| Le cinéma 1994-1997 
Sandrine Bonnaire
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Les films de l'année 1994:
- Au
travers des oliviers de Abbas Kiarostami
- La Cité de la peur , de Alain Berberian
- Les
Évadés (The Shawshank Redemption) de Frank Darabont
- Farinelli , de Gérard Corbiau
- Le
Fils préféré , de Nicole
Garcia
- Forrest
Gump , de Robert Zemeckis
- Grosse Fatigue , de Michel Blanc
- Journal
intime de Nanni Moretti
- Léon , de Luc Besson
- Oublie-moi
de Noémie Lvovsky
- Les
Patriotes de Éric Rochant
- Pompoko
de Isao Takahata
- Priscilla, folle du désert , de Stephan Elliott
- Pulp Fiction , de Quentin Tarantino
- Quatre mariages et un enterrement ,
de Mike Newell
- Regarde_les_hommes_tomber
de Jacques
Audiard
- La Reine Margot , de Patrice
Chéreau
- Les
Roseaux sauvages de André Téchiné
- Tiens ton foulard, Tatiana de Aki Kaurismäki
- Trois couleurs: Blanc ,
de Krzysztof Kieslowski
- Trois couleurs: Rouge , de Krzysztof
Kieslowski
- Un Indien dans la ville , de Hervé Palud
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Les films de l'année 1995:
- L'Appât (Fresh Bait) de Bertrand Tavernier
- L'Armée
des 12 Singes de Terry Gilliam
- Le Bonheur est dans le pré , de Etienne Chatilliez
- Casino,
de Martin Scorsese
Les Cent et une nuits de Simon Cinéma d' Agnès Varda
- La
Cérémonie , de Claude Chabrol
- La Cité des enfants perdus de J.P. Jeunet et M. Carro
- Dead
Man , de Jim Jarmusch
- The Doom Generation de Gregg Araki
- Ed Wood , de Tim Burton
- Gazon maudit de Josiane Balasko
- Ghost
in the Shell (Kōkaku kidōtai, 攻殻機動隊)
de Mamoru Oshii
- GoldenEye
de Martin Campbell
- La
Haine de Mathieu Kassovitz
- La
Jeune Fille et la Mort , de Roman Polanski
- Land
and Freedom de Ken Loach
- Nelly
et M. Arnaud de Claude Sautet
- N'oublie pas que tu vas mourrir , de Xavier Beauvois
- Par
delà les nuages de Michelangelo
Antonioni
- Le
Péril jeune de Cédric Klapisch
- Raison
et Sentiments (Sense and Sensibility ) de Ang
Lee
- Le
Regard d'Ulysse , de Theo Angelopoulos
- Les
Rendez-vous de Paris , de Éric Rohmer
- Se7en (Seven)
de David Fincher
- Sur
la route de Madison , de Clint Eastwood
- Underground , de Emir
Kusturica
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Les films
de l'année 1996:
- Au loin s'en vont les nuages de Aki Kaurismäki
- Breaking the waves , de Lars
von Trier
- Capitaine
Conan de Bertrand Tavernier
- Chronique d'une disparition d' Elia Suleiman
- Conte d'été,
d'Éric Rohmer
- Crash
, de David Cronenberg
- Fargo
de Joel et Ethan Coen
- Irma
Vep, de Olivier Assayas, avec Maggie Cheung
- Mars
attacks! de Tim Burton
- Microcosmos , de Claude Nuridsany et Marie Perennou
- Le
Patient anglais (The English Patient) de Anthony Minghella
- Pédale douce , de Gabriel Aghion
- The Pillow Book, de Peter Grenaway
- Ridicule , de Patrice Leconte
- Secrets
et mensonges , de Mike Leigh
- Un
air de famille , de Cédric_Klapisch
- Un divan à New York de Chantal Akerman
- Un
Héros très discret de Jacques Audiard
- Les
Voleurs de André Téchiné
- Y aura-t-il de la neige à Noël ,
de Sandrine Veysset
| Les
films de l'année 1997:
- L'Anguille
(Unagi ) , de Shohei Imamura
- Le Cinquième Élément ,
de Luc Besson
- Les
Couleurs du diable de Alain Jessua
- The Full Monty , de Peter Cattaneo
- Le
Goût de la cerise de Abbas Kiarostami
- Hana-bi , de Takeshi Kitano
- L,A,
Confidential, de Curtis Hanson
- Lost
Highway , de David Lynch
- Marius et Jeannette, de Robert Guédiguian
- Mère
et fils de Alexandre Sokourov
- Le
Miroir (Ayneh) de Jafar Panahi
- Nettoyage à sec
, d' Anne Fontaine
- Nowhere de Gregg Araki
- On connaît la chanson
, d' Alain Resnais
- Les
Pleins Pouvoirs de Clint Eastwood
- Post
coïtum animal triste de Brigitte Roüan
- Public
Housing de Frederick Wiseman
- Rien
ne va plus, de Claude Chabrol
- Sous
les pieds des femmes de Rachida Krim
- Suzaku
(萌の朱雀 Moe no suzaku ) de Naomi
Kawase
- Titanic
, de James Cameron
- Tout le monde dit "I Love You" , de Woody Allen
- La
Vie de Jésus de Bruno Dumont
- Les
Virtuoses de Mark Herman
- Western , de Manuel Poirier
- Will Hunting de Gus Van Sant
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*
La Reine Margot, de Patrice Chéreau, sorti en 1994,
scénario de P. Chéreau et Danièle Thomson, d'après
Alexandre Dumas, France-Italie-Allemagne, Prix du Jury Cannes 1994, durée
159 mn
avec Isabelle Adjani ( Margot ), Daniel Auteuil (Henri de Navarre ),
Jean-Hugues Anglade (Charles IX ), Vincent Perez (La Môle ), Virna Lisi (Catherine
de Medicis), Dominique Blanc (Henriette de Nevers), Pascal Greggory, Miguel Bosé,
Jean-Claude Brialy, Jean-Philippe Ecoffey, Barbet Schroeder, Valeria Bruni-Tedeschi.
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Le 18 août 1572, Catherine de Médicis, pour des raisons stratégiques,
marie de force sa fille, Marguerite de Valois, belle et catholique, soeur du roi
Charles IX, à Henri de Navarre, un noble protestant, futur roi Henri IV. Les protestants
arrivent nombreux à Paris pour célébrer le mariage et gagner en influence en s'appuyant
sur l'Amiral de Coligny, qui avait su gagner l'amitié de Charles IX. Sacrifié
à la raison d'état, Margot erre dans les rues dès sa nuit de noce et va cependant
connaître l'amour avec un autre huguenot, le seigneur de la Môle. Mais le massacre
de la Saint-Barthélemy est déclenché le 24 août, Coligny et de nombreux protestants
sont tués, jusque dans les appartements royaux. Protégé par son sang royal
Henri est épargné et Margot sauve la Môle. Plus tard Charles IX meurt empoisonné
et la Môle est injustement condamné et exécuté. Margot rejoint Henri en Navarre
avant d'être exilée en Auvergne. Ce film est très charnel,
passionnel, coloré de blanc, de noir et surtout de rouge. Rarement la passion,
la violence faite aux corps ont été montrées avec autant de brio et de réalisme.
La reconstitution historique est précise et les nombreux figurants apportent un
volume et une qualité incontestables. |
Biographie
et filmographie complète de Patrice Chéreau
*
PULP
FICTION , de Quentin TARANTINO, sorti en 1994, américain, Palme
d'or Cannes 94
avec John Travolta, Samuel Lee Jackson, Uma Turman, Harvey
Keitel, Tim Roth, Rosanna Arquette, Christopher Walken, et Bruce Willis.
Plusieurs histoires s'entrecroisent où se
mêlent de nombreux personnages qu'on a du mal à prendre au sérieux ; un dangereux
gangster, Marcellus Wallace, sa femme droguée, des tueurs à gages (Travolta et
Jackson) qui, arrivés sur le perron de l'endroit où doit se traiter leur affaire,
se rendent compte de leur avance, et qui discutent en attendant, un boxeur (Bruce
Willis) payé pour se coucher lors d'un combat truqué et qui part en cavale avec
une jeune française et un dealer embourgeoisé qui se plaint de vandales. |
|
Ce film est peuplé de références à la contre-culture américaine, au cinéma
et au rock'n roll et revendique une certaine artificialité: Le fast food dans
lequel Uma Thurman et Travolta vont passer la soirée est peuplé de serveurs, sosies
de représentants du mythe hollywoodien et du rock'n roll, comme Marilyn Monroe
et Jayne Mansfield.
Le montage est aussi déjanté que le
sujet: à base de "flash back", mais ce qui est plus original, de "flash forward",
la fin du film apparaît au milieu et se termine par un "flash back" dans lequel
apparaissent les 2 tueurs, encore vivants, alors qu'on a vu leur mort quelques
scènes auparavant.
Grâce à Clint Eastwood, alors président
du jury avec la complicité de Catherine
Deneuve, la Palme d'Or de Cannes échappa cette année-là
à un triste film kurde ou mongol pour couronner ce délire drôle
et coloré.
*
Quatre Mariages et un Enterrement
, de Mike NEWELL, sorti en 1994; scénario de Richard Curtis, durée
117 mn;
avec Hugh Grant ( Charles ), Andie MacDowell ( Carolyn alias "Carrie"
), James Fleet ( Thomas alias "Tom" ), Simon Callow (Gareth), John Hannah ( Matthew
), Kristin Scott Thomas ( Fiona)
Ce film est teinté d'un humour anglais très délicat à
partir de scènes de la vie courante. De l'influence d'une américaine
sur les anglais.
Quatre mariages et un
enterrement est un portrait des nouveaux trentenaires, cette génération déconfite,
qui ne sait plus si elle peut encore croire à l’amour, qui recule toujours le
moment fatal, réfugiée dans un petit monde amical et chaleureux, un brin régressif.
Charles et ses amis, Gareth le moqueur jovial, Matthew le tendre, Fiona l’élégante
cynique, Scarlett la midinette vulgaire, Tom le gentleman benêt, David le confident
muet, tous célibataires, forment une seconde famille, lieu de reconnaissance et
de protection où chacun d’entre eux occupe une fonction bien précise. Et la fonction
de la bande elle-même est de désamorcer le social, de jouer sur ces conventions
et ces barrières sociales, que l’on sait lourdes et empesées de l’autre côté de
la Manche, pour les faire exploser. Comme dit Gareth, félicitez la famille des
mariés en leur disant que la mariée a l’air enceinte. Mais l'on n'est pas pour
autant dans un espace où l’intime peut se dire.
Les
liens entre eux sont assez peu explicités. Charles ne parle qu’à David, son frère
muet, et ses confidences sont de l’ordre de l’inaudible, une manière de le dire
sans le dire.
Il faut que Gareth meure pour qu’ils
s’aperçoivent que leurs amis homosexuels formaient un véritable couple; Fiona
avouera presque par mégarde un amour qu’elle taît depuis toujours. Et Charles
vit sa relation avec Carrie dans les coulisses des différents mariages, des chambres
d’hôtels, des espaces neutres. Leur relation est au bord de la sphère publique.
Et le mariage est le moment où la sphère de l’intime rejoint celle du public,
où l’intimité s’institutionnalise. L’éclatement du groupe avec la disparition
de Gareth accélère l’émergence d’un désir individuel.
*
Trois Couleurs : Rouge , de Krystof Kieslowski , sorti en 1994, durée
88 mn
avec Irène Jacob (Valentine Dussaut), Jean-Louis Trintignant
(Joseph Kern), Jean-Pierre Lorit (Auguste), Frederique Feder (Karin)
Prix
Méliès du SFCC
Valentine est étudiante à Genève. Elle suit des cours de danse, et travaille
comme mannequin pour pouvoir payer ses études. Son compagnon est à l'étranger,
et il l'appelle régulièrement au téléphone. Un soir, au volant de sa voiture,
Valentine écrase une chienne, Rita. Elle se rend aussitôt chez une vétérinaire
pour soigner l'animal. Le lendemain, Valentine se rend à l'adresse indiquée
sur le collier de Rita. À l'intérieur d'une grande maison vide, un homme seul,
Joseph, un juge à la retraite, qui passe son temps à écouter et espionner ses
voisins, en enregistrant leurs conversations. Parmi ces voisins, Auguste, étudiant
en droit et Karin son amie. Ce film, troisième volet de la trilogie,
illustre le principe de la fraternité, a priori improbable entre Valentine
et le juge, qui n'ont rien pour s'entendre. Kieslowski introduit une distance
volontaire avec ses personnages, en multipliant les scènes avec téléphone
ou filmées à travers une fenêtre. |  |
A la fin du film, des séquences servent
de conclusions aux deux autres films, "Bleu" et "Rouge", indiquant
par là que sans fraternité, la liberté et l'égalité
n'ont pas de réelles valeurs.
