est nommé Juarez ou Warts par Floris, mais jamais Schwartz. L'enjeu de Craig pour avoir un rendez-vous avec Maxine est de deviner son nom. Schwartz ignore volontairement la douleur de son épouse en oubliant et mélangeant les noms de ses animaux. Enfin, Malkovich perd déjà de son identité propre à force de se voir félicité pour un rôle de voleur qu'il n'a jamais tenu. Dans une histoire où des personnages pénètrent l'esprit d'un autre, le trouble de l'identité devient central.
La porte menant à John Malkovich devient l'enjeu des fantasmes, l'outil par lequel les personnages vont un à un s'accomplir - ou non. Lotte, dans la peau d'un homme, découvre sa part de masculinité et déclare sa volonté de changer de sexe . L'homosexualité jusqu'ici latente du personnage de Maxine devient évidente via la relation amoureuse qu'elle entretient avec Lotte, via le corps de Malkovich: le désir de transexualité de Lotte est ainsi exaucé. En revanche, l'accomplissement sexuel de Craig ne passera pas par cette voie, mais par le jeu de marionnettes, à la fois autre dans la forme mais similaire dans le fonctionnement.

Ce scénario surréaliste et très original est réalisé avec le minimum d'effets spéciaux, ce qui le rend presque vraisemblable. C'est à la fois un divertissement raffiné et une critique acerbe de quelques excès de la vie américaine.


* Merci pour le chocolat de Claude Chabrol, sorti en 2000, scénario de Caroline Eliacheff et Claude Chabrol;
Prix Louis Delluc 2000;
avec Isabelle Huppert (Marie-Claire Muller dite Mika), Jacques Dutronc (André Polonski), Anna Mouglalis (Jeanne Pollet), Brigitte Catillon (Louise Pollet), Michel Robin (Dufreigne), Rodolphe Pauly (Guillaume Polonski), Mathieu Simonet (Axel), Isolde Barth, Lydia Andrei, Véronique Alain.

André Polonski, pianiste virtuose, et Mika Muller, PDG des chocolats Muller, se sont mariés à Lausanne. Elle prépare rituellement, chaque soir, un chocolat chaud.
Auparavant, André a épousé Lisbeth dont il a eu un fils, Guillaume. Le jour de ses six ans, alors qu'ils étaient de passage en Suisse chez Mika, Lisbeth s'est tuée dans un accident de voiture.
La jeune Jeanne Pollet, qui prépare le concours de piano de Budapest, apprend qu'elle aurait été échangée le jour de sa naissance avec Guillaume. L'infirmière aurait interverti les bracelets des deux bébés. A la recherche de ses origines et d'un mentor, l'ambitieuse débutante tente de s'approcher du maître. Cette intrusion va ébranler l'édifice familial.
Voir biographie et filmographie complète de Claude Chabrol

* LES DESTINÉES SENTIMENTALES de Olivier ASSAYAS, sorti en 2000, avec Emmanuelle Béart, Charles Berling, Isabelle Huppert

D'après Jacques Chardonne, le destin d'un prêtre devenu industriel après avoir constaté l’impasse du refuge en Suisse. Plus de cinquante ans d’évolution de la bourgeoisie protestante à travers les guerres, la mutation de la production du Cognac et de la porcelaine de Limoges.
Voir fiche détaillée Les Destinées sentimentales


* HARRY, UN AMI QUI VOUS VEUT DU BIEN de Dominik Moll, sorti en 2000; scénario de Dominique Moll & Gilles Marchand; durée 117 mn; avec Laurent Lucas ( Michel), Sergi López ( Harry), Mathilde Seigner ( Claire), Sophie Guillemin ( Prune), Liliane Rovère ( la mère), Dominique Rozan ( le père), Michel Fau ( Eric), Victoire de Koster ( Jeanne), Laurie Caminata ( Sarah), Lorena Caminata ( Iris).

Un ami sorti de nulle part sème le trouble, stimule et inquiète une famille calme et écologique. Une exploration aigre et douce de l'âme apparemment sereine du couple. Que se passe-t-il si un (bon?) génie réalise vos rêves les plus intimes? Intrigant


* Saint-Cyr de Patricia Mazuy, sorti en 2000, scénario inspiré du roman "La maison d'Esther" d'Yves Dangerfield, durée 120 mn, Prix Jean Vigo 2000, Prix de la Jeunesse, Cannes 2000,
avec Isabelle Huppert (Madame de Maintenon), Jean-Pierre Kalfon (Louis XIV), Simon Reggiani (l'évêque), Jean-François Balmer (Racine), Nina Meurisse (Lucie de Fontenelle), Morgane Moré (Anne de Grandcamp), Bernard Waver(l'abbé Gobelin)

En mars 1685, Mme de Maintenon, épouse de Louis XIV, souhaite créer un pensionnat pour les jeunes filles de la noblesse pauvre. Il doit d'abord s'agir d'une école où les demoiselles seront élevées pieusement mais dans une certaine liberté.
Anne et Lucie, deux petites Normandes, arrivent à l’Ecole de Saint-Cyr. Amies inséparables, elles se laissent entraîner par la promesse d’un avenir heureux.
Malheureusement, après quelques années d'insouciance pour toutes, l'objectif se révèle impossible à atteindre. Le Roi considère cette entreprise comme une marotte de son épouse secrète sans en partager l'idéal. Mme de Maintenon se plonge dans la religion, voulant expier son passé.
Elle accepte qu'un abbé intransigeant vienne l'aider à maintenir les pensionnaires dans le droit chemin de la morale chrétienne en les préservant du monde. Par ailleurs, les bâtiments sont construits au milieu de marais et sont très humides, de nombreuses filles meurent de maladies pulmonaires. L'institution se délite, perd son âme et finit par fermer.

