Le cinéma 1994-1997


Sandrine Bonnaire

Les films de l'année 1994:

Les films de l'année 1995:

Les films de l'année 1996:

Les films de l'année 1997:

* La Reine Margot, de Patrice Chéreau, sorti en 1994, scénario de P. Chéreau et Danièle Thomson, d'après Alexandre Dumas, France-Italie-Allemagne, Prix du Jury Cannes 1994, durée 159 mn
avec Isabelle Adjani ( Margot ), Daniel Auteuil (Henri de Navarre ), Jean-Hugues Anglade (Charles IX ), Vincent Perez (La Môle ), Virna Lisi (Catherine de Medicis), Dominique Blanc (Henriette de Nevers), Pascal Greggory, Miguel Bosé, Jean-Claude Brialy, Jean-Philippe Ecoffey, Barbet Schroeder, Valeria Bruni-Tedeschi.

Le 18 août 1572, Catherine de Médicis, pour des raisons stratégiques, marie de force sa fille, Marguerite de Valois, belle et catholique, soeur du roi Charles IX, à Henri de Navarre, un noble protestant, futur roi Henri IV. Les protestants arrivent nombreux à Paris pour célébrer le mariage et gagner en influence en s'appuyant sur l'Amiral de Coligny, qui avait su gagner l'amitié de Charles IX.
Sacrifié à la raison d'état, Margot erre dans les rues dès sa nuit de noce et va cependant connaître l'amour avec un autre huguenot, le seigneur de la Môle. Mais le massacre de la Saint-Barthélemy est déclenché le 24 août, Coligny et de nombreux protestants sont tués, jusque dans les appartements royaux.
Protégé par son sang royal Henri est épargné et Margot sauve la Môle.
Plus tard Charles IX meurt empoisonné et la Môle est injustement condamné et exécuté. Margot rejoint Henri en Navarre avant d'être exilée en Auvergne.

Ce film est très charnel, passionnel, coloré de blanc, de noir et surtout de rouge. Rarement la passion, la violence faite aux corps ont été montrées avec autant de brio et de réalisme. La reconstitution historique est précise et les nombreux figurants apportent un volume et une qualité incontestables.

Biographie et filmographie complète de Patrice Chéreau


* PULP FICTION , de Quentin TARANTINO, sorti en 1994, américain, Palme d'or Cannes 94
avec John Travolta, Samuel Lee Jackson, Uma Turman, Harvey Keitel, Tim Roth, Rosanna Arquette, Christopher Walken, et Bruce Willis.

Plusieurs histoires s'entrecroisent où se mêlent de nombreux personnages qu'on a du mal à prendre au sérieux ; un dangereux gangster, Marcellus Wallace, sa femme droguée, des tueurs à gages (Travolta et Jackson) qui, arrivés sur le perron de l'endroit où doit se traiter leur affaire, se rendent compte de leur avance, et qui discutent en attendant, un boxeur (Bruce Willis) payé pour se coucher lors d'un combat truqué et qui part en cavale avec une jeune française et un dealer embourgeoisé qui se plaint de vandales.

Ce film est peuplé de références à la contre-culture américaine, au cinéma et au rock'n roll et revendique une certaine artificialité: Le fast food dans lequel Uma Thurman et Travolta vont passer la soirée est peuplé de serveurs, sosies de représentants du mythe hollywoodien et du rock'n roll, comme Marilyn Monroe et Jayne Mansfield.

Le montage est aussi déjanté que le sujet: à base de "flash back", mais ce qui est plus original, de "flash forward", la fin du film apparaît au milieu et se termine par un "flash back" dans lequel apparaissent les 2 tueurs, encore vivants, alors qu'on a vu leur mort quelques scènes auparavant.

Grâce à Clint Eastwood, alors président du jury avec la complicité de Catherine Deneuve, la Palme d'Or de Cannes échappa cette année-là à un triste film kurde ou mongol pour couronner ce délire drôle et coloré.