Biographie
et filmographie complète de Krystof Kieslowski
* La Cérémonie, de Claude
Chabrol, film français, allemand, durée 111mn, sorti en 1995
avec
Isabelle Huppert, Sandrine Bonnaire, Jacqueline Bisset, Jean-Pierre Cassel, Virginie
Ledoyen
Sophie, bonne dévouée mais analphabète et secrète, est engagée au service d'une
famille bourgeoise de Saint-Malo qui ne se rend pas compte du décalage
qui existe. Son amitié avec la postière, curieuse et envieuse, va déclencher
le drame. Ce film est une critique sombre de la société bourgeoise
bloquée et qui accapare la connaissance et la parole. Chabrol ne prend
pas partie mais décrit minutieusement ce mécanisme qui conduit à
l'explosion finale. (Explication du titre: La cérémonie désignait
autrefois l'exécution des condamnés à mort) Voir la
biographie et la filmographie complète de Claude Chabrol |  |
*
Underground, d'Emir
Kusturica, film franco-serbe, durée 167 mn, sorti en 1995, scénario
adapté d'une pièce de théâtre de Dusan Kovacevic ; Palme
d'Or Cannes 1995;
avec Miki Manojlovic(Marko), Lazar Ristovski(Blacky),
Mirjana Jokovic(Natalja), Slavko Stimac(Ivan), Ernst Stötzner(Frantz), Sdran Todorovic(Jovan),
Mirjana Karanovic(Vera), Milena Pavlovic(Jelena), Bora Todorovic(Golub), Davor
Dujmovic(Bata)
Alors
que les premières bombes allemandes tombent sur Belgrade, en avril 1941, Marko
et Blacky profitent de la déroute générale pour se lancer dans une vaste entreprise
de magouilles en tous genres. Marko, le rusé, a très vite compris qu'un pays
en guerre peut représenter une véritable mine d'or. Il cache alors dans la cave
de son grand-père un groupe de réfugiés, auquel il fait fabriquer des armes et
objets divers, aussitôt écoulés au marché noir. En 1943, Blacky est blessé,
et mis à l'abri dans la cave. Désormais libre de toute contrainte, Marko n'hésite
pas à le trahir en séduisant Natalja. |  |
En 1944, la paix revient, mais Marko fait croire aux habitants de la
cave que la guerre se poursuit.
Lorsque, des décennies plus tard, ils sortent
enfin, ils constatent que, oui, Marko avait raison, la guerre continue. Mais c'est
désormais celle de 1991 entre les différents états nés de l'éclatement du pays.
Ce
film est une fable, un rêve, un peu nostalgique, violent et poétique,
coloré et sombre. Ses inventions visuelles et les rôles donnés
aux animaux en font un chef uvre baroque.
On a reproché à Kusturica
de ne pas prendre clairement parti dans ce film contre les agresseurs de 1991
(les Serbes) et aussi de ridiculiser la Forpronu. Mais il ne faut pas oublier
que chaque camp, dès qu'il en a eu les moyens, s'est comporté brutalement.
Underground, c'est avant tout une prise de position très claire d'Emir Kusturica
contre toutes les formes de manipulation, qu'elles soient d'hier ou d'aujourd'hui,
médiatiques ou politiques. Kusturica s'attaque aux politiciens de toutes bords,
qui se compromettent dans toutes les formes du mensonge, ainsi qu'à leur principaux
complices, les médias, qui disposent du pouvoir le plus fort, celui de distiller
l'information à leur gré, et de maintenir le monde à l'état d'ignorance, dans
un souterrain virtuel.
Pour mesurer la complexité
de la situation yougoslave ces soixante dernières années et
se garder de jugements hâtifs.
* BREAKING THE WAVES
de LARS VON TRIER, sorti en 1996 , film danois, durée
2h 38mn avec Emily Watson, Stellan Skarsgård, Katrin Cartlidge, Jean-Marc
Barr Grand Prix du jury Cannes 96, César du meilleur film étranger Bessse
se marie à Jan qui travaille sur une plate-forme pétrolière au nord de l'Ecosse.
Elle prie pour qu'il revienne sain et sauf mais elle le retrouve la nuque brisée
dans un accident du travail et incapable de bouger et bien sûr d'avoir désormais
des relations sexuelles. Il lui demande alors d'aller avec d'autres hommes et
de lui raconter les détails. Bess accède à cette demande, connaît des relations
de plus en plus déviantes et dangereuses tout en culpabilisant énormément . Elle
se persuade néanmoins d'agir selon les désirs de Dieu. |
|
Au
milieu de l'incompréhension de la famille , du poids de la religion rigoriste
d'un village, elle tente de continuer à faire vivre cet amour, par procuration,
en limite de la perversité puis ensuite par une sorte de sacrifice total.
Dans un transfert d'énergie vitale quasi-magique, il guérit à
mesure qu'elle sombre.
Dans ce film, presque
conforme au "Dogme95", rigoureux et tragique,
Lars van Trier explore une tentative de vivre un amour fou, quand tout va bien
au début, puis ensuite quand un accident grave prive le héros de
toute autonomie.