Patricia Mazuy, nous propose un épisode de la lutte pour l'émancipation et la dignité des femmes, qui ne se termine pas positivement, mais qui marque cette longue quète.
La reconstitution historique est très soignée, comme les costumes, mais aussi les langues régionales, parlées à leur arrivée par les jeunes filles et qui sont un handicap supplémentaire à leur intégration. Le poids insupportable d'une religion catholique qui serait qualifiée de nos jours d'intégriste, mais qui était la norme au XVIIème siècle, est parfaitement décrit.


* DANCER IN THE DARK de Lars van Trier, film danois (Comédie Musicale), sorti en 2000
avec Björk, Catherine Deneuve, Peter Stormare, David Morse durée 2 h 19
Palme d'Or pour le film au Festival de Cannes 2000. Prix d'interprétation féminine pour Björk.
Voir fiche détaillée:Dancer in the Dark

Dans les années 1960, Selma, immigrée tchécoslovaque, s'installe dans une petite ville industrielle des Etats-Unis, avec son fils Gene, âgé de douze ans. Atteinte d'une maladie héréditaire qui menace de la rendre aveugle, Selma travaille à l'usine de tissage au delà de ses capacités et au mépris des règles de sécurité.
Elle tente de réunir assez d'argent pour pouvoir payer l'opération qui devrait préserver son fils de la même maladie et de la cécité. Fuyant ses préoccupations quotidiennes grâce à la musique et à la danse, elle participe à une comédie musicale montée par la chorale amateur de son quartier.
Mais Selma se fait voler toutes ses économies et se sacrifie complétement pour sauver quand même son fils.

Ce film est une comédie musicale triste, toujours aux limites du mélodrame larmoyant. Il respecte en grande partie le "dogme" du réalisateur danois, pour un cinéma dépouillé, avec une camera mobile et sans artifice. La symbolique du sacrifice de la femme est moins riche que dans " Braking the waves ". Le film constitue de plus une critique virulente des conditions de travail dans l'amérique profonde et surtout, à la fin un très fort plaidoyer contre la peine de mort aux Etats-Unis et ses injustices sociales.


* IN THE MOOD FOR LOVE de Wong KAR-WAI, sorti en 2000, Hong-Kong, avec Maggie Cheung (Su Li-zhen), Tony Leung (Chow Mo-wan)

En 1962 à Hong-Kong. Su Li-zhen et son mari d'une part, Chow Mo-wan et son épouse d'autre part, emménagent dans un nouvel immeuble le même jour sans se connaître.
Li-zhen est secrétaire de direction, toujours très élégante et affable. Son mari, rarement présent, travaille pour une entreprise japonaise et multiplie les voyages d'affaires à l'étranger.
Mo-wan s'ennuie dans son emploi de bureau et rêve au roman de Chevalerie qu'il avait jadis commencé à écrire. Son épouse rentre toujours tard de l'hotel où elle travaille et parfois ne rentre pas du tout et voyage ou va voir sa mère.

Li-zhen et Mo-wan se croisent dans les couloirs, dans l'escalier, dans la rue lorsqu'ils vont ou reviennent d'avoir acheté un bol de nouilles qui occupera leur soirée solitaire.La nourriture et son impact sur les relations amoureuses tiennent d'ailleurs une place certaine dans le film: la "révolution" introduite par l'autocuiseur, l'appareil revient d'ailleurs plusieurs fois dans le film, qui a libéré la femme asiatique ; l'apparition des soupes de nouilles pré-cuites, associées à une restriction de cette même liberté ( a contrario dans le film Mme Chan peut encore sortir de son appartement pour aller chercher à manger dans un restaurant de nouilles… où elle croise Mr Chow)

Peu à peu, de recoupement en recoupement (Li-zhen et l'épouse de Mo-wan ont le même sac, de même Mo-wan porte une cravate offerte par son épouse identique à celle du mari de Li-zhen) une certitude s'impose aux deux époux délaissés: leurs conjoints respectifs ont une liaison ensemble.

Mo-wan et Li-zhen se rapprochent encore un peu plus, passent davantage de temps ensemble. Elle l'aide à reprendre l'écriture de son roman. Alors que ce sont leurs conjoints qui ont "franchi la ligne jaune", ce sont eux qui doivent se cacher du reste de l'immeuble alors que rien de concret ne se produit entre eux !
Leur attirance réciproque semble irrésistible mais ils refusent d'y céder pour "ne pas être comme les autres "... à moins que?

Sur un rythme à la fois lent et très saccadé, les amours fortes mais chastes dans le Hong-Kong invisible des années 60, un régal esthétique et romantique.

Bien que la caméra et le décor confinent M. Chow et Mme Chan dans l'espace inévitablement étroit des appartements et des bureaux de Hong Kong, la portée politique du film n'est pas absente, la date de 1962 correspond aux émeutes fomentées dans la colonie par la Chine contre les autorités britanniques de tutelle. C'est un moment de crise pour le territoire, soumis à deux autorités extérieures et qui mettent en question son identité et son devenir.

Pour garder le caractère délicieusement ambigü de la "consommation" ou non de l'adultère entre Su et Chow, vis-à-vis des acteurs, Wong Kar-Wai aurait tourné deux fins, une chaste et une plus explicite, et n'aurait choisi la première qu'au montage final.


La suite: cinéma 2001-2002

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