Éric Rohmer

Cinéaste français, né à Tulle le 21/3/1920 - mort le 11/1/2010 à Paris (biographie) , (filmographie)


Éric Rohmer (de son vrai nom Maurice Henri Joseph Schérer , fils de Désiré Scherer et de Jeanne Monzat.) est né le 21 mars 1920 à Tulle (Corrèze). Il est le frère du philosophe René Schérer
Il est d'abord professeur de lettres et écrivain. Il publie un roman, Élisabeth, en 1946, sous le pseudonyme de Gilbert Cordier.
Réservé, secret, à partir de 1948, il se tourne de plus en plus vers le cinéma, mais n'abandonne jamais l'écriture. Il prend alors le pseudonyme de Éric Rohmer, pour cacher à sa famille ses activités de cinéaste!
Il rédige des critiques pour le journal qu'il a fondé, La Gazette du cinéma, et pour les Cahiers du cinéma ; une thèse sur L'organisation de l'espace dans le Faust de Murnau, et plus récemment, une pièce, Le Trio en mi bémol, et un essai, De Mozart en Beethoven, essai sur la notion de profondeur en musique.

Quand il fonde La Gazette du cinéma , il fait la connaissance de Jean-Luc Godard, Jacques Rivette, François Truffaut, ou encore de Claude Chabrol - avec lequel il signe en 1955 un livre sur Alfred Hitchcock.
Ce groupe se dirige d'abord vers la critique, au sein des Cahiers du Cinéma, dont Rohmer devient rédacteur en chef de 1957 à 1963.
Ses réalisateurs favoris ont alors Howard Hawks , Jean Renoir, ou encore Roberto_Rossellini. Ces textes seront réunis en 1994 sous le titre: Le Goût de la beauté
Ils vont rapidement fonder ce qui deviendra "la Nouvelle Vague"

Très tôt, Rohmer cherche à passer à la réalisation et réalise au cours des années 1950 de nombreux courts métrages : le Journal d'un scélérat en 1950, Présentation ou Charlotte et son steak en 1951 (avec Jean-Luc Godard), Les Petites Filles modèles en 1952, Bérénice en 1954 et La Sonate à Kreutzer (avec Jean-Luc Godard et Jean-Claude Brialy) en 1956. Présentation ou Charlotte et son steak, tourné en 1950, n'est sonorisé qu'en 1960 avec les voix d'Anna Karina, Jean-Luc Godard et Stéphane Audran. En 1958, il tourne Véronique et son cancre dans l'appartement de Chabrol. Il écrit aussi le scénario de Tous les garçons s'appellent Patrick, un court métrage réalisé par Jean-Luc Godard en 1958.

En 1959 il réalise son premier long-métrage, Le Signe du lion, sorti sans grand succès trois ans plus tard. En 1962, il crée avec Barbet Schroeder, la société Les Films du Losange, qui produira la majorité de ses films.
La même année, il entame un cycle de six films baptisé Contes Moraux.
En six films, il parcourt toute la gamme du sentiment amoureux, de l'austérité de La Boulangère de Monceau à la sensualité radieuse du Genou de Claire, de l'amertume de Ma nuit chez Maud au parfum de vaudeville de L'Amour l'après-midi.
Ce sont des intrigues sentimentales sur des thèmes chers au cinéaste (la tentation de l'infidélité, l'amour et le hasard, le destin) ainsi que le style qui fera sa marque, entre profondeur raffinement et légèreté. Les dialogues sont souvent sophistiqués et très littéraires.
Sa direction d'acteur est assez épurée et sa mise en scène simple et efficace.
Ma nuit chez Maud (1969), et Le Genou de Claire (1970, Prix Louis-Delluc) sont particulièrement remarqués.
Pendant cette aventure qui dure dix ans ( jusqu'en 1972), Rohmer réalise des émissions littéraires pour la télévision. La série s'intitule «En profil dans le texte», et l'on s'y intéresse à Hugo, Pascal ou La Bruyère. Eric Rohmer apparait rarement à l'écran, mais il fait une exception en 1971 pour Out 1 : Noli me tangere de Jacques Rivette