* Quatre Mariages et un Enterrement , de Mike NEWELL, sorti en 1994; scénario de Richard Curtis, durée 117 mn;
avec Hugh Grant ( Charles ), Andie MacDowell ( Carolyn alias "Carrie" ), James Fleet ( Thomas alias "Tom" ), Simon Callow (Gareth), John Hannah ( Matthew ), Kristin Scott Thomas ( Fiona)

Ce film est teinté d'un humour anglais très délicat à partir de scènes de la vie courante. De l'influence d'une américaine sur les anglais.

Quatre mariages et un enterrement est un portrait des nouveaux trentenaires, cette génération déconfite, qui ne sait plus si elle peut encore croire à l’amour, qui recule toujours le moment fatal, réfugiée dans un petit monde amical et chaleureux, un brin régressif. Charles et ses amis, Gareth le moqueur jovial, Matthew le tendre, Fiona l’élégante cynique, Scarlett la midinette vulgaire, Tom le gentleman benêt, David le confident muet, tous célibataires, forment une seconde famille, lieu de reconnaissance et de protection où chacun d’entre eux occupe une fonction bien précise. Et la fonction de la bande elle-même est de désamorcer le social, de jouer sur ces conventions et ces barrières sociales, que l’on sait lourdes et empesées de l’autre côté de la Manche, pour les faire exploser. Comme dit Gareth, félicitez la famille des mariés en leur disant que la mariée a l’air enceinte. Mais l'on n'est pas pour autant dans un espace où l’intime peut se dire.

Les liens entre eux sont assez peu explicités. Charles ne parle qu’à David, son frère muet, et ses confidences sont de l’ordre de l’inaudible, une manière de le dire sans le dire.

Il faut que Gareth meure pour qu’ils s’aperçoivent que leurs amis homosexuels formaient un véritable couple; Fiona avouera presque par mégarde un amour qu’elle taît depuis toujours. Et Charles vit sa relation avec Carrie dans les coulisses des différents mariages, des chambres d’hôtels, des espaces neutres. Leur relation est au bord de la sphère publique. Et le mariage est le moment où la sphère de l’intime rejoint celle du public, où l’intimité s’institutionnalise. L’éclatement du groupe avec la disparition de Gareth accélère l’émergence d’un désir individuel.


* Trois Couleurs : Rouge , de Krystof Kieslowski , sorti en 1994, durée 88 mn
avec Irène Jacob (Valentine Dussaut), Jean-Louis Trintignant (Joseph Kern), Jean-Pierre Lorit (Auguste), Frederique Feder (Karin)
Prix Méliès du SFCC

Valentine est étudiante à Genève. Elle suit des cours de danse, et travaille comme mannequin pour pouvoir payer ses études. Son compagnon est à l'étranger, et il l'appelle régulièrement au téléphone. Un soir, au volant de sa voiture, Valentine écrase une chienne, Rita. Elle se rend aussitôt chez une vétérinaire pour soigner l'animal.
Le lendemain, Valentine se rend à l'adresse indiquée sur le collier de Rita. À l'intérieur d'une grande maison vide, un homme seul, Joseph, un juge à la retraite, qui passe son temps à écouter et espionner ses voisins, en enregistrant leurs conversations. Parmi ces voisins, Auguste, étudiant en droit et Karin son amie.

Ce film, troisième volet de la trilogie, illustre le principe de la fraternité, a priori improbable entre Valentine et le juge, qui n'ont rien pour s'entendre.
Kieslowski introduit une distance volontaire avec ses personnages, en multipliant les scènes avec téléphone ou filmées à travers une fenêtre.

A la fin du film, des séquences servent de conclusions aux deux autres films, "Bleu" et "Rouge", indiquant par là que sans fraternité, la liberté et l'égalité n'ont pas de réelles valeurs.

