Mamoru Oshii ( 守 押井 )


cinéaste japonais

(biographie) (filmographie) (quelques films)

(Tokyo 8 / 8 / 1951 - )


Biographie

Cinéaste japonais, Mamoru Oshii ( · ·· ) né en 1951 à Tokyo alterne les films d'animation et les films de science-fiction avec acteurs.

Durant ses études, Mamoru Oshii est fasciné par le film La Jetée de Chris Marker ainsi que par les films de Andrzej Wajda, Jerzy Kawalerowicz, Andrzej Munk et Ingmar Bergman. Il est très marqué par l'un de ses professeurs, M. Aramaka, qui inspira un des personnages de Patlabor. Celui-ci avait une très grande culture cinématographique et un grand esprit critique mais était peu apprécié des autres étudiants. Il sort diplômé en 1976 de The Fine Arts Education School of the Education Department of Tokyo Liberal Arts University (Tokyo gakugei daigaku). Il entre l'année suivante à Tatsunoko Productions et travaille comme réalisateur sur son premier film d'animation Ippatsu Kanta-kun.

En 1980, il part au Studio Pierrot sous la supervision de son mentor Hisayuki Toriumi. Durant la production de Nils no fushigi na tabi et des série télévisées Kagaku ninja-tai Gatchaman II, il rencontre ses futurs collaborateurs, le scénariste Kazunori Ito et le dessinateur Yoshitaka Amano. Le travail de Mamoru Oshii sur la série télévisuelle Urusei Yatsura le place sous les projecteurs. Il réalise deux longs métrages à partir de la série, Urusei Yatsura: Only You en 1983 et Urusei Yatsura 2: Beautiful Dreamer en 1984. Si le premier film est directement adapté de la série, le second s'en détache largement et est un des premiers exemples du style de Mamoru Oshii. Il s'était tant écarté de l'histoire originale que le créateur du manga original Rumiko Takahashi avait difficilement accepté le scénario.

Alors qu'il travaille pour Studio Pierrot, Oshii réalise en indépendant la première série direct-to-video Dallos, en 1983. Il quitte le studio Pierrot en 1984 et travaille depuis toujours en indépendant. Il réalise alors L'Œuf de l'ange (Tenshi no tamago), un film aux thèmes bibliques avec des personnages dessinés par Yoshitaka Amano. Le producteur du film Toshio Suzuki fondera plus tard le célèbre Studio Ghibli. Après la sortie du film, Miyazaki et Takahata collaborent avec Oshii sur son film suivant Anchor. Le projet est rapidement annulé pour désaccord artistique dans le trio.

Malgré leurs différences, Toshio Suzuki et le Studio Ghibli participeront vingt ans plus tard à la production d' Innocence : Ghost in the Shell 2. Les réalisateurs sont toutefois restés respectueux mais sceptiques vis à vis du travail des autres, Oshii critiquant le côté idéaliste des films de Miyazaki, celui-ci reprochant au premier de ne pas chercher assez le divertissement. À la fin des années 1980, Oshii est sollicité par son ami Kazunori Ito pour rejoindre Headgear en tant que réalisateur. Headgear était un collectif de professionnels cherchant à promouvoir les travaux des membres et à nouer des contacts avec les producteurs.

L'équipe comprenait les talents des scénaristes Kazunori Ito et Masami Yu-ki, du compositeur Kenji Kawai, du designer Yutaka Izubuchi, des réalisateurs d'anime Kazuchika Kise et Hiromasa Ogura et du concepteur de personnages Akemi Tadaka. Ils ont conçu ensemble Police Patlabor OVA en 1988, Twilight Q Episode 2: Meikyu Bukken File 538 en 1987, The Patlabor: The Movie en 1989, et Patlabor 2: The Movie en 1993. Réalisés en pleine crise économique japonaise, la série et les films Patlabor montrent un futur proche où la crise sociale et les défis écologiques ont été résolus grâce à la technologie.