(voir la biographie et la filmographie
de Lars
von Trier)
*
The Pillow Book, de Peter Greenaway, anglo-français,
sorti en 1996 , durée 126 mn, scénario de Peter Greenaway inspiré
librement par les carnets de chevet (Pillow Book) de Sei Shonâgon; avec Vivian
Wu ( Nagiko ) , Yoshi Oida ( L'éditeur ) , Ken Ogata ( le père ) , Hideko Yoshida
( la servante) , Ewan McGregor ( Jérome) , Judy Ongg ( la mère) , Ken Mitsuishi
( le mari ) , Yutaka Honda ( Hoki ) , Barbara Lott ( la mère de Jérome) , Miwako
Kawai ( Nagiko jeune)
Nagiko fête ses quatre ans et pour célébrer sa naissance
son père, calligraphe célèbre, trace sur son visage un vœu d'anniversaire. Alors
que cette journée heureuse tire à sa fin, la mère de Nagiko lui lit les Notes
de chevet (Pillow Book) de Sei Shonâgon, une dame de la cour ayant vécu au
10ème siècle. C'est pendant cette lecture que la fillette entrevoit
par l'interstice des panneaux de papier une relation homosexuelle et peut-être
interéssée entre son père et son éditeur. Bien des années
plus tard, Nagiko entreprend à son tour d'écrire ses propres notes de chevet.
Après un mariage raté, un incendie, elle se lance à la poursuite de l'amant-calligraphe
idéal qui usera de son corps tout entier en lieu et place de papier. Après
bien des échecs, elle rencontre finalement Jérôme, un traducteur d'origine anglaise.
Il la convainc d'être le pinceau plutôt que le papier. Avec lui, à
Hong Kong, elle s'épanouira tant au niveau de sa carrière d'écrivaine que de sa
vie sentimentale. Découvrant que l'éditeur de son amant anglais est le même
qui exigeait autrefois des relations sexuelles à son père, elle décide de venger
cet affront et envoie treize livres écrits à même la peau du corps de treize hommes.
Malheureusement, ce chantage tournera mal pour ses trois protagonistes.
Le projet fonctionne trop bien. Les deux amants deviennent jaloux. Nagiko, de
l'éditeur, et Jérôme, parce qu'elle écrit sur le corps d'autres hommes. Jérome
met en scène un faux suicide qui aboutit pour de bon à sa mort. La jeune femme
pleure la mort de son amant et écrit un poème érotique sur son corps avant de
l'enterrer. L'éditeur exhume le corps de Jérome et fait de sa peau un précieux
livre de chevet. |  |
Greenaway met en place dans le film un questionnement et une étude
poussée sur le corps, sur son action médiatrice entre les êtres humains, mais
également entre les signes et leur transmission.
Également lieu de la mémoire,
le corps permet un voyage dans le temps, un retour dans le passé plus ou moins
lointain, mais dans un désordre propre aux paradoxes qu'il renferme dans ses recoins
les plus sombres.
Cette histoire explore les liens qui unissent depuis des
millénaires l'écriture et la sexualité, à travers une lecture fantasmatique de
l'Orient par l'Occident.
À travers l'écriture des idéogrammes, véritable
art graphique, c'est un combat des diverses pulsions qui animent les personnages
qui se jouent à l'écran. Brûlés ou effacés par la pluie, les signes demeurent
éphémères rappelant ainsi le besoin constant d'oubli de la mémoire. Le lien intrinsèque
entre le corps et la littérature demeure, pour sa part, inscrit à jamais dans
la chair des personnages, soit dans les pages du livre humain de Jérôme, soit
dans la peau finalement tatouée de Nagiko.
Dans les toutes premières minutes
du film, une scène d'une importance majeure se déroule sous les yeux de Nagiko,
il s'agit de la journée de son quatrième anniversaire. De manière générale, cette
scène se découpe en deux parties, la première pendant laquelle le vœu d'anniversaire
est peint sur le visage de Nagiko et la deuxième lorsqu'elle entrevoit une relation
sexuelle entre son père et son éditeur.
Reprise à plusieurs moment du récit,
cette scène peut aisément être qualifiée de scène primitive dans le contexte du
film.
À plusieurs égards, cette scène rencontre les diverses caractéristiques
de la scène primitive telle qu'élaborée par la psychanalyse. De plus, son importance
quant à tout ce qui se déroulera dans la vie de Nagiko, participe également à
cette définition.
Évidemment, cette scène primitive n'est pas tout à fait
traditionnelle, dans la mesure où c'est l'éditeur qui joue le rôle sadique, habituellement
imputé au père, et ce dernier celui de la victime, rôle tenu en temps normal par
la mère. Celle-ci ne participe pas physiquement à l'acte homosexuel, mais elle
y tient tout de même un rôle actif en tant que complice de ce chantage sur lequel
repose la survie de la famille.
