Claude Chabrol

Cinéaste français
biographie / filmographie / acteur / quelques films

Paris 24/6/1930 - 12/9/2010 Paris

Claude Chabrol est né à Paris, le 24 juin 1930.
C'est un fils de pharmacien et il dévore la Comtesse de Ségur. Il débute dans le cinéma dés l'âge de 12 ans comme projectionniste dans un garage d'un petit village de la Creuse.
Après ses études secondaires, il se lance dans des études de Droit, puis une licence de lettres et des études de pharmacie. Déjà rusé, il gagne son argent de poche en écrivant de fausses dédicaces d ‘Hemingway et de Faulkner et profite du snobisme parisien pour en tirer un bon prix.
Dès son arrivée à Paris, il fréquente assidument le ciné-club du quartier Latin, animé par Éric Rohmer, où il rencontre Truffaut, Rivette, Godard et Paul Guégauff, qui deviendra son scénariste.
Claude Chabrol entre aux "Cahiers du Cinéma" en 1953, ses amis François Truffaut et Jacques Rivette y font déjà leurs premières armes depuis quelques mois. Il fréquente la Cinémathèque de Claude Langlois et est introduit auprès d'André Bazin et Jacques Doniol-Valcroze, fondateurs de la toute jeune revue de cinéma à couverture jaune.
Dès ses débuts il défend la "politique des auteurs", pas encore strictement définie, mais déjà présente en puissance. A propos du film Chantons sous la pluie de Kelly et Donen, Claude Chabrol écrit : "il s'agit bien, cette fois, d'un film d'auteur, ce qui est rare dans ce genre de production". Le jeune critique cherche alors à convaincre ses lecteurs qu'à l'intérieur même du carcan des studios hollywoodiens, un réalisateur, malgré les règles et les conventions qui régissent les productions, peut imposer son style pour ainsi se positionner en véritable auteur de film
. Chabrol reprendra ces idées quelques numéros plus tard pour partir à la défense d'Alfred Hitchcock, considéré alors par la critique comme simple technicien efficace et non comme un auteur à l'univers passionnant.
En 1957, il publie avec Éric Rohmer un livre sur Alfred Hitchcock.
Il participe ainsi au lancement de la Nouvelle Vague française en étant critique aux Cahiers du cinéma.

Ses premiers films

Il se marie très jeune à Agnès, une riche héritière ce qui lui permet de fonder sa société de production. Il produit, pour démarrer, un court métrage de Jacques Rivette, Le Coup du berger (1956) avec Jean-Claude Brialy et François Truffaut, dont il est aussi scénariste. Il peut réaliser ses premiers films.
Le beau Serge en 1959 avec Jean-Claude Brialy, un drame campagnard qui dénote avec ses futurs thèmes de prédilection, sera son coup d'essai en tant que réalisateur, d'emblée couronné par un succès commercial conséquent.et
Les Cousins qui sort la même année est une crépusculaire étude de mœurs dans un Paris partagé entre existentialisme et misère..
Il montre déjà son originalité et son regard à la fois féroce et plein d'humour.
L'année suivante, il est mal compris avec Les bonnes femmes où l'on trouve une vision acide des femmes. La bêtise de ces femmes pathétiques effraie le public qui se sent visé et méprisé.
Claude Chabrol divorce pour épouser en 1964 la comédienne Stéphane Audran, qui sera très souvent son interprète.

La maturité

La bêtise va devenir un des thèmes clés de l'œuvre de Chabrol qui se dit fascinée par elle : "la bêtise est infiniment plus fascinante que l'intelligence. L'intelligence, elle, a ses limites tandis que la bêtise n'en a pas. Voir un être profondément bête, c'est très enrichissant et l'on a pas à le mépriser pour autant." Les Godelureaux, l'année suivante, ne rencontre pas plus de succès. Il se lance alors dans la réalisation de films d'espionnage souvent parodiques et toujours plein d'humour, mais boudés par la critique.

Il renoue avec le succès à partir de 1968 avec une série de films : Les Biches, La femme infidèle (1969), Que la bête meure (1969), Le boucher (1970). Claude Chabrol aime s'entourer de ses acteurs fétiches et on y retrouve Michel Bouquet, Jean Yanne et toujours et encore sa femme, Stephane Audran.
Il poursuit son analyse décapante des mœurs de la petite bourgeoisie avec Docteur Popaul (1972) ou Violette Nozière (1978) où apparaît la jeune Isabelle Huppert qui deviendra l'égérie du cinéma de Claude Chabrol dans les années 80-90.
En 1982, il adapte un roman de Simenon, Les fantômes du chapelier, véritable tableau des mœurs d'une petite ville de province. Le film est empreint d'une violence inquiètante, retenue et intériorisée que l'on retrouvera dans Masques en 1987.