À cette époque, Oshii réalise trois films où il met en scène l'acteur Shigeru Chiba. Il commence par The Red Spectacles, en 1987, qui est un film noir faisant explicitement référence à La Jetée, (1962) de Chris Marker, bien avant L'Armée des 12 Singes (1995) de Terry Gilliam, et où il cite aussi bien de grands auteurs dont William Shakespeare et Alexandre Pouchkine que des chanteurs populaires comme Kenji Suzuki à la manière d'un Jean-Luc Godard pour lequel Oshii ne cache ni son admiration, ni son inspiration. Il poursuit en 1991 avec Stray Dogs: Kerberos Panzer Cops mêlant action, comédie et contemplation à la Patlabor The Movie 2. Il tourne enfin Talking Head en 1992, un film policier surréaliste largement expérimental. En 1995, Mamoru Oshii réalise l'anime cyberpunk Ghost in the Shell qui marque durablement l'animation et le rend célèbre au Japon, aux États-Unis et en Europe.

Après cinq ans où il travaille sur d'autres projets, Oshii retourne à la réalisation avec son très attendu film nippo-polonais Avalon qui est montré au Festival de Cannes en 2001. Son dernier film Innocence: Ghost in the Shell a été le premier film d'animation sélectionné pour concourir pour la Palme d'Or à Cannes.

Les films de Mamoru Oshii sont généralement composés de scènes lentes rythmées par quelques scènes d'action rapides. On retrouve régulièrement des groupes d'oiseaux et un basset notamment dans Ghost in the Shell 2 et Avalon. Oshii a profondément transformé les mangas qu'il adaptait en créant une atmosphère lente et méditative. Ainsi dans Ghost in the Shell, il a supprimé l'humour présent dans le manga de Masamune Shirow.

Oshii a également écrit et réalisé des animes et films à partir de sa vision personnelle du monde, influencée par le mouvement étudiant ANPO Hantai des années 1960 et 1970 qui s'opposait au traité de sécurité conclu entre les États-Unis et le Japon. Le mouvement périclitait quand il s'y engagea, ce qui a certainement rendu Oshii plus cynique que d'anciens membres du mouvement comme Hayao Miyazaki et Isao Takahata.

Son premier film politique est Akai Megane ("Lunettes Rouges" en français) où il dépeint un Japon en proie au totalitarisme et à la corruption dans les années 1990. Le style particulier d'Oshii a été imité par des réalisateurs nord-américains, notamment les frères Wachowski pour leur film SF au succès international The Matrix en 1999. De leur aveu même, les Wachowski ont présenté leur projet au producteur Joey Silver comme « un Ghost in the Shell version live », c’est-à-dire passé de l'animation à un film avec des acteurs en chair et en os. Ainsi, The Matrix contient plusieurs scènes entières, y compris le célèbre générique d'ouverture, renvoyant directement au Ghost in the Shell de Mamoru Oshii. Un autre réalisateur de science-fiction nord-américain, James Cameron (The Terminator & Terminator 2: Judgement Day), ne cache pas son admiration pour les "excellents" films de Mamoru Oshii qu'il qualifie d'"œuvres visionnaires".


Filmographie :

Cinéma d'animation

Cinéma d'acteurs


Quelques films en détail

Inosensu (イノセンス) encore appelé Ghost in the Shell 2, réalisation et scénario de Mamoru Oshii , studio : Production I.G , design des personnages : Hiroyuki Okiura ; usique originale : Kenji Kawai , durée : 99 minutes , dates de sortie : 6 mars 2004 (Japon) 20 mai 2004 (premier film d'animation japonais en compétition officielle à Cannes)

Ce film est plus une extrapolation qu'une suite de Ghost in the Shell (1995 Kōkaku kidōtai, 攻殻機動隊)

Batou est un cyborg vivant, véritable Rambo androïde, appartenant à l'unité d'élite de la section 9 (anti-terrorisme) œuvrant pour le gouvernement. Il ne peut se défaire du souvenir d'une femme cyborg qu'il a jadis aimée, le major Motoko Kusanagi, disparue dans la matrice, le réseau des réseaux. Épaulé par son partenaire humain Togusa, il va lui falloir déjouer un complot cybernétique. Des gynoïdes (androïdes à apparence féminine), servant à assouvir les plaisirs sexuels humains, avatars cybernétiques des poupées gonflables, massacrent leurs acquéreurs avant de s'autodédruire.