Cette scène primitive tronquée déclenche
dans l'imaginaire de Nagiko un puissant désir de vengeance du père, puisqu'il
est perçu en tant que victime, et une haine envers cet agresseur. Comme cet épisode
traumatisant se déroule à chaque anniversaire de Nagiko, il se transforme chez
elle en une obsession latente car elle ne comprend cet échange sexuel que des
années plus tard. Plus qu'une simple obsession de vengeance, cette scène opère
chez le personnage une association entre la littérature et la sexualité, lien
renforcé par la lecture maternelle de Sei Shônagon traitant également de ce même
rapport.
*
FARGO de COEN Joel & Ethan, sorti en 1996, durée 98 mn, Prix
de la mise en scène Cannes 1996, 2 Oscars en 1997
avec
Frances MacDormand ( Marge Gunderson), William H. Macy ( Jerry Lundegaard), Steve
Buscemi ( Carl Showalter), Harve Presnell ( Wade Gustafson), Peter Stormare (
Gaear Grimsrud), Kristin Rudrüd ( Jean Lundegaard), Tony Denman ( Scotty Lundegaard),
Gary Houston, Sally Wingert, Kurt Schweickhardt .
En plein hiver, Jerry Lundegaard, un vendeur
de voitures d'occasion à Minneapolis, endetté, a besoin d'un prêt de Wade Gustafson,
son riche beau-père. Devant le refus de celui-ci, il fait appel à Carl Showalter
et Gaear Grimsrud, deux petits malfrats, pour qu'ils enlèvent son épouse Jean.
Il pourra ainsi partager avec les ravisseurs la rançon que Wade paiera pour la
libération de sa fille. Mais comme ce sont des amateurs les choses ne vont
pas se dérouler comme prévu et vont même très mal tourner. |  |
Marge Gunderson, femme flic, enceinte jusqu'au
yeux, va enquêter et ramasser les cadavres dans cette affaire sordide inspirée
d'un fait divers réél. Les frères Coen réalisent un film qui procéde du
polar, de la chronique sociale cynique d'une Amérique profonde et de l'humour
noir. Sans jamais tomber dans la caricature ni souligner leurs effets, ils
nous décrivent des personnages sans envergure dépassés par leurs actes. Les
acteurs sont parfaitement choisis et dirigés (Oscar pour Frances MacDormand),
les images forment une symphonie en noir, blanc et rouge |  |
Ethan Coen commente: "Une des raisons
pour rendre les personnages simplets était notre volonté d'aller contre le cliché
hollywoodien du méchant comme superprofessionnel, qui contrôle tout ce qu'il fait.
En fait la plupart du temps, les criminels appartiennent à des strates de la société
qui ne sont pas équipés pour affronter la vie et c'est pour cela qu'ils se font
prendre si souvent. En ce sens aussi notre film est davantage du coté de la vie
que des conventions du cinéma et du film de genre."
*
Y
aura-t-il de la neige à Noël , de Sandrine Veysset; sorti en 1996, scénario
de Sandrine Veysset et Antoinette de Robien ; durée 90mn ;
prix
Louis-Delluc 1996; avec Daniel Duval (Le Père), Dominique Reymond (La mère),
Jessica Martinez (Jeanne), Alexandre Roger (Bruno), Xavier Colonna (Pierrot),
Fanny Rochetin (Marie)
 | Un
soir d’été, à la campagne, dans le sud de la France. Elle est seule. Seule avec
ses sept enfants qui envahissent ses jours et ses nuits. Une vie bien remplie.
Car le temps file, sans laisser de temps, au rythme d'un labeur inlassable
au cur d'une exploitation agricole. Les fruits et légumes n'attendent pas
et au moindre défaut de qualité, les produits ne se vendront pas. Une situation
familiale compliquée, injuste et presque acceptée, où les différents rôles : père,
amant, ouvriers, mère, enfants, se mélangent. Le père jusqu’à l’arrivée du camion
rouge, semblait ne pas exister, ne pas manquer même. Petit à petit on comprend
mieux la nature du piège qui s'est installé autour de cette femme courageuse.
Les saisons défilent et Sandrine Veysset filme avec talent un
rituel quotidien qui va de la terre aux enfants, des enfants à la terre. Les gestes,
les mots (qui sont aussi rares que dans la vraie vie rurale), les regards, les
fragments d'un bonheur aussi furtif qu'un flocon de neige à Noël, la lassitude
d'un soir, et la douleur profonde, silencieuse, qui vient, comme le froid d'hiver,
percer le cur maternel. |
Sandrine
Veysset réalise une chronique sincère, dépouillée, émouvante, nourrie à n'en pas
douter d'un souvenir personnel, la triste figure d'un père fuyant.