Biographie et filmographie complète de Krystof Kieslowski


* La Cérémonie, de Claude Chabrol, film français, allemand, durée 111mn, sorti en 1995
avec Isabelle Huppert, Sandrine Bonnaire, Jacqueline Bisset, Jean-Pierre Cassel, Virginie Ledoyen

Sophie, bonne dévouée mais analphabète et secrète, est engagée au service d'une famille bourgeoise de Saint-Malo qui ne se rend pas compte du décalage qui existe. Son amitié avec la postière, curieuse et envieuse, va déclencher le drame.
Ce film est une critique sombre de la société bourgeoise bloquée et qui accapare la connaissance et la parole. Chabrol ne prend pas partie mais décrit minutieusement ce mécanisme qui conduit à l'explosion finale.
(Explication du titre: La cérémonie désignait autrefois l'exécution des condamnés à mort)

Voir la biographie et la filmographie complète de Claude Chabrol


* Underground, d'Emir Kusturica, film franco-serbe, durée 167 mn, sorti en 1995, scénario adapté d'une pièce de théâtre de Dusan Kovacevic ; Palme d'Or Cannes 1995;
avec Miki Manojlovic(Marko), Lazar Ristovski(Blacky), Mirjana Jokovic(Natalja), Slavko Stimac(Ivan), Ernst Stötzner(Frantz), Sdran Todorovic(Jovan), Mirjana Karanovic(Vera), Milena Pavlovic(Jelena), Bora Todorovic(Golub), Davor Dujmovic(Bata)

Alors que les premières bombes allemandes tombent sur Belgrade, en avril 1941, Marko et Blacky profitent de la déroute générale pour se lancer dans une vaste entreprise de magouilles en tous genres.
Marko, le rusé, a très vite compris qu'un pays en guerre peut représenter une véritable mine d'or. Il cache alors dans la cave de son grand-père un groupe de réfugiés, auquel il fait fabriquer des armes et objets divers, aussitôt écoulés au marché noir.
En 1943, Blacky est blessé, et mis à l'abri dans la cave. Désormais libre de toute contrainte, Marko n'hésite pas à le trahir en séduisant Natalja.

En 1944, la paix revient, mais Marko fait croire aux habitants de la cave que la guerre se poursuit.
Lorsque, des décennies plus tard, ils sortent enfin, ils constatent que, oui, Marko avait raison, la guerre continue. Mais c'est désormais celle de 1991 entre les différents états nés de l'éclatement du pays.

Ce film est une fable, un rêve, un peu nostalgique, violent et poétique, coloré et sombre. Ses inventions visuelles et les rôles donnés aux animaux en font un chef œuvre baroque.

On a reproché à Kusturica de ne pas prendre clairement parti dans ce film contre les agresseurs de 1991 (les Serbes) et aussi de ridiculiser la Forpronu. Mais il ne faut pas oublier que chaque camp, dès qu'il en a eu les moyens, s'est comporté brutalement.
Underground, c'est avant tout une prise de position très claire d'Emir Kusturica contre toutes les formes de manipulation, qu'elles soient d'hier ou d'aujourd'hui, médiatiques ou politiques. Kusturica s'attaque aux politiciens de toutes bords, qui se compromettent dans toutes les formes du mensonge, ainsi qu'à leur principaux complices, les médias, qui disposent du pouvoir le plus fort, celui de distiller l'information à leur gré, et de maintenir le monde à l'état d'ignorance, dans un souterrain virtuel.

Pour mesurer la complexité de la situation yougoslave ces soixante dernières années et se garder de jugements hâtifs.