Batou est accompagné de la pensée (du ghost) du major Kusanagi, son ange gardien comme il dit ; ou plutôt de l'être issu de la fusion de la conscience du major et du Puppet Master, un programme informatique (connu sous le nom de « projet 2501 ») et agent intelligent autonome né de l'océan de l'information, susceptible de s'incarner dans un corps et qui a échappé à ses concepteurs.

Batou et Togusa vont alors enquêter dans des milieux terroristes et mafieux pour découvrir qui tire les ficelles et manipule les esprits, afin de connaître le secret de fabrication et le principe vital qui anime ces gynoïdes tueuses. Ils vont se retrouver dans une espèce de musée de l'automate, ou autrement dit un muséum de la « vie artificielle », pendant du muséum d'histoire naturelle de Ghost in the Shell. Il va finalement découvrir le secret sur un bateau surarmé qui croise au large dans les eaux internationales et qui sert d'usine de fabrication, en pénétrant grâce à son ange gardien le système informatique surprotégé.

Le nom de l'usine impliquée dans ce complot est « Locus Solus », en référence au titre d'un livre de l'écrivain français Raymond Roussel. Un autre de ses livres s'appelle L'étoile au front, ce qui n'est pas sans rappeler le mythe du Golem, qu'une formule inscrite sur le front permet d'animer. Il en est justement question dans ce film. L'Ève future de Mathias Villiers de l'Isle-Adam, les poupées d'Hans Bellmer et les automates de Vaucanson sont évoqués, comme l'est aussi le souci de l'humain de fabriquer une créature à son image se prenant pour un dieu.

Roussel est un inspirateur de l'Oulipo (fondé par Raymond Queneau), et l'on peut se demander si Mamoru Oshii ne pratique pas une sorte d'Oucipo, une des variantes cinématograpique de l'Oulipo, dans une des séquences qui reprend l'histoire, à partir d'un instant précédent, selon des variantes différentes. Cette séquence montre des hallucinations de Togusa connecté à une machine et qui revit des évènements selon des combinaisons différentes. Délivré de cette simulation ou jeu par Batou, celui-ci nous dit qu'il s'est perdu dans les labyrinthes de son esprit. Il est question ici de virtualité et de réalité et de sa perception.

Ce thème était déjà présent dans le film Avalon du même réalisateur qui explorait l'univers du jeu en ligne. Un Oulipien se définit lui même par l'expression suivante : c'est « un rat qui construit lui-même le labyrinthe dont il se propose de sortir ». Ces dernières remarques ne résument pas toute la richesse et la complexité du film, qui reprend les thèmes abordés lors du premier épisode, comme la réalité, l'arbre de l'évolution, la course aux armements, la mémoire, la conscience ou le reflet de son image dans un miroir, mais y rajoute des préoccupations sur les états d'âmes des cyborgs et poupées ou autres pantins et marionnettes qui se sentent rejetés après usage et obsolescence par leurs utilisateurs humains.

Les rapports ambigus entre humains, cyborgs ou jouets et animaux sont abordés, le même chien (un basset hound si cher à l'auteur) que dans Avalon est très présent

Servi par des images et un graphisme remarquables et des techniques numériques mélangeant avec finesse l'animation 2D traditionnelle avec les plus récentes technologies 3D, ainsi que par l'entraînante et remarquable musique du compositeur Kenji Kawai, ce film apparaît plus sombre, plus épiméthéen et plus désenchanté vis à vis des promesses prométhéennes de la technique ou de l'évolution de la conscience qu'avait suscité son illustre prédécesseur, Ghost in the Shell.

Mamoru Oshii fait implicitement référence à Jean-Luc Godard en indiquant qu'il a voulu mêler images et références culturelles pour accroître la richesse des interprétations laissées au spectateur. L'innocence est-elle en définitive représentée par les poupées, les enfants ou les animaux ? Sûrement les trois nous suggère Mamoru Oshii pour qui l'esprit humain imprègne jusqu'à nos objets les plus intimes.

 

Portail Japon .... . . . . . . . Plus de cinéma

Des remarques! des questions? pour me joindre