Le cinéma 1956-1959


Bibi Andersson dans "le Septième Sceau"

Les films de l'année 1956
Les films de l'année 1957

Les films de l'année 1958

Les films de l'année 1959

* La traversée de Paris, de Claude Autant-Lara, sorti en 1956, durée 82 mn, scénario de Jean Aurenche et Pierre Bost, d'après une nouvelle de Marcel Aymé, musique de René Cloerec ;
avec Jean Gabin (Grandgil), Bourvil (Martin), Louis de Funès (Jambier), Jeannette Batti (Mariette), Robert Arnoux (le boucher), Bernard Lajarrige, Anouk Ferjac.

En 1943, Paris, occupé vit à l'heure des combines et du marché noir.
Un chauffeur de taxi au chômage, Martin, effectue des transports de viande clandestins d'un quartier à l'autre de la capitale, malgré le couvre-feu et les patrouilles allemandes. Il s'est lié avec un nommé Grandgil, artiste peintre à ses heures, qui méprise cordialement ses contemporains.

Une équipée nocturne leur vaudra quelques rencontres cocasses, ponctuées de violents coups de gueule. Ils se retrouveront finalement à la Kommandantur, mais un officier allemand amateur d'art voit tout de suite à qui il a affaire. Martin sera retenu comme otage, Grandgil relâché. À la Libération, les deux hommes se retrouveront : l'un voyage en pullman, l'autre trime comme bagagiste.

Le cinéma français patauge dans la «qualité française », contre laquelle la Nouvelle Vague va s'élever avec violence, La traversée de Paris constitue un exception positive. A cause de la saveur de l'anecdote, tout d'abord, empruntée à Marcel Aymé et une salubre et rare remise en question du comportement « héroïque » des Français sous l'Occupation.
On y découvre un tableau sinistre d'un pays en proie aux minables combines, à la « trouille » généralisée. Pas une réplique qui ne sonne ici comme un féroce règlement de comptes.

Le réalisateur a trouvé là son épanouissement. Claude Autant-Lara (1903-2000), qui s'était révélé par des films futiles en apparence, mais qui sentaient déjà le soufre (Douce, 1943), donne ici libre cours à une verve salvatrice; « la truculence, la hargne, la vulgarité, l'outrance, loin de le desservir, haussent son propos jusqu'à l'épique», reconnaît François Truffaut, qui n'avait pas été tendre jusque-là pour le cinéaste du Diable au corps (1946) et de L'Auberge rouge (1951).
Le film est également servi par un trio d'acteurs en pleine forme: Gabin - Bourvil - de Funès, qui sombreront hélas par la suite dans une certaine facilité.


* L'Ultime Razzia (The Killing) de Stanley Kubrick, sorti le 6 juin 1956; scénario : Stanley Kubrick, Jim Thompson, musique : Gerald Fried, durée : 83 min, noir et blanc; avec: Sterling Hayden , Coleen Gray , Vince Edwards , Jay C. Flippen , Elisha Cook Jr. , Marie Windsor.

Johnny Clay, récemment sorti de prison, organise un casse pour s'emparer de la caisse d'un champ de course un jour de grande affluence. Avec deux millions de dollars à la clé, les complices ne manquent pas et tous souhaitent la réussite de l'opération.

Il a acquis à sa cause un vieil ami qui fournit les fonds nécessaires à payer des comparses : Meddy, le barman, à qui cette fortune promise permettra de conduire sa femme auprès des meilleurs médecins ; Georges, caissier du Pari Mutuel, qui pourra satisfaire aux exigences insolentes de Stella, sa femme, une égérie qui le trompe allègrement et n'attend pour le quitter que cet argent. Elle informe son amant des renseignements extorqués à son faible mari. Le hold-up a lieu pendant la septième course. Un comparse abat le cheval de tête alors qu'un vieux catcheur fait diversion au bar en créant une bagarre. Johnny file à la chambre forte que lui a ouverte Georges et où les caissiers empilent 2 millions de dollars dans un sac.

L'opération est un succès, le timing est parfait ; mais c'est sans compter sur l'indiscrétion d'un des complices ainsi que la cupidité et la duplicité de sa femme. En effet surgissent alors l'amant de Stella et son complice. Georges les abat tous deux et, blessé, se traîne chez lui où il abattra Stella, plus odieuse que jamais. Johnny, qui a vu Georges s'enfuir blessé, ne songe qu'à sauver le butin. Il l'enferme dans une valise et gagne l'aérodrome où l'attend son amie. Mais pendant le transfert des bagages à l'avion, la valise tombe et s'éventre, et tous les billets sont dispersés au vent de l'hélice. Johnny n'offrira pas de résistance aux inspecteurs qui s'avancent vers lui.