* BREAKING THE WAVES de LARS VON TRIER, sorti en 1996 , film danois, durée 2h 38mn
avec Emily Watson, Stellan Skarsgård, Katrin Cartlidge, Jean-Marc Barr
Grand Prix du jury Cannes 96, César du meilleur film étranger

Bessse se marie à Jan qui travaille sur une plate-forme pétrolière au nord de l'Ecosse. Elle prie pour qu'il revienne sain et sauf mais elle le retrouve la nuque brisée dans un accident du travail et incapable de bouger et bien sûr d'avoir désormais des relations sexuelles. Il lui demande alors d'aller avec d'autres hommes et de lui raconter les détails. Bess accède à cette demande, connaît des relations de plus en plus déviantes et dangereuses tout en culpabilisant énormément . Elle se persuade néanmoins d'agir selon les désirs de Dieu.

Au milieu de l'incompréhension de la famille , du poids de la religion rigoriste d'un village, elle tente de continuer à faire vivre cet amour, par procuration, en limite de la perversité puis ensuite par une sorte de sacrifice total.
Dans un transfert d'énergie vitale quasi-magique, il guérit à mesure qu'elle sombre.

Dans ce film, presque conforme au "Dogme95", rigoureux et tragique, Lars van Trier explore une tentative de vivre un amour fou, quand tout va bien au début, puis ensuite quand un accident grave prive le héros de toute autonomie.

(voir la biographie et la filmographie de Lars von Trier)


* The Pillow Book, de Peter Greenaway, anglo-français, sorti en 1996 , durée 126 mn, scénario de Peter Greenaway inspiré librement par les carnets de chevet (Pillow Book) de Sei Shonâgon; avec Vivian Wu ( Nagiko ) , Yoshi Oida ( L'éditeur ) , Ken Ogata ( le père ) , Hideko Yoshida ( la servante) , Ewan McGregor ( Jérome) , Judy Ongg ( la mère) , Ken Mitsuishi ( le mari ) , Yutaka Honda ( Hoki ) , Barbara Lott ( la mère de Jérome) , Miwako Kawai ( Nagiko jeune)

Nagiko fête ses quatre ans et pour célébrer sa naissance son père, calligraphe célèbre, trace sur son visage un vœu d'anniversaire. Alors que cette journée heureuse tire à sa fin, la mère de Nagiko lui lit les Notes de chevet (Pillow Book) de Sei Shonâgon, une dame de la cour ayant vécu au 10ème siècle. C'est pendant cette lecture que la fillette entrevoit par l'interstice des panneaux de papier une relation homosexuelle et peut-être interéssée entre son père et son éditeur.

Bien des années plus tard, Nagiko entreprend à son tour d'écrire ses propres notes de chevet. Après un mariage raté, un incendie, elle se lance à la poursuite de l'amant-calligraphe idéal qui usera de son corps tout entier en lieu et place de papier. Après bien des échecs, elle rencontre finalement Jérôme, un traducteur d'origine anglaise. Il la convainc d'être le pinceau plutôt que le papier.
Avec lui, à Hong Kong, elle s'épanouira tant au niveau de sa carrière d'écrivaine que de sa vie sentimentale.
Découvrant que l'éditeur de son amant anglais est le même qui exigeait autrefois des relations sexuelles à son père, elle décide de venger cet affront et envoie treize livres écrits à même la peau du corps de treize hommes.

Malheureusement, ce chantage tournera mal pour ses trois protagonistes. Le projet fonctionne trop bien. Les deux amants deviennent jaloux. Nagiko, de l'éditeur, et Jérôme, parce qu'elle écrit sur le corps d'autres hommes.
Jérome met en scène un faux suicide qui aboutit pour de bon à sa mort. La jeune femme pleure la mort de son amant et écrit un poème érotique sur son corps avant de l'enterrer. L'éditeur exhume le corps de Jérome et fait de sa peau un précieux livre de chevet.

Greenaway met en place dans le film un questionnement et une étude poussée sur le corps, sur son action médiatrice entre les êtres humains, mais également entre les signes et leur transmission.
Également lieu de la mémoire, le corps permet un voyage dans le temps, un retour dans le passé plus ou moins lointain, mais dans un désordre propre aux paradoxes qu'il renferme dans ses recoins les plus sombres.
Cette histoire explore les liens qui unissent depuis des millénaires l'écriture et la sexualité, à travers une lecture fantasmatique de l'Orient par l'Occident.
À travers l'écriture des idéogrammes, véritable art graphique, c'est un combat des diverses pulsions qui animent les personnages qui se jouent à l'écran. Brûlés ou effacés par la pluie, les signes demeurent éphémères rappelant ainsi le besoin constant d'oubli de la mémoire. Le lien intrinsèque entre le corps et la littérature demeure, pour sa part, inscrit à jamais dans la chair des personnages, soit dans les pages du livre humain de Jérôme, soit dans la peau finalement tatouée de Nagiko.

Dans les toutes premières minutes du film, une scène d'une importance majeure se déroule sous les yeux de Nagiko, il s'agit de la journée de son quatrième anniversaire. De manière générale, cette scène se découpe en deux parties, la première pendant laquelle le vœu d'anniversaire est peint sur le visage de Nagiko et la deuxième lorsqu'elle entrevoit une relation sexuelle entre son père et son éditeur.
Reprise à plusieurs moment du récit, cette scène peut aisément être qualifiée de scène primitive dans le contexte du film.
À plusieurs égards, cette scène rencontre les diverses caractéristiques de la scène primitive telle qu'élaborée par la psychanalyse. De plus, son importance quant à tout ce qui se déroulera dans la vie de Nagiko, participe également à cette définition.
Évidemment, cette scène primitive n'est pas tout à fait traditionnelle, dans la mesure où c'est l'éditeur qui joue le rôle sadique, habituellement imputé au père, et ce dernier celui de la victime, rôle tenu en temps normal par la mère. Celle-ci ne participe pas physiquement à l'acte homosexuel, mais elle y tient tout de même un rôle actif en tant que complice de ce chantage sur lequel repose la survie de la famille.
Cette scène primitive tronquée déclenche dans l'imaginaire de Nagiko un puissant désir de vengeance du père, puisqu'il est perçu en tant que victime, et une haine envers cet agresseur. Comme cet épisode traumatisant se déroule à chaque anniversaire de Nagiko, il se transforme chez elle en une obsession latente car elle ne comprend cet échange sexuel que des années plus tard. Plus qu'une simple obsession de vengeance, cette scène opère chez le personnage une association entre la littérature et la sexualité, lien renforcé par la lecture maternelle de Sei Shônagon traitant également de ce même rapport.


* FARGO de COEN Joel & Ethan, sorti en 1996, durée 98 mn, Prix de la mise en scène Cannes 1996, 2 Oscars en 1997
avec Frances MacDormand ( Marge Gunderson), William H. Macy ( Jerry Lundegaard), Steve Buscemi ( Carl Showalter), Harve Presnell ( Wade Gustafson), Peter Stormare ( Gaear Grimsrud), Kristin Rudrüd ( Jean Lundegaard), Tony Denman ( Scotty Lundegaard), Gary Houston, Sally Wingert, Kurt Schweickhardt .

En plein hiver, Jerry Lundegaard, un vendeur de voitures d'occasion à Minneapolis, endetté, a besoin d'un prêt de Wade Gustafson, son riche beau-père. Devant le refus de celui-ci, il fait appel à Carl Showalter et Gaear Grimsrud, deux petits malfrats, pour qu'ils enlèvent son épouse Jean. Il pourra ainsi partager avec les ravisseurs la rançon que Wade paiera pour la libération de sa fille.
Mais comme ce sont des amateurs les choses ne vont pas se dérouler comme prévu et vont même très mal tourner.

Marge Gunderson, femme flic, enceinte jusqu'au yeux, va enquêter et ramasser les cadavres dans cette affaire sordide inspirée d'un fait divers réél.