Mais c'est
aussi un film poétique, un conte de Noël néanmoins réaliste. Car
l'aspect social est tout aussi fort, et le film révèle la condition
difficile des petites exploitations agricoles, l'asservissement et l'humiliation
des mères célibataires surtout quand le père lointain est la clé de la survie
économique du ménage et la différence flagrante de traitement entre les enfants
"naturels" et légitimes.
Ridicule,
de Patrice Leconte, sorti en 1996, durée : 102 min, scénario de Rémi Waterhouse,
Michel Fessler et Eric Vicaut, récompensé de 4 César ( dont
meilleur film) en 1997, nommé pour l' Oscar du meilleur film étranger,
avec Charles Berling (de Ponceludon), Jean Rochefort (de Bellegarde), Fanny
Ardant (Madame de Blayac), Judith Godrèche (Mathilde de Bellegarde), Bernard
Giraudeau(le confesseur), Bruno Zanardi.
Les terres du noble Ponceludon de Malavoy s'inondent
et tranforment les champs en marais malsains. Soucieux de la santé de ses
paysans et afin de pouvoir financer un complexe ouvrage hydraulique empêchant
ces malheurs récurrents, le jeune noble part naïvement à Versailles pour
plaider sa cause auprès du roi. Simplement, une fois sur place, rien n'est
plus difficle que d'atteindre le roi. Et pour progresser dans cette quète,
il faut savoir user d'esprit. De mots d'esprits. Il faut aussi savoir séduire
et satisfaire les femmes influentes. C'est grâce à ce jeu d'apparences, ces
faux semblants plus importants que les vrais sentiments, que l'on peut ouvrir
toutes les portes. Après quelques premiers succès, De Malavoy l'apprendra
à ses dépens, piégé par une Madame de Balyac jalouse et orgueilleuse. Ce
film, tourné au chateau de Champs sur Marne, beau et intelligent du début
à la fin, a fait l'ouverture du Festival de Cannes 1996. Ridicule use d'humour
et d'émotion, pour dénoncer une période de la France où l'esprit et les
apparences comptaient plus que la vie des simples sujets. La fortune d'un Homme
et sa réputation pouvait se faire ou se défaire sur la force d'une simple remarque. |
L'affiche, en japonais |
Mais
la transposition à notre époque contemporaine est facile à
faire. La communication et le mensonge d'Etat, les ambitions personnelles ont
toujours plus d'importance que la réalité quotidienne. Le prestige
éphémère se vend mieux que les efforts obscurs pour rendre un monde meilleur.
* ON CONNAIT LA CHANSON
de Alain RESNAIS, sorti en 1997
avec
Sabine Azema, Agnès Jaoui, André Dussolier, Jean-Pierre Bacri, Pierre
Arditi, Lambert Wilson
plus
de détails sur ce film
*
Marius et Jeannette de Robert Guédiguian, sorti
en 1997, prix Louis-Delluc 1997, durée 105
mn, scénario de Robert Guédiguian et Jean-Louis Milesi, avec Ariane Ascaride (Jeannette),
Gérard Meylan(Marius), Pascale Roberts (Caroline), Jacques Boudet (Justin), Frédérique
Bonnal, Jean-Pierre Darroussin (Dédé), Laëtitia Pesenti.
Marius vit seul
dans une immense cimenterie désaffectée qui domine le quartier. Il est le gardien
de cette usine en démolition. Jeannette élève, seule, ses deux enfants avec un
maigre salaire de caissière. Elle habite une minuscule maison ouverte sur
une courette typique du quartier de l'Estaque à Marseille. Ses voisins
de cour, Caroline et Justin, Monique et Dédé, l'encouragent avec force éclats
de rire et coups de gueule. La rencontre de Marius et de Jeannette ne sera pas
simple car, outre les difficultés inhérentes à leur situation sociale précaire,
ils ont été échaudés par leur expérience passée.
Le film décrit la renaissance de leur capacité à être heureux. Ce film est
un mélange de réalisme social et de conte de fées moderne,
qui se termine bien, comme tous les contes de fées. |

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A travers des conversations à batons rompus, d'autres thèmes
sont abordés comme l'engagement politique dans le parti communiste, avec
ses espoirs et ses limites, et de bien d'autres, de Le Pen à Dieu, en passant
par les camps de concentration et la futilité du capitalisme.
Après
plusieurs films confidentiels, Guédiguian, toujours fidéle à
son équipe de comédiens et sa banlieu de Marseille, est enfin présenté
à Cannes et connait un fort succés populaire.