Les années 1990 sont peu être plus que jamais les années Chabrol avec des chefs d'œuvre comme La cérémonie (1995) servie par les interprétations époustouflantes de Sandrine Bonnaire et d'Isabelle Huppert, inquiétantes dans leur folie ordinaire, ou encore L'enfer (1994) avec la très belle et troublante Emmanuelle Béart et le très torturé François Cluzet.

Le style de Chabrol

A l'inverse d'un Resnais mûrissant longuement chaque œuvre, Claude Chabrol a tourné beaucoup de films, cinquante sept longs métrages, rejoignant ainsi Jean-Luc Godard.
Bien sûr certains de ces films sont des films alimentaires fait pour renflouer sa société de production (et payer ses impôts, selon ses propres aveux !) : ainsi la série des “Tigre”, sans compter des séries pour la télévision.
Chabrol a toujours porté un regard affûté mais tendre sur l'humanité. Celui, goguenard, du curé de campagne qui connaît trop bien les vices de ses ouailles pour les condamner. Et le cinéaste sur les tournages duquel on mangeait le mieux et qui tenait par dessus tout à ce que la cantine soit bonne.
Ses réalisations tournaient toujours autour des mêmes thèmes. Il savait que l'homme est un animal et le démontra tout le long de sa filmographie, devenant juste de plus en plus rigolard au fil du temps.
Deux de ses meilleurs films, Le Boucher et Que la bête meure, en 1969, avec Jean Yanne, ne parlent que de ça : la culture ne peut rien contre les bêtes humaines. Stéphane Audran, l'institutrice du Boucher ne parvient pas à ramener à la civilisation Popaul, qui a vu trop de sang et ne peut s'empêcher de le faire couler. Et pour Que la bête meure, pour qu'un chauffard arrogant soit puni, il faudra que le gentil Michel Duchaussoy cesse d'être civilisé.
Mais il sait aussi prendre des risques comme par exemple en 1980, en se lançant dans l'adaptation du Cheval d'orgueil, le roman breton de Pierre Jakez-Elias, avec des comédiens peu connus du grand public.

En 2005, l'ensemble de son œuvre cinématographique a été distingué par le prix René-Clair de l'Académie française.

Claude Chabrol a été marié avec Stéphane Audran de 1964 à 1980. Sa dernière épouse, la troisième, est Aurore Paquiss, actrice et assistante de production.

Claude Chabrol meurt à Paris, le 12 septembre 2010.


Filmographie (réalisateur):

Filmographie sélective (comme acteur, crédité au générique):
Claude Chabrol apparait souvent dans de petits rôles, un peu à la façon d'Hitchcock, soit dans ses films, soit dans ceux de ses amis, lorsque Stéphane Audran tient un rôle important.


Quelques films

* Les Bonnes Femmes, de Claude Chabrol, sorti en 1960 , scénario de Claude Chabrol et Paul Gégauff , musique originale de Paul Misraki et Pierre Jansen, directeur de la photographie Henri Decaë, durée 95 mn , date de sortie : 22 Avril 1960;
avec Bernadette Lafont ( Jane), Clotilde Joano ( Jacqueline), Stéphane Audran ( Ginette), Lucile Saint-Simon ( Rita), Pierre Bertin ( Le patron du magasin), Jean-Louis Maury ( Marcel), Albert Dinan ( Albert), Ave Ninchi ( Mme Louise), Sacha Briquet ( Henri), Claude Berri ( Le copain de Jane)

Chabrol brosse le portrait caustique de quatre jeunes femmes, Jane, Ginette, Jacqueline et Rita. Elles sont toutes les quatre vendeuses dans le même magasin; Leur travail est insipide et leur salaire est médiocre.

Pour tenter d'oublier cette condition triviale, elles adoptent une vie sentimentale libre et même un peu dissolue. Jane est fiancée, mais néglige le jeune homme pour écumer les dancings et s'offrir en fin de nuit à des inconnus de passage.

Ginette pense avoir des dons de chanteuse et se produit en secret dans un music-hall de troisième zone. Rita cherche le grand amour, mais ne rencontre qu'un homme médiocre et égoïste. Jacqueline enfin connaît le sort le plus tragique. Elle souhaite concrétiser ses rêves de jeune fille, elle suit un inconnu sombre et ténébreux. celui-ci finit par l'étrangler.

Chabrol dresse un portrait sans pitié, à la limite de la misogynie, de ces jeunes femmes qui tente en vain de s'échapper de leur modeste condition. Les situations sont très proches de la réalité quotidienne, mais cependant le comportement de chacune bascule dans un excès qui la déstabilise.
Ce film, qui est un des premiers de l'abondante production de Claude Chabrol, montre déjà sa vision critique de la nature humaine, et le penchant iconoclaste de la Nouvelle Vague naissante.
Cette œuvre de jeunesse n'est pas exempte de défauts, en particulier certaines séquences aux effets un peu faciles.


* Que la bête meure, de Claude Chabrol, sorti en 1969 , scénario et dialogues de Paul Gégauff et Claude Chabrol, d'après le roman de Nicholas Blake, The Beast Must Die, musique de Pierre Jansen, images de Jean Rabier, durée 113;
avec Michel Duchaussoy ( Charles Thénier ), Jean Yanne ( Paul Decourt ), Caroline Cellier ( Hélène Lanson ), Anouk Ferjac ( Jeanne Decourt ), Marc Di Napoli ( Philippe Decourt ), Lorraine Rainer ( Anna Ferrand ), Maurice Pialat ( Le commissaire ), Louise Chevalier ( La bonne ), Stéphane Di Napoli ( Michel Thenier ), Guy Marly ( Jacques Ferrand )

Charles Thénier, écrivain, intellectuel, dont le fils a été écrasé par un chauffard sur une route de Bretagne jure de le venger.
Il y consacre tout son temps et finit, par hasard, par retrouver la trace de la voiture et d'une femme qui était à bord. Il découvre que l’assassin est Paul decourt, un garagiste vulgaire et sanguin qui terrorise son entourage. Il s’immisce alors auprès de celui-ci pour se venger.
Un jeu de mort subtil s'installe entre les deux hommes que tout oppose.
Entre le père implacable et déterminé, et la bête, le salaud capable de tuer un gamin sans émotion, Claude Chabrol tient la gageure : avec un scénario diabolique, il réussit à placer ce film parmi les plus grands de sa carrière.

L'opposition entre l’assassin et le justicier est complétée par deux personnages fort: Hélène Lanson, une vedette de la télévision qui a couché avec l’immonde garagiste, et qui a pris conscience de sa monstruosité, et le propre fils du garagiste, humilié au point de souhaiter la mort de son père. Chabrol mystifie le spectateur en nous offrant une fin à rebondissements.

La critique de la société bourgeoise, traditionnelle chez Chabrol, va bien au delà du personnage caricatural incarné par Jean Yanne et prend appui sur toute une galerie de personnages secondaires. La fin du film nous montre par ailleurs une vision plus nuancée où le salaud se met à douter et à se fissurer progressivement, et où le justicier semble plus retord et moins pur dans ses intentions.


Madame Bovary, de Claude Chabrol, sorti en 1991, durée 140 mn, adaptation assez fidèle du roman homonyme de Gustave Flaubert
avec Isabelle Huppert (Emma Bovary), Jean-Francois Balmer (Charles Bovary), Christophe Malavoy (Rodolphe Boulanger), Lucas Belvaux (Léon Dupuis), Jean Yanne (Homais, le pharmacien), Christiane Minazzoli (Mme Lefrancois), François Périer (Le narrateur), Florent Gibassier (Hippolyte), Jean-Claude Bouillaud (Rouault), François Maistre, Thomas Chabrol, Jean-Louis Maury, Henri Attal.

Fille d’un riche paysan, Emma aspire à une vie pleine de passions dignes des romans sentimentaux qu’elle a lus au couvent. Dans cet espoir, elle épouse Charles Bovary, médecin à Tostes en Normandie, mais elle déchante bien vite. L’ennui est son lot quotidien. Pour dissiper sa mélancolie, le couple s’installe à Yonville, bourgade plus importante où ils compteront parmi les notables, entre l’ambitieux pharmacien, Homais, le curé Bournisien, le notaire et son jeune clerc, Léon Dupuis.
La naissance d’une petite fille ne lui procure pas plus le bonheur espéré et Emma se laisse séduire par les regards langoureux du jeune Léon. Mais c'est un riche propriétaire, Rodolphe Boulanger, qui en fait sa maîtresse et elle se jette avec fougue dans l’amour adultère. Elle pousse par ailleurs son mari à accomplir une opération chirurgicale inédite d’un pied-bot mais celle-ci échoue.
Le mépris d’Emma pour son mari est alors sans appel et elle échafaude un plan pour fuir avec son amant. Ce projet romanesque ne plaît guère ou effraye celui-ci, qui l’abandonne. Désespérée, elle sort de sa léthargie grâce à Léon, retrouvé par hasard à Rouen. Cette deuxième liaison la pousse à contracter dette sur dette auprès d’un marchand faussement compatissant, Lheureux. Celui-ci, pour recouvrer son argent, menace de la faire saisir mais Emma se suicide avant une telle déchéance. Charles assiste impuissant à son agonie et à son propre déclin. Il meurt de chagrin, non sans avoir pardonné.

Lorsque Chabrol décide d’adapter l’un des chefs-d’œuvre de la littérature française , il lance non seulement un défi au lecteur-spectateur qui croit connaître tout du roman, mais encore il réinterprète Flaubert tout en lui vouant un regard naturaliste. L’étonnante modernité, qui en 1857 caractérisait Madame Bovary par rapport à la production romanesque antérieure, touche plus que jamais notre société. Chabrol fait de ce livre une étude analytique des mœurs de province et reconstruit un bovarysme ironique et plus réaliste que jamais.

Une majeure partie de la production du cinéaste se fonde sur la critique d’une société française qui étouffe et qui se meurt dans la jalousie, dans l’intérêt, dans les manipulations affectives et familiales. Le cinéma de Chabrol, chargé d’atmosphères lourdes et oppressantes, rend le roman de Flaubert encore plus moderne. Madame Bovary à l’écran reste une femme d’aujourd’hui qui fuit la médiocrité et la monotonie quotidienne de la vie au foyer sans travail.

Claude Chabrol développe une empathie ironique sur un tempérament féminin qui se perd entre ses pulsions et ses intérêts. Tout le récit filmique est vu sous l’angle de la dérision : l’héroïne meurt parce qu’elle a des dettes. Ainsi, le cinéaste respecte l’œuvre initiale. Madame Bovary représente non seulement l’auteur, évoquons la fameuse phrase ironique de l’écrivain « Madame Bovary, c’est moi », mais elle s’adapte implicitement aux intentions du réalisateur. Le film de Chabrol interprète la modernité du roman, il la met au goût du jour et surenchérit l’ironie flaubertienne. Emma à l’écran sombre entre le pragmatisme et le romantisme.

Les descriptions de Flaubert sont d’une telle acuité visuelle que le réalisateur n’a plus qu’à cueillir les mots pour les mettre en mouvement. Le réalisateur fait des grands plans d’ensemble lorsque Emma ressent ce que Flaubert a décrit.
L’héroïne n’est pas intéressée par la soirée mais par ce que les autres disent : « Pour madame Bovary, ce bal est la révélation du luxe, de ce qui échappe, de ce qui appartient aux autres. » Cet univers la fascine et l’attriste en même temps et Isabelle Huppert rend merveilleusement bien cette ambiguïté.
Lorsque Emma a l’impression d’appartenir à cet univers, les plans s’élargissent dévoilant la noblesse, sa vie fastueuse et outrancière : on brise les fenêtres lorsqu’il fait trop chaud. Quand elle se met à danser, le réalisateur filme le visage d’Emma et Isabelle Huppert devient radieuse. Chabrol traduit cette ivresse par un gros plan sur les robes qui tournoient avec le rythme de la valse.

Madame Bovary, sans être une criminelle, demeure une variation de Violette Nozière, jouée d’ailleurs par la même actrice. Chabrol affronte le cœur de l’horreur dirigée par la passion : « cette part obscure de l’être humain, liée au sexe et à la mort, relève de l’inexplicable. Tel est aussi le problème du Mal, qui pour certains théologiens, se traduit par la déroute et l’angoisse de l’esprit devant le non-sens. »

Madame Bovary fut l’objet de nombreuses adaptations au cinéma, les versions les plus connues sont celles de Jean Renoir (Madame Bovary, 1933) , de Vincente Minnelli Madame Bovary, 1949 et de Claude Barma en 1953, pour la télévision.
Celle de Claude Chabrol restera à la fois parmi les plus personnelles et les plus respectueuses de l'esprit de Flaubert.

Plus de cinema