Les frères Coen réalisent un film qui procéde du polar, de la chronique sociale cynique d'une Amérique profonde et de l'humour noir.
Sans jamais tomber dans la caricature ni souligner leurs effets, ils nous décrivent des personnages sans envergure dépassés par leurs actes.
Les acteurs sont parfaitement choisis et dirigés (Oscar pour Frances MacDormand), les images forment une symphonie en noir, blanc et rouge

Ethan Coen commente: "Une des raisons pour rendre les personnages simplets était notre volonté d'aller contre le cliché hollywoodien du méchant comme superprofessionnel, qui contrôle tout ce qu'il fait. En fait la plupart du temps, les criminels appartiennent à des strates de la société qui ne sont pas équipés pour affronter la vie et c'est pour cela qu'ils se font prendre si souvent. En ce sens aussi notre film est davantage du coté de la vie que des conventions du cinéma et du film de genre."


* Y aura-t-il de la neige à Noël , de Sandrine Veysset; sorti en 1996, scénario de Sandrine Veysset et Antoinette de Robien ; durée 90mn ; prix Louis-Delluc 1996; avec Daniel Duval (Le Père), Dominique Reymond (La mère), Jessica Martinez (Jeanne), Alexandre Roger (Bruno), Xavier Colonna (Pierrot), Fanny Rochetin (Marie)
Un soir d’été, à la campagne, dans le sud de la France. Elle est seule. Seule avec ses sept enfants qui envahissent ses jours et ses nuits. Une vie bien remplie.
Car le temps file, sans laisser de temps, au rythme d'un labeur inlassable au cœur d'une exploitation agricole. Les fruits et légumes n'attendent pas et au moindre défaut de qualité, les produits ne se vendront pas.
Une situation familiale compliquée, injuste et presque acceptée, où les différents rôles : père, amant, ouvriers, mère, enfants, se mélangent. Le père jusqu’à l’arrivée du camion rouge, semblait ne pas exister, ne pas manquer même. Petit à petit on comprend mieux la nature du piège qui s'est installé autour de cette femme courageuse.

Les saisons défilent et Sandrine Veysset filme avec talent un rituel quotidien qui va de la terre aux enfants, des enfants à la terre. Les gestes, les mots (qui sont aussi rares que dans la vraie vie rurale), les regards, les fragments d'un bonheur aussi furtif qu'un flocon de neige à Noël, la lassitude d'un soir, et la douleur profonde, silencieuse, qui vient, comme le froid d'hiver, percer le cœur maternel.
Sandrine Veysset réalise une chronique sincère, dépouillée, émouvante, nourrie à n'en pas douter d'un souvenir personnel, la triste figure d'un père fuyant.
Mais c'est aussi un film poétique, un conte de Noël néanmoins réaliste. Car l'aspect social est tout aussi fort, et le film révèle la condition difficile des petites exploitations agricoles, l'asservissement et l'humiliation des mères célibataires surtout quand le père lointain est la clé de la survie économique du ménage et la différence flagrante de traitement entre les enfants "naturels" et légitimes.

Ridicule, de Patrice Leconte, sorti en 1996, durée : 102 min, scénario de Rémi Waterhouse, Michel Fessler et Eric Vicaut, récompensé de 4 César ( dont meilleur film) en 1997, nommé pour l' Oscar du meilleur film étranger,
avec Charles Berling (de Ponceludon), Jean Rochefort (de Bellegarde), Fanny Ardant (Madame de Blayac), Judith Godrèche (Mathilde de Bellegarde), Bernard Giraudeau(le confesseur), Bruno Zanardi.

Les terres du noble Ponceludon de Malavoy s'inondent et tranforment les champs en marais malsains. Soucieux de la santé de ses paysans et afin de pouvoir financer un complexe ouvrage hydraulique empêchant ces malheurs récurrents, le jeune noble part naïvement à Versailles pour plaider sa cause auprès du roi.
Simplement, une fois sur place, rien n'est plus difficle que d'atteindre le roi. Et pour progresser dans cette quète, il faut savoir user d'esprit. De mots d'esprits. Il faut aussi savoir séduire et satisfaire les femmes influentes.
C'est grâce à ce jeu d'apparences, ces faux semblants plus importants que les vrais sentiments, que l'on peut ouvrir toutes les portes. Après quelques premiers succès, De Malavoy l'apprendra à ses dépens, piégé par une Madame de Balyac jalouse et orgueilleuse.