L'Ultime Razzia est le troisième long métrage de Kubrick et eut un énorme succès tant commercial que critique à sa sortie. L'histoire est basée sur la nouvelle 'Clean Break' de Lionel White. Les droits d'adaptation au cinéma furent d'abord réservés par Frank Sinatra qui avait posé une option mais l'abandonna finalement. C'est alors Jim Thompson qui eut le flair de les reprendre.

La tuerie promise par le titre anglais ne doit rien au hasard pas plus que l'ouverture finale de la valise pleine de billets. Les protagonistes ont conçu un hold-up trop grand pour eux. Leur dernier acte intelligent se retourne finalement contre eux qui se sont jeté dans une opération de la dernière chance.
La galerie de portraits est sans pitié: un flic endetté, un barman avec une épouse nécessitant des soins coûteux, un caissier affligé d'une épouse insatisfaite aspirant à l'aisance bourgeoise. Même Johnny Clay ne semble pas vraiment vouloir réussir. En prison, il a manigancé son plan qu'il répète dans une semi-inconscience. Mais, une fois le coup fait, il commet erreur sur erreur, se trompant de porte dans le bungalow où il doit récupérer l'argent, sous-estimant la circulation automobile, et surtout achetant une valise à vil prix chez un prêteur sur gage dont il voit bien vite qu'elle ferme très mal.

La dernière réplique, "à quoi bon" indique bien que le personnage ne tenait que par son plan et que, lui non plus, ne tient pas à survivre. Trois thèmes visuels ressassés par Kubrick viennent rythmer cette tragédie : la barriere qui se referme devant les chevaux de la septième course et qui marque le présent du récit. Celui des barreaux (persiennes, croisillons des fenêtres, cage du perroquet) et celui des chiffres. Les barreaux renvoient les personnages à la prison dont ils viennent de sortir ainsi qu'à leur univers étriqué où ils vont finir par mourir. Quant aux chiffres, ils marquent la contagion au monde tout entier du champ de courses où les perdants sont connus d'avances.

Le film épouse la forme du récit qui utilise de nombreux flash-back, bousculant la chronologie et de multiples points de vue. Le film fit aussi connaître Stanley Kubrick dans les milieux du cinéma et Kirk Douglas, vedette de son film suivant, Les Sentiers de la gloire ou Marlon Brando remarquèrent son potentiel à cette occasion.

Le film sort en France début 1958, Jean-Luc Godard est assez réservé, René Gilson enthousiaste:

Production indépendante, The Killing a été tourné vite et avec peu de moyens. Si le scénario n'est pas particulièrement original l'attaque du pari mutuel de Los Angeles) et l'épisode final guère plus (les billets de banque s'envolent au vent par la suite d'un malheureux hasard bien mal filmé, tout comme dans le Trésor de la Sierra Madre), il faut en revanche louer l'ingéniosité de l'adaptation qui, adoptant systématiquement la «déchronologie» des actions, sait nous intéresser à une intrigue qui, par ailleurs, ne sort pas des sentiers battus.
Une fois que l'on aura dit du bien de la photographie style «actualité», et de Sterling Hayden, il n'y aura plus qu'à attendre sans trop d'impatience le prochain long métrage de Stanley Kubrick, Paths of Glory, dont la presse américaine dit le plus grand bien.
Jean-Luc Godard, Cahiers du Cinéma, février 1958

Avant toute chose, que le lecteur écrive ce nom sur ses tablettes, s'il ne le connaît pas encore: Stanley Kubrick, et aussi ce mauvais titre français donné à son film: L'Ultime Razzia (The Killing). Ce n'est qu'une histoire de hold-up. Kiss Me Deadly n'était aussi qu'une mauvaise histoire semblable aux autres, de Mickey Spillane. On sait ce qu'Aldrich en a fait. D'un tout autre tempérament que celui du réalisateur d'Attaque, mais tout aussi doué, aussi décidé, aussi combatif, un nouvel auteur de film américain est né. ( ... )
René Gilson, mars 1958.


* Ascenseur pour l'échafaud de Louis Malle, d'après le roman policier de Noël Calef, sorti en janvier 1958; durée 90 mn; dialogues de Roger Nimier; musique de Miles Davis ; Prix Louis-Delluc 1957;
avec Maurice Ronet (Julien Tavernier), Jeanne Moreau (Florence Carala), Georges Poujouly (Louis), Jean Wall (Simon Carala), Félix Marten (Christian Subervie), Hubert Deschamps (Le substitut), Ivan Petrovitch (Horst Benker), Yori Bertin (Véronique), Elga Andersen (Frieda Benker), Lino Ventura (Le commissaire Chérier), Charles Denner (L'assistant de Chérier) Jean-Claude Brialy (Le joueur d'échecs de l'hôtel)