*
LE CINQUIEME ELEMENT de
Luc BESSON, sorti en 1997, scénario Luc Besson et Robert Mark Kamen, musique
de Eric Serra, durée 126 mn. avec Bruce Willis(Korben Dallas),Milla
Jovovich (Leeloo), Gary Oldman (Zorg), Ian Holm (Cornelius), Chris Tucker (Ruby
Rhod), Luke Perry (Billy), Brion James (Général Munro ), Tommy Lister (Président
Lindberg),Charlie Creed-Miles (David), Mathieu Kassovitz (L'agresseur ), Tricky
(Le bras droit), Maïwenn (La cantatrice), John Neville (Général Staedert) En
1914, dans un temple égyptien, un explorateur découvre (Lumière Aziz!), un mystérieux
sanctuaire où est mentionné un certain cinquième élément comme étant l'arme définitive
dans la lutte contre le mal. Mais les gardiens, d'étranges et monstrueux extraterrestres,
les Mondoshawans, surviennent, et emportent avec eux les pierres figurant les
quatre autres. A New York, trois cents ans plus tard, l'intérêt de retrouver
le fameux cinquième élément se fait pressant afin d'éviter la collision fatale
entre la Terre et une monstrueuse comète figurant le Mal qui non seulement résiste,
mais en plus se nourrit des missiles qu'on lui envoie. L’un des conseillers
du Président, le père Cornelius, actuel dépositaire terrien du secret,
affirme que le seul recours est détenu par les Mondoshawan. Mais le vaisseau de
ces derniers est détruit par des chasseurs inconnus. Seule y survit un lambeau
de chair qui, récupéré par les militaires, permet la synthése d'une superbe
jeune femme rousse, Leeloo. Celle-ci s’échappe du QG avant de chuter sur
le taxi de Korben Dallas qui, comme tous les autres nombreux véhicules, se déplace
dans l’espace aérien de la cité. K orben, ancien agent des forces de sécurité,
l’aide à fuir ses poursuivants et la conduit chez le père Cornelius, qui reconnaît
en elle... le cinquième élément. Tous trois vont devoir retrouver une mallette
contenant quatre pierres qui ont été volées par les hideux Mangalores pour le
compte du puissant Zorg, incarnation du Mal. | 

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Un scénario très riche,
des rebondissements constants et des inventions nombreuses sont soutenus par des
acteurs remarquables et des effets spéciaux bien dosés. Ce superbe
film de science-fiction est servi par un humour et une distanciation qui le distingue
de ses homologues américains.
* Hana-Bi (feux d'artifice)
de Takeshi Kitano, film japonais , sorti en 1997, durée
103 mn, avec Takeshi Kitano (Nishi), Kayoko Kishimoto (Miyuki), Ren Osuki (Horibe);
Lion d'Or de la Mostra de Venise en 1997
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L'inspecteur Nishi traverse une mauvaise passe. Miyuki, sa femme atteinte d'un
cancer, est condamnée; par sa faute, son collègue et ami Horibe a été gravement
blessé au cours d'une fusillade et ne peut plus marcher. Rongé par un sentiment
de culpabilité, Nishi quitte la police et son univers de violence. Sans argent
pour faire soigner sa femme et pour aider Horibe, il emprunte à des yakuzas (maffia
japonaise). Incapable de les rembourser, il braque une banque. Avec le butin,
il s'acquitte de sa dette, offre du matériel de peintre amateur à Horibe et emmène
Miyuki en voyage, le dernier sans doute. Il aura, en chemin, à se débarrasser
des yakuzas qui le poursuivent pour exiger les intérêts de sa dette. Mais il sera
rattrapé par ses anciens collègues lancés à ses trousses pour l'inculper du hold-up.
Il leur demande un ultime sursis; il veut dire au revoir à sa femme qui l'attend
sur la plage. Il s'assoit près d'elle. La caméra se détourne vers la mer. On entend
deux coups de feu. Hana-bi a consacré Takeshi Kitano
(né en 1948) à la Mostra de Venise où il remporta le Lion d'or. Acteur dans la
plupart de ses films, il promène avec une apparente nonchalance une silhouette
ramassée et un visage imperturbable, traversé de tics depuis un grave accident
de moto et dont le regard se cache souvent derrière des lunettes noires. |
Homme-orchestre qui doit sa popularité, au Japon, à ses
apparitions comiques sur scène et à la télévision, Kitano est aussi romancier
et peintre. Un grand nombre de ses dessins, naïfs, peuplés d'animaux fantastiques
à tête de fleur, reviennent en leitmotiv dans Hana-bi et ponctuent les instants
de calme, de mélancolie et de bonheur au couple Miyuki-Nishi.
En
japonais Hana-bi c'est le feu d'artifice, ici la fin d'une vie, mais aussi
Hana la fleur qui représente la beauté et Bi, le feu,
qui consumme tout.
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La
suite, le cinéma 1998-2000