|
|
Distribution:
Joan Fontaine remporte l'Oscar de la meilleure actrice en 1942. |
| Fiche technique:
|
Johnnie Aysgarth est un joueur séduisant, masquant son oisiveté par son charme. Il rencontre la douce et riche Lina MacKinlaw dans un train, essayant de voyager en première classe avec un billet de troisième. Il lui fait la cour et l'épouse rapidement. Lina ne découvre la vraie personnalité de son mari qu'au retour de la lune de miel et devient suspicieuse au moment où l'ami et associé de Johnnie est tué mystérieusement. Johnnie, qui n'a pas de fortune personnelle, joue sans compter, et Lina déçue, est prête à le quitter. Le père de Lina meurt sans laisser d'argent au couple et Johnnie, avec son ami Beaky monte une opération immobilière spéculative. Hitchcock raconte que le problème qu'il avait eu avec Ivor Novello pour The Lodger (Les Cheveux d'or , 1926) se posait à nouveau : on ne pouvait faire d'une grande vedette un criminel. Mais si Johnnie avait bien été un meurtriercomme dans le livre, le film n'aurait été que l'histoire d'un séduisant criminel dont la femme découvre peu à peu, et dès lors sans ambiguïté, le comportement criminel. Le personnage principal du film aurait été l'homme et certainement pas celui de la frêle Lina. Hitchcock retrouve en effet Joan Fontaine qu'il dirigea quelques mois seulement avant dans Rebecca et c'est elle l'héroïne du film et non pas Cary Grant, que Hitchcock dirige ici pour la première fois avant Les Enchaînés, La main au collet et La mort aux trousses. Lina fait de son mari un des nombreux faux coupables hitchcockien, l'histoire est constamment observée de son point de vu et le spectateur est perpétuellement conduit par elle sur de fausses pistes. Lina imagine et visualise même la mort de Beaky alors que ce dernier est toujours vivant, Hitchcock n'hésite d'ailleurs pas à montrer brièvement au spectateur une scène qui n'a jamais existé autrement que dans l'esprit malade de son héroïne. Tout lui est bon pour soupçonner ce mari qu'elle croit capable de tuer. S'il lui apporte un verre de lait, c'est pour l'empoisonner, s'il l'emmène en voiture, c'est pour le précipiter dans le vide et si le malheureux Beaky est mort ce ne peut-être que de la main de Johnnie. La première leçon du film est que Lina, au début, n'aimait sans doute pas assez son mari pour ne pas douter de lui. Comme si son mariage n'avait été dans un premier temps que le moyen d'échapper à sa famille et notamment à l'autorité trop envahissante de son père. Elle apparait comme une femme sexuellement frustrée. Sa manière de coiffer ses cheveux et ses lunettes sont les attributs évidents de la jeune femme célibataire incapable de se marier. Ce n'est pas une coïncidence si l'une des scènes montre Lina entendant ses parents déplorer cette situation ! Comme plus tard Marnie, elle préfère la compagnie des chevaux à celles des hommes et croit qu'il suffit de leur passer un mors au dent pour les dresser. Ce ne sera qu'à la fin que Lina, débarrassée de ses doutes, pourra pleinement aimer son mari, consciente des heures et des jours gâchés par la faute de ses soupçons insensés. L'habilité avec laquelle Hitchcock passe de la comédie romanesque au drame criminel n'est pas pure virtuosité mais pourrait nous signifier qu'il n'est pas d'amour possible sans épreuve. Pour l'avoir sous-estimée, Lina aura dû aller au fond de son angoisse avant que la dernière scène du film - la conversation de Lina et de Johnnie après la séquence dramatique de la voiture- n'agisse comme une catharsis, la libérant de ses soupçons. |
Distribution:
| ![]() | Fiche technique:
|
Alors qu'il se rend au siège de sa compagnie d'assurances afin de demander un prêt pour offrir des soins dentaires à sa femme, Manny Balestrero est identifié. La réceptionniste est formelle : c’est lui qui a attaqué la banque il y a quelque temps. Pourtant, Manny est un modeste musicien qui n’aspire qu’à un peu de bonheur avec sa femme Rose et leurs deux enfants. Celle-ci ne supportera pas de voir son mari, le plus honnête des hommes, traîné dans la boue. Manny croit longtemps à une erreur sans conséquences, mais il s’engage dans une longue bataille contre la justice aveugle. ‘Faux coupable’ est probablement le film le plus invraisemblable d'Alfred Hitchcock tout en étant le plus véridique, puisqu'il reprendre point par point un fait divers. Le cinéaste prend d'ailleurs soin de nous avertir avant le générique, c'est-à-dire hors du film, que l'histoire qu'il va nous narrer est absolument réelle. Aujourd'hui les télévisions nommeraient ce style de film un docu-fiction et ce faisant elles abuseraient de nous puisqu'elles ne feraient qu'alimenter la pseudo-demande orgiaque d'images vraies, diaporama compulsif de la misère, forme allégorique de la plaquette de chocolat. ‘Faux coupable’ a beau être la transcription fidèle d'un fait réel il n'en est pas moins une œuvre de mise en scène, de mise en images du hasard. « Manny » sort du Stork Club où il n'est qu'un obscur contrebassiste. Il marche dans la rue, deux policiers l'encadrent, le dépassent et disparaissent. Dès les premières images du film Hitchcock nous informe que le destin de « Manny » est déterminé par le hasard. "Manny" prend le métro, déplie un journal et tombe sur une publicité pour une marque d'automobile. Il tourne la page du journal, ses yeux se posent sur une publicité pour une assurance qui propose des crédits aux familles de deux enfants… Nous apprenons ainsi, et par hasard, que « Manny » a deux enfants. « Manny », avant de rentrer chez lui, pousse la porte d'une cafétéria. Il s'assoit et déplie de nouveau son journal. Son attention se porte ce coup ci sur les courses de chevaux, qu'il étudie avec soin dans l’espoir, peut-être, de contrecarrer le hasard. Le lendemain « Manny » se rend dans les bureaux de son assureur pour emprunter de l'argent : le hasard veut qu'il ressemble à l'auteur de divers hold-up qui ont eu lieu dans le quartier. Rien n'accuse « Manny » d'être ce malfaiteur, pourtant tous le désigneront comme coupable et cette multitude n'est que le fruit du hasard. A partir de là, se mettent en mouvement des mécanismes sociaux qui aboutissent à la perte de liberté. « Manny » n'est plus un contrebassiste mais un objet que l'on détaille, expose, fiche, photographié et emprisonne. Il n'est plus qu'une chose sans voix. Rien, ni personne, ne peut lui rendre sa dignité. Seul un miracle peut l'extirper de ce Chemin de Croix. Et c'est ce qui advient alors qu'il prie face à l'image du Christ. Pour rendre palpable cette implacable chute que constitue le ravalement d'un être humain au rang d'une chose, Hitchcock fait appel à tout son art de la mise en image. La scène où « Manny » est emprisonné pour la deuxième fois, illustre particulièrement ce propos. Il est escorté, au travers d'un dédale d'escaliers et de barreaux, jusqu'à sa cellule. Il entre, la porte de fer coulisse derrière lui et, aussitôt, la caméra entre dans la cellule par le guichet rectangulaire de la porte. « Manny » nous tourne le dos et se plante, un long moment, devant les rectangles que dessinent les barreaux. Puis, comme s'il se savait épié, il fait face à la caméra. Celle-ci ressort et l'œil de « Manny » envahit le guichet. L'œil de « Manny » est dans le rectangle. Non seulement « Manny » ne parle plus, mais à quoi lui servirait de parler puisque personne ne l'écoute, mais le regard de « Manny » est emprisonné dans un espace qui lui interdit de voir le monde. « Regarder autour de soi, c'est vivre libre » JLG « Manny » n’est plus libre, il ne peut regarder autour de lui. Lorsqu'il est appréhendé et qu'il se retrouve dans une voiture de police, ceux ne sont que les dos et les profils des inspecteurs que « Manny » peut observer. Lorsqu'il est conduit d'un lieu à un autre, ceux ne sont que ses pieds qu'il regarde. Tout comme il ne regarde que ses doigts lors du relevé d'empreintes. Et il faudra un miracle, le hasard, pour que « Manny » puisse de nouveau regarder autour de soi. Avant d'être une leçon de morale, The Wrong Man est
à chaque minute une leçon de mise en scène.(…) Balestrero entre dans sa cellule,
il regarde le lit: contrechamp sur le lit, le lavabo: contrechamp sur le lavabo,
il lève les yeux: contrechamp sur l'angle des murs et du plafond, il regarde les
barreaux: contrechamp sur les barreaux. Nous comprenons alors que Manny voit sans
regarder (…) de même que pendant le procès il entendra sans écouter.Les données
immédiates de la conscience, Alfred Hitchcock, une fois de plus, prouve que le
cinéma, mieux que la philosophie et le roman, est aujourd'hui capable de les montrer. |
Distribution:
|
![]() |
Fiche technique:
|