Les Comédies et Proverbes forment le deuxième grand cycle, où chaque film illustre à sa manière une phrase tirée de la sagesse populaire. Les Contes moraux se caractérisent par leur unité thématique : un homme à la recherche d'une femme en rencontre une autre et hésite avant de finalement revenir à la première. Dans La Boulangère de Monceau, le narrateur aborde une jeune femme qui lui plaît puis constatant son absence, commence à séduire la boulangère, mais quand la jeune femme réapparaît, il abandonne la boulangère. Dans La Carrière de Suzanne, Bertrand, amoureux de Sophie, hésite à lui préférer Suzanne. Dans Ma Nuit chez Maud, Jean-Louis, amoureux de Françoise, blonde et catholique, est tenté par Maud, brune et franc-maçonne mais choisit finalement de se marier à Françoise. Dans La Collectionneuse, Adrien, tenté par Haydée, décide finalement de rejoindre sa petite amie à Londres. Dans L'Amour l'après-midi, Frédéric, marié à Hélène, est tenté par Chloé mais au dernier moment il se ravise et rentre chez lui retrouver sa femme. Les films de cette série sont tous centrés sur un personnage masculin qui est tenté de déroger à ses principes mais, à chaque fois, c'est plus par hasard que par sa volonté qu'il finit par adopter un comportement conforme à ses principes. Pour Rohmer, l'expression « conte moral » doit être entendue au sens littéraire du terme : « Du point de vue de la littérature, le moraliste est celui qui autrefois étudiait les mœurs et les caractères. Entrevus sous cet angle, mes films traitent de certains états d'âme. Mes Contes moraux sont l'histoire de personnages qui aiment bien analyser leurs pensées et leurs états d'esprit. »
Dans cette série, Le Rayon vert (1986), film en partie improvisé, obtient le Lion d'Or à Venise.

Parallèlement à son travail de cinéaste, Rohmer poursuit une réflexion théorique sur le cinéma et soutient en 1972 une thèse de troisième cycle à l'université Paris-1 Panthéon-Sorbonne sur L'Organisation de l'espace dans le Faust de Murnau. La thèse est publiée en 1977. Il fait aussi une apparition en tant qu'acteur dans le film de Jacques Rivette Out 1 : Noli me tangere (1971). Il y joue le rôle d'un spécialiste de l'œuvre d'Honoré de Balzac qui aide le personnage de Colin (Jean-Pierre Léaud) à interpréter l'Histoire des Treize. Il revient à la télévision en 1973 pour tourner quatre émissions sur les villes nouvelles. L'intérêt de Rohmer pour cet urbanisme se retrouve ensuite dans ses films de fiction : il filme Marne-la-Vallée dans les Nuits de la pleine lune et Cergy-Pontoise dans l'Ami de mon amie.
En 1976, Éric Rohmer réalise une première adaptation d'une œuvre littéraire au cinéma avec La Marquise d'O... d'après Heinrich von Kleist. Pour l'univers pictural du film, il s'inspire de l'esthétique du romantisme allemand et notamment de Johann Heinrich Füssli et Caspar David Friedrich.

Les années 90 sont marqués par les Contes des quatre saisons, dans lesquels le cinéaste poursuit son exploration des jeux et des hasards amoureux. Ces films traitent en partie du même sujet : celui des relations amoureuses et amicales, traitées d'un point de vue philosophique. Dialogues en langage soutenu et caméra « nouvelle-vaguiste », comme dans les autres films de Rohmer, sont aussi des points communs entre ces films.
Simultanément, il réalise des films hors de ses séries, comme les Quatre Aventures de Reinette et Mirabelle (1987).

Rohmer est un exemple parfait du cinéma d'auteur à la française, en écrivant seul ses scénarios, qu'il soient originaux ou adaptés œuvres littéraires comme La Marquise d'O (1976) ou Perceval le Gallois (1978).
Il choisit souvent de jeunes comédiens inconnus, mais fait aussi appel à des acteurs confirmés, comme Jean-Louis Trintignant (Ma nuit chez Maud, 1969) ou André Dussollier (Le Beau Mariage, 1982)
Éric Rohmer a révélé Arielle Dombasle, Pascal Greggory et Fabrice Luchini, qui sont devenus de grands acteurs du cinéma français.

Rohmer est toujous resté très discret sur sa vie privée. Marié en 1957 à Thérèse Barbet, il a un fils, le journaliste René Monzat.
Éric Rohmer est mort le 11 janvier 2010, à Paris


Regard critique sur quelques (fausses) idées reçues

Première idée reçue : Les films de Rohmer sont d’aimables chroniques des modes de leur époque.
Cette apparence de chronique nonchalamment filmée au fