Jean Renoir

cinéaste français, puis américain

(biographie) (filmographie) (quelques films)

Paris 15/9/1894 -12/2/1979 Beverly Hills

Biographie

Jean Renoir est né à Montmartre (Paris) le 15 septembre 1894.

Il est le second fils du peintre impressionniste Pierre-Auguste Renoir. Il apparaît sur de nombreuses toiles de son père, en particulier dans les bras de sa mère Gilberte ou aux cotés de son frère Claude (Coco)

Ses films, longtemps incompris et mésestimés, apparaissent aujourd'hui comme ayant profondément marqué les mutations du cinéma français entre 1930 et 1950, avant d'ouvrir la porte à la Nouvelle Vague du cinéma français.
François Truffaut
sera particulièrement influencé par Jean Renoir.


Jean Renoir à 5 ans
Tableau de Pierre-Auguste Renoir
@Musée de Limoges

Les débuts

Après des études médiocres, Jean Renoir s'engage dans le corps des dragons en 1912.
Soldat en 1914, il sert dans l'aviation à partir de 1916. Il rapporte de la guerre une blessure à la jambe qui le fit boiter toute sa vie. En 1920, il épouse l'un des modèles de son père, Andrée Heuchling, et s'installa comme céramiste.
La sortie, en 1921, du film d'Erich von Stroheim Folies de femmes (Foolish Wives) décide de la suite de sa carrière.
Soutenu par sa famille, il réalise son premier long-métrage, la Fille de l'eau (1924), une fable bucolique à l'esthétique impressionniste, dans lequel jouent sa jeune épouse -qui avait pris le pseudonyme de Catherine Hessling- et son frère aîné, Pierre Renoir.
L'accueil mitigé réservé au film ne décourage cependant pas le cinéaste, qui se lance peu après dans une production coûteuse, Nana (d'après Émile Zola, 1926), puis dans une série de réalisations aux inspirations très diverses (la Petite Marchande d'allumettes, d'après Andersen, (1928); Tire-au-flanc, comédie militaire, 1928) qui ne surent pas toujours convaincre le public.
En 1931 il réalise "On purge Bébé", d'après Feydeau, le tournage est bouclé en six jours seulement ( un exploit dans l'histoire du cinéma) et le film rencontre un vrai succès populaire.

La période réaliste

La Chienne (1931) marque un tournant dans œuvre de Jean Renoir. C'est un des premiers films parlants, adapté d'un roman de Georges de la Fouchardière. La Chienne offrait à Michel Simon l'un de ses plus beaux rôles , celui d'un petit-bourgeois jaloux, assassin et veule.
Après la Nuit du carrefour (d'après Georges Simenon, 1932), dans lequel Pierre Renoir interprétait le commissaire Maigret, le réalisateur tourne une série impressionnante de chefs-d'œuvre: Boudu sauvé des eaux (avec, de nouveau, Michel Simon, 1932), le Crime de M.Lange (avec Jules Berry, 1935), Une partie de campagne (1936, sorti en 1946) dont son neveu, Claude Renoir, signe la photographie, et les Bas-fonds (avec Louis Jouvet, 1936).
Puisant son inspiration dans les romans de Gorki ou dans les nouvelles de Maupassant, Jean Renoir fait preuve d'un sens aigu du réel, qu'il met au service d'un véritable naturalisme poétique.

L'engagement politique

Il fait peu à peu appel à des collaborateurs (Jacques Prévert, Roger Blin) qui donnent à sa production une dimension ouvertement politique, marquée par les idées du Front Populaire: La vie est à nous, (1936); le Crime de Monsieur Lange, la Marseillaise, (1936).
Cette tendance allait ouvrir la voie au néoréalisme italien.

Avant la Seconde Guerre mondiale, Jean Renoir essaye, avec "la Grande Illusion" (1937), de promouvoir un message de paix entre les nations européennes, en faisant tourner, en guise d'hommage, son père spirituel Erich von Stroheim aux côtés de Jean Gabin.

Dans la Bête humaine (1937), il s'efforce de mettre en scène les enjeux sociaux de l'époque.
Dans son chef-d'œuvre, la Règle du jeu (1939), il prévoyait l'effondrement des valeurs humanistes et brossait un tableau sans complaisance des mœurs de la société bourgeoise française.
Le film participe à la naissance d'un nouveau style cinématographique, aussi bien dans le découpage de l'espace que dans le montage discontinu du temps de l'action.

La période américaine

Devançant l'arrivée des troupes allemandes, il s'exile aux États-Unis en 1940 (laissant inachevée une adaptation de la Tosca par Victorien Sardou, qui sera finalement tournée par Carl Koch).
Jean Renoir prend la nationalité américaine. Il s'adapte difficilement au système hollywoodien, il réalise néanmoins plusieurs films de commande, notamment des films de propagande (Vivre libre! / This Land is mine, avec Charles Laughton en 1943; Salut à la France / A Salute to France, 1944) et des adaptations littéraires (le Journal d'une femme de chambre/ The Diary of a Chambermaid, d'après Octave Mirbeau, 1946), avant de partir en Inde tourner "le Fleuve" (The River, 1951), film en couleurs, contemplatif et serein, d'un humanisme parfois désenchanté. Ce film eut une influence durable sur le cinéma indien lui-même.

Les derniers films

De retour en Europe au début des années 1950, Jean Renoir tourne encore le Carrosse d'or (d'après Prosper Mérimée, 1952), French Cancan (avec Jean Gabin et Françoise Arnoul, 1955), Elena et les Hommes (avec Ingrid Bergman et Jean Marais, 1956) et le Caporal épinglé (d'après Jacques Perret, 1962), donnant ainsi le pendant désenchanté de "La grande Illusion".

Rencontrant des difficultés de plus en plus importantes à produire ses films, il se tourne alors vers la télévision (le Petit Théâtre de Jean Renoir, 1969-1971) et se consacre plus largement à l'écriture : il publie un livre sur son père, Renoir, mon père (1962), son autobiographie, Ma vie et mes films (1974), un essai (Écrits 1926-1971, 1974), quelques pièces de théâtre (Orvet, 1955) ainsi que plusieurs romans (les Cahiers du capitaine Georges, 1966; le Crime de l'Anglais, 1979).

En 1970, il prend sa retraite à Beverly Hills, où il meurt en le 12 février 1979.


Filmographie :


Quelques films en détail


La Grande Illusion, de Jean Renoir, scénario de Jean Renoir et de Charles Spaak, sorti en 1937,
avec Eric von Stroheim ( Von Rauffenstein ), Jean Gabin ( Lt Maréchal ), Pierre Fresnay ( Capitaine de Boëldieu ), Marcel Dalio ( Rosenthal ), Julien Carette, Gaston Modot, Jean Dasté, Georges Peclet, Jacques Becker, Sylvain Itkine, Dita Parlo

Ce film est une fresque sur les différentes composantes de la société française, à travers un camp de prisonniers de la première Guerre mondiale. Des officiers sont retenus dans une vieille forteresse commandée par un aristocrate prussien.
Le capitaine français, aristocrate lui aussi se sent plus d'affinités avec lui qu'avec ses compagnons issus d'un milieu plus populaire.
Grâce au sacrifice de l'aristocrate Capitaine De Boëldieu, abattu par son ami et geôlier Rauffenstein, les lieutenants Maréchal et Rosenthal réussissent leur dernière tentative d'évasion. Ils sont recueillis par une jeune veuve Elsa dont Maréchal tombe amoureux. Mais il leur faudra repartir car la guerre n'est pas finie.
Ce film est marqué par l'époque du front populaire et de la montée de l'antisémitisme (à travers le personnage de Rosenthal qui provoqua une réaction violente de Louis-Ferdinand Céline)

Jean Renoir déclare ( interview ORTF): "La peinture de ce milieu me permettait d'insister sur une théorie qui m'a toujours été chère que les hommes ne se divisent pas en nations mais peut-être en catégories de travail. C'est ce que l'on fait qui est notre véritable Nation."

Une préface de François Truffaut sur "La grande illusion"

Fiche détaillée sur le film La Grande Illusion

 


La Règle du jeu , de Jean Renoir, scénario de Jean Renoir et Carl Koch; musique de Gaston Claret, Eugene Rosi et Vincent Scotto , sorti en 1939, durée 115 mn.
avec Nora Gregor (Christine de la Cheyniest), Paulette Dubost (Lisette), Mila Parély (Geneviève de Marras), Odette Talazac (Mme. de la Plante), Claire Gérard(Mme. de la Bruyère), Anne Mayen, Lise Elina, Marcel Dalio ( Robert de la Cheyniest), Julien Carette ( Marceau, le braconnier), Roland Toutain (André Jurieux), Gaston Modot (Edouard Schumacher, le garde-chasse), Jean Renoir

Un jeune recordman de l'aviation civile, André Jurieux, atterrit au Bourget après un raid au-dessus de l'Atlantique.
La foule l'ovationne, mais celle qu'il aime n'est pas là pour l'attendre : il s'agit de la marquise Christine de La Chesnaye, une femme du monde avec laquelle il a eu une liaison platonique. De désespoir, il tente de se tuer en voiture.
Dans l'espoir d'arranger les choses, son ami Octave, un sympathique parasite qui fréquente les La Chesnaye, le fait inviter à une partie de chasse que ceux-ci donnent dans leur propriété de Sologne, à La Colinière.
Les terres sont surveillées par un ombrageux garde-chasse, Schumacher, qui a surpris en flagrant délit de braconnage son vieil ennemi Marceau.
Le marquis amusé prend ce dernier à son service.

Cependant, Christine découvre par hasard la liaison de son mari avec une de leurs amies parisiennes, Geneviève de Marras. Par dépit, elle répond aux avances d'un de ses soupirants, le fade Saint-Aubin.
Mais Octave aussi est amoureux d'elle.
Au cours d'une fête costumée, les couples vont s'affronter rudement : Jurieux se battra avec SaintAubin, puis le marquis avec Jurieux, tandis qu'à l'office, Schumacher est aux prises avec Marceau, qu'il a surpris en train de flirter avec sa femme, la volage Lisette. Peu à peu, tout rentre dans l'ordre.
Mais Schumacher, abusé par un double échange de costumes, abat Jurieux d'un coup de carabine. Face à ce « déplorable accident », les La Chesnaye vont s'employer, devant leurs invités sceptiques, à sauver la face.

Sorti peu de temps avant le début de la guerre, accomplissement et chant du cygne du cinéma français des années 1930, aux résonances profondes, à la facture éblouissante, La règle du jeu est un alliage rare de satire, de vaudeville et de tragédie.
Jean Renoir (1894-1979) se place au-dessus de la mêlée et entreprend un tableau sans fard de la société française à la veille de la guerre.
Renoir sous-titre son film «fantaisie dramatique»; il ambitionne d'en faire «une description exacte des bourgeois de notre époque ». Devant les remous suscités par les premières projections, il fit machine arrière et se hâta d'indiquer qu'il n'avait pas eu la prétention de faire une étude de moeurs; les personnages devenaient «purement imaginaires ». Nul n'était dupe pour autant.

La futilité des relations amoureuses, l'égoïsme de classe, sont ici durement raillés. Mais Renoir a réussi, en outre, à combiner harmonieusement les deux tendances fondamentales qui gouvernent son œuvre : d'une part la fidélité à la nature, sensible dans des scènes d'une force plastique saisissante (la partie de chasse, avec les rabatteurs progressant dans les sous-bois); de l'autre le goût du théâtre, qui s'exprime à travers les déguisements, les chassés-croisés, des structures scéniques habilement recréées, favorisant un approfondissement psychologique des personnages.

La technique utilisée par Renoir est remarquable: la caméra semble être partout à la fois, jouant avec brio des effets de profondeur de champ, tout en faisant office de loupe apte à saisir la vie intime de chacun, de la servante comme celle de l'écureuil.
Les dialogues sont très écrits mais semblent improvisés. Le chevauchement des situations, les raccords dans le mouvement, l'emploi de filtres clairs, le dosage de musique classique et d'airs populaires, tout concourt ici à une création d'un style cinématographique. De sorte qu'après avoir été longtemps un film maudit, objet de mutilations, d'interdictions et d'infortunes diverses, La règle du jeu est devenue, pour toute une génération, un film culte.

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