Un chercheur en physique nucléaire, Armstrong, rompt sans explications avec sa fiancée et assistante, Sarah, lors d'un congrès à Copenhague. Il prétend devoir se rendre en urgencee à Stockholm, Intriguée, elle le suit et découvre qu'il part en réalité pour Berlin-Est. Décidée à comprendre elle prend le même avion et se rend compte que le professeur semble avoir choisi de vivre à l'Est. Le générique s'ouvre sur une image de feu à la droite de laquelle s'incrustent des visages. Le voyage, derrière le rideau, s'annonce comme une descente aux enfers. Un double chemin que parcourent les deux protagonistes ; pour Michael cette incursion a pour but de récupérer une formule physique qui n'est autre que le célèbre MacGuffin si cher à Hitchcock ; pour Sarah il s'agit de retrouver son fiancé. Tout le long de ce voyage, de l'autre coté du rideau, le couple croise sous des formes diverses la présence du feu, jusqu'à la scène finale où il ne doit son salut qu'à un (faux) incendie. Le rideau déchiré est communément considéré comme le point de déclin dans l'œuvre du réalisateur. Le nouvel hollywood enregistre ses premiers succès entrainant une redistribution accélérée de ce qui semblait acquis par chacun. Hitchcock déjà affaibli dans sa confiance par le mauvais accueil fait à Marnie s'en remettra plusieurs fois au studio qui lui somme de rajeunir son cinéma pour cibler au mieux la nouvelle génération montante de spectateurs. À cette position inconfortable vient s'ajouter la perte durant la préparation du film de deux des collaborateurs les plus importants d'Hitchcock sur lesquels s'étaient construits ses plus grands succès américains : Le monteur George Tomasini et le chef opérateur Robert Burks. Mais la perte la plus mesurable pour le film reste le rejet par Hitchcock, sous la pression du studio, de la musique écrite et enregistrée par Bernard Herrmann, mettant un terme à une longue et prolifique collaboration. La musique délivrée par John Addison, tout juste oscarisé, échoue à insuffler au film le complément de matière dramatique qui aurait pu redresser l'entreprise. Parmi les scènes où le savoir faire du réalisateur s'affirme clairement, on retient généralement la filature dans le musée pour son travail sur le son, la fuite en bus, pure séquence de suspense dont le potentiel ne semble pourtant pas totalement exploité, et bien sûr la célèbre scène du meurtre. La scène du meurtre, l'élément le plus mémorable du film, illustre la tendance qu'aura le réalisateur avec les années, à tendre vers une représentation naturaliste du crime (qui aboutira par la strangulation au moyen d'une cravate et la représentation d'un cadavre sans "noblesse" dans Frenzy) . La plongée aux enfers de Sarah structure la première partie du film, le périple de Michael constitue la seconde tranche. Quant à la fuite du couple de cet univers hostile, elle occupe le troisième chapitre, moment étrange où les objets se hissent au rang de personnages. C'est le cas des deux bus, celui à bord duquel fuit le couple et celui qui peut causer leur perte, le bus régulier. A leur sujet Hitchcock parle de gentil et de méchant bus. C'est aussi le cas des malles en osier et des couvertures dans lesquelles s'enveloppent nos deux héros afin de repasser à l'ouest et qui ne sont pas sans rappeler celles dans lesquelles ils s'enlaçaient en début de film. Descente aux enfers, voyage dans le monde communiste. Le communisme serait donc synonyme de l'enfer. Certes, Hitchcock n'a jamais caché ses sentiments anticommunistes, mais il ne sombre pas dans le brûlot propagandiste, il brouille les pistes, rompt avec les clichés et brise le manichéisme. Dans un film d'espionnage les choses sont simples : les bons affrontent les méchants. Et à quoi reconnaît-on les méchants ? A ce qu'ils ne sont pas gentils ! Or, que dire d'un homme qui dissimule l'essentiel à sa fiancée, au mépris de sa légitime inquiétude ? Que dire d'un homme qui trompe ses collègues dans le seul but de leur extirper des informations ? Que dire d'un homme qui n'hésite pas à tuer sauvagement son prochain ? Tout cela parce qu'il est incapable, par son travail, de découvrir une formule physique. Cette inversion des valeurs était par trop palpable dans une scène du film. Juste après le meurtre de Gromeck, Michael Armstrong rencontre son frère au cours d'une visite dans une usine. Celui-ci demande à Michael de donner à Gromeck un morceau de saucisson. Le couteau, qu'il exhibe, pour découper ledit saucisson est semblable à celui qui a servi au meurtre… L'ironie hitchcockienne en donnant trop d'humanité à Gromeck, qui logiquement était le méchant, soulignait l’inhumanité d'Armstrong … cette scène fut supprimée au montage Michael n'a pas d'autre choix que de tuer Gromeck qui vient de le démasquer. La scène se déroule dans une ferme. Aucune musique ne la supporte et le résultat est extraordinaire de sauvagerie et réalisme.