Ce film, tourné au chateau de Champs sur Marne, beau et intelligent du début à la fin, a fait l'ouverture du Festival de Cannes 1996. Ridicule use d'humour et d'émotion, pour dénoncer une période de la France où l'esprit et les apparences comptaient plus que la vie des simples sujets. La fortune d'un Homme et sa réputation pouvait se faire ou se défaire sur la force d'une simple remarque.


L'affiche, en japonais

Mais la transposition à notre époque contemporaine est facile à faire. La communication et le mensonge d'Etat, les ambitions personnelles ont toujours plus d'importance que la réalité quotidienne. Le prestige éphémère se vend mieux que les efforts obscurs pour rendre un monde meilleur.


* ON CONNAIT LA CHANSON de Alain RESNAIS, sorti en 1997
avec Sabine Azema, Agnès Jaoui, André Dussolier, Jean-Pierre Bacri, Pierre Arditi, Lambert Wilson

plus de détails sur ce film


* Marius et Jeannette de Robert Guédiguian, sorti en 1997, prix Louis-Delluc 1997, durée 105 mn, scénario de Robert Guédiguian et Jean-Louis Milesi, avec Ariane Ascaride (Jeannette), Gérard Meylan(Marius), Pascale Roberts (Caroline), Jacques Boudet (Justin), Frédérique Bonnal, Jean-Pierre Darroussin (Dédé), Laëtitia Pesenti.

Marius vit seul dans une immense cimenterie désaffectée qui domine le quartier. Il est le gardien de cette usine en démolition. Jeannette élève, seule, ses deux enfants avec un maigre salaire de caissière.
Elle habite une minuscule maison ouverte sur une courette typique du quartier de l'Estaque à Marseille. Ses voisins de cour, Caroline et Justin, Monique et Dédé, l'encouragent avec force éclats de rire et coups de gueule. La rencontre de Marius et de Jeannette ne sera pas simple car, outre les difficultés inhérentes à leur situation sociale précaire, ils ont été échaudés par leur expérience passée. Le film décrit la renaissance de leur capacité à être heureux.
Ce film est un mélange de réalisme social et de conte de fées moderne, qui se termine bien, comme tous les contes de fées.

A travers des conversations à batons rompus, d'autres thèmes sont abordés comme l'engagement politique dans le parti communiste, avec ses espoirs et ses limites, et de bien d'autres, de Le Pen à Dieu, en passant par les camps de concentration et la futilité du capitalisme.

Après plusieurs films confidentiels, Guédiguian, toujours fidéle à son équipe de comédiens et sa banlieu de Marseille, est enfin présenté à Cannes et connait un fort succés populaire.


* LE CINQUIEME ELEMENT de Luc BESSON, sorti en 1997, scénario Luc Besson et Robert Mark Kamen, musique de Eric Serra, durée 126 mn.
avec Bruce Willis(Korben Dallas),Milla Jovovich (Leeloo), Gary Oldman (Zorg), Ian Holm (Cornelius), Chris Tucker (Ruby Rhod), Luke Perry (Billy), Brion James (Général Munro ), Tommy Lister (Président Lindberg),Charlie Creed-Miles (David), Mathieu Kassovitz (L'agresseur ), Tricky (Le bras droit), Maïwenn (La cantatrice), John Neville (Général Staedert)

En 1914, dans un temple égyptien, un explorateur découvre (Lumière Aziz!), un mystérieux sanctuaire où est mentionné un certain cinquième élément comme étant l'arme définitive dans la lutte contre le mal. Mais les gardiens, d'étranges et monstrueux extraterrestres, les Mondoshawans, surviennent, et emportent avec eux les pierres figurant les quatre autres.
A New York, trois cents ans plus tard, l'intérêt de retrouver le fameux cinquième élément se fait pressant afin d'éviter la collision fatale entre la Terre et une monstrueuse comète figurant le Mal qui non seulement résiste, mais en plus se nourrit des missiles qu'on lui envoie.
L’un des conseillers du Président, le père Cornelius, actuel dépositaire terrien du secret, affirme que le seul recours est détenu par les Mondoshawan. Mais le vaisseau de ces derniers est détruit par des chasseurs inconnus. Seule y survit un lambeau de chair qui, récupéré par les militaires, permet la synthése d'une superbe jeune femme rousse, Leeloo.
Celle-ci s’échappe du QG avant de chuter sur le taxi de Korben Dallas qui, comme tous les autres nombreux véhicules, se déplace dans l’espace aérien de la cité.
K orben, ancien agent des forces de sécurité, l’aide à fuir ses poursuivants et la conduit chez le père Cornelius, qui reconnaît en elle... le cinquième élément.
Tous trois vont devoir retrouver une mallette contenant quatre pierres qui ont été volées par les hideux Mangalores pour le compte du puissant Zorg, incarnation du Mal.


Un scénario très riche, des rebondissements constants et des inventions nombreuses sont soutenus par des acteurs remarquables et des effets spéciaux bien dosés. Ce superbe film de science-fiction est servi par un humour et une distanciation qui le distingue de ses homologues américains.


* Hana-Bi (feux d'artifice) de Takeshi Kitano, film japonais , sorti en 1997, durée 103 mn, avec Takeshi Kitano (Nishi), Kayoko Kishimoto (Miyuki), Ren Osuki (Horibe); Lion d'Or de la Mostra de Venise en 1997

L'inspecteur Nishi traverse une mauvaise passe. Miyuki, sa femme atteinte d'un cancer, est condamnée; par sa faute, son collègue et ami Horibe a été gravement blessé au cours d'une fusillade et ne peut plus marcher.
Rongé par un sentiment de culpabilité, Nishi quitte la police et son univers de violence. Sans argent pour faire soigner sa femme et pour aider Horibe, il emprunte à des yakuzas (maffia japonaise).
Incapable de les rembourser, il braque une banque. Avec le butin, il s'acquitte de sa dette, offre du matériel de peintre amateur à Horibe et emmène Miyuki en voyage, le dernier sans doute.
Il aura, en chemin, à se débarrasser des yakuzas qui le poursuivent pour exiger les intérêts de sa dette. Mais il sera rattrapé par ses anciens collègues lancés à ses trousses pour l'inculper du hold-up. Il leur demande un ultime sursis; il veut dire au revoir à sa femme qui l'attend sur la plage. Il s'assoit près d'elle. La caméra se détourne vers la mer. On entend deux coups de feu.

Hana-bi a consacré Takeshi Kitano (né en 1948) à la Mostra de Venise où il remporta le Lion d'or. Acteur dans la plupart de ses films, il promène avec une apparente nonchalance une silhouette ramassée et un visage imperturbable, traversé de tics depuis un grave accident de moto et dont le regard se cache souvent derrière des lunettes noires.

Homme-orchestre qui doit sa popularité, au Japon, à ses apparitions comiques sur scène et à la télévision, Kitano est aussi romancier et peintre. Un grand nombre de ses dessins, naïfs, peuplés d'animaux fantastiques à tête de fleur, reviennent en leitmotiv dans Hana-bi et ponctuent les instants de calme, de mélancolie et de bonheur au couple Miyuki-Nishi.

En japonais Hana-bi c'est le feu d'artifice, ici la fin d'une vie, mais aussi Hana la fleur qui représente la beauté et Bi, le feu, qui consumme tout.


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