Julien Tavernier a planifié le crime parfait pour assassiner Simon Carala, le mari de sa maîtresse Florence. Il le réalise un vendredi soir, mais oublie un petit détail, une corde qui lui a servi pour entrer par l'extérieur dans le bureau.
Alors qu'il revient la chercher sur le lieu du crime, il se retrouve bloqué dans l'ascenseur pour le reste du week-end. Pendant qu'il tente de s'évader, un très jeune couple de banlieu, Louis et Véronique, lui vole sa luxueuse voiture, tandis que Florence le recherche à travers Paris.
Les deux jeunes prennent l'autoroute et font un brin de poursuite avec une mythique Mercedes( la 300 SL aux portes en forme de papillon). Au motel, ils retrouvent la Mercedes et font connaissance avec ses propriètaires, de riches industriels allemands. Ils se font passer pour le couple Tavernier, les allemands ne sont pas dupes, mais s'en amusent. Dans la nuit, Louis et Véronique veulent s'enfuir en volant la Mercedes et, surpris par le mari, Louis tue le couple Allemand. Julien est d'abord accusé du meurtre des allemands, puis disculpé, mais son alibi révèle le premier meurtre.
Le scénario, d'abord simple, va enchaîner les rebondissements pour petit à petit emmener les protagonistes vers un destin inéluctable et l'échafaud presque certain pour Louis. Le titre du film est trompeur, car.selon les propos du policier, Julien, coincé dans l'ascenseur, n'ira pas à l'échafaud, il sera probablement condamné à 10 ans de prison et n'en fera peut-être que 5. Florence, comme instigatrice du crime, sera certainement condamné plus lourdement, 20 ans peut-être (ce qui pour elle est comme la mort).

Pour son premier long métrage dramatique Louis Malle s'inspire à la fois de Robert Bresson, dont il a été l'assistant, mais surtout d'Alfred Hitchcock. Il imite en effet le maître en dévoilant l'assassin au début du film et en faisant partager au spectateur le long suspense aboutissant à son arrestation, tout en greffant une intrigue auxiliaire, qui finit par devenir aussi importante que l'intrigue principale.

Ce film, précurseur de la "Nouvelle Vague", révèle au grand public Jeanne Moreau. A 17 ans Georges Poujouly connaît son deuxième grand rôle après "Jeux interdits", mais la suite de sa carrière sera très discrète.
Le succès du film doit beaucoup à Miles Davis qui improvise en direct sur les images avec sa trompette. Miles Davis était en tournée en France pour une dizaine de jours. L'enregistrement s'est effectué en moins de 4 heures. Louis Malle raconte:
"...j'étais un cinglé de jazz....la musique d'Ascenseur est unique. C'est l'une des rares musiques de film qui ait été entièrement improvisées...Je passais les séquences sur lesquelles on voulait mettre de la musique, et il commençait à répéter avec ses musiciens ...le film en était métamorphosé....quand on a ajouté la musique, il a soudain décollé."


* Fleurs d'équinoxe (Higanbana 彼岸花 ) , film japonais de Yasujiro Ozu, sorti en 1958. Scénario : Kôgo Noda et Yasujiro Ozu, d'après le roman de Ton Santoni ; musique : Kojun Saitô ; photographie : Yuuharu Atsuta ; durée : 118 minutes; avec Shin Saburi (Wataru Hirayama), Kinuyo Tanaka (Kiyoko Hirayama), Ineko Arima (Setsuko Hirayama), Yoshiko Kuga (Fumiko Mikami), Keiji Sada : (Masahiko Taniguchi), Teiji Takahashi (Shotaru Kondo), Miyuki Kuwano (Hisako Hirayama)

L'homme d'affaires Hirayama se montre fort réticent lorsqu'il apprend que sa fille Setsuko veut épouser un gendre qu'il n'avait pas envisagé. Elle organise le mariage sans son aide et c'est contre sa volonté qu'il y assiste. Le couple part ensuite pour Hiroshima. Poussé par ses amis, Hirayama surmonte ses convictions et va les visiter.

C'est le premier film en couleur d'Ozu. Et il en profite pour donner une dominante rouge à son film. Et ce rouge est en harmonie avec le titre "Fleurs d'équinoxe" "Higanbana": il s'agit d'une amaryllis qui fleurit rouge à l'équinoxe d'automne. Elle symbolise la naissance d'une nouvelle saison alors qu'une précédente, l'été, est passée. Elle évoque aussi le "hakenai " japonais, sorte d'intense nostalgie mêlée de regret. Il correspond aux sentiments du père devant son impuissance à imposer sa volonté à ses filles, à l'ancienne mode, celles-ci symbolisant la modernité et donc un nouvel âge, une nouvelle saison, une nouvelle vie.

Ozu, comme à son habitude, emplit son film de pudeur. Les larmes lorsqu'elles coulent, qu'elles soient de tristesse ou de soulagement apparaissent toujours comme le dernier recours à la tension, au trop plein d'émotions retenues, jamais exprimées ou si rarement. L'émotion, elle, s'exprime par de longs silences contemplatifs.

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