A son sujet Hitchcock s’en explique dans se conversations avec Truffaut:
|
Distribution:
| ![]() | Fiche technique:
|
Une vieille dame riche et rongée par le remord fait appel à une voyante pour léguer son héritage au fils de sa sœur qu'elle avait fait abandonner. La pseudo-voyante et son compagnon chauffeur de taxi se lance sur la piste de l'héritier, mais celui-ci semble s'être acharné à se faire passer pour mort depuis longtemps. « Complot de famille » est librement inspiré du roman de Victor Canning, « The rainbird Pattern ». Librement inspiré, puisque Hitchcock et Lehman (scénariste de la « Mort au trousse ») gommèrent l'aspect « noir » de ce roman au profit de touches humoristiques ou de références aux films d'espionnage, très en vogue ces années-là. La différence la plus notable entre le film et le roman c'est que Blanche, la fausse spirite, ne meurt pas. Dans « Complot de famille », elle semble même, à la fin du film, acquérir de véritables dons de voyance. Mais peut-être les avait-elle dissimulés jusque-là… c'est du moins une interprétation possible de son clin d'œil final. Dès le générique le ton est donné. Les formes géométriques seront au centre de la construction filmique. Sphères, droites, parallèles et symétrie constituent, en effet, les figures autour desquelles est bâti ce film. La sphère ouvre, au travers de la boule de cristal, ce « Complot de famille », elle le referme au travers de l'image du diamant. Et sa projection géométrique sur le plan (sur l'écran) -la boucle- résume le parcours de la narration : la fin n'est que l'image qualitativement différente du commencement, au cristal succède le diamant. La droite est une autre des dominantes charpentant le film. Elle est, on ne peut plus, présente dans les déplacements des personnages et en particulier dans celui de Fram, lorsque grimée tel un espion d'Hollywood, elle récupère le diamant de la rançon et qu'elle traverse la rue, dans un passage pour piétons, matérialisé au sol par deux lignes droites. On la retrouve dans deux scènes phares du film, celles qui se déroulent dans un cimetière. Certes, celui-ci est comme à l'abandon et les herbes folles l'envahissent, mais chaque plan reste traversé par la trace des chemins rectilignes qui « serpentent » entre les tombes. Mais la droite, symbole de l'ordre, doit céder sa place au profit de la courbe, de la courbe de la pipe de Lumley ou de la pierre tombale que ce dernier parcourt de son doigt, et si elle s'impose de nouveau dans la scène du kidnapping de l'évêque, ce n'est que passager. A l'ordre doit succéder le désordre ; à la droite, la courbe. Et lorsque la droite devint courbe, la catastrophe n'est pas loin. La route devint sinueuse et Lumley perd le contrôle de sa voiture. Mais la droite n'est qu'une composante mineure du film. Le parallélisme en constitue le stade suprême. Dans « Complot de famille » tout est parallèle : au couple Lomley-Blanche répond le couple celui de Maloney-¦¦Fram ; à la voix désincarnée des kinappeurs de l'armateur répond celle de Blanche lors des séances de spiritisme ; à l'appât du gain de Maloney répond celui de Lomley. Cette configuration ne s'arrête pas à l'opposition de ces deux couples, elle constitue l'ossature aussi leur vie. Chacun mène une double vie, des vies parallèles. L'un est voyant-charlatan, l'autre est patron d'une luxueuse joaillerie et kidnappeur. En fait les deux couples sont identiques, comme le reflet l'un de l'autre, comme de parfaits symétriques que rien ne prédispose à se rencontrer, qui se croise sans se voir, comme dans la première scènes de transition entre les deux couples où Fram manque de se faire renverser par la voiture de Blanche. Et lorsque la rencontre impossible se produit, la mort paraît être la seule conclusion logique. Lorsque la droite devient courbe, la mort semble être la destination finale…Cet adage est particulièrement frappant dans un moment phare du film. Blanche et Lumley ont rendez-vous avec Maloney, celui-ci est prêt à parler et à leur révéler le secret du neveu de Miss Rainbird. Mais il ne s'agit que d'un piège et nos deux loustics attendent en vain. Finalement, ils se décident à quitter le bar de montagne et à regagner la vallée. En fait, leur voiture a été trafiquée. Le flexible des freins a été sectionné et le liquide s'écoule en ligne droite dessinant sur la route de montagne une traînée sinueuse. Totalement désemparé, Lumley tente de maîtriser la voiture, devenue folle, pendant que l'attitude de Blanche transforme cet épisode dramatique en scène burlesque. Certes, Hitchcock n'invente pas la scène, inévitable, de voitures dans le film de genre policier. Ce genre de scènes foisonne dans le cinéma, jusqu'à ne constituer que le seul argument, avec plus ou moins de bonheur, comme dans la série des « Cours après moi shériff » avec Burt Reynolds ou « Duel » de Steven Spielberg. Mais il en énonce clairement la règle : le spectateur doit être assis à la place des passagers ; il doit partager leurs émotions, leurs peurs et leurs craintes et dans ce but ne voir que ce qu'ils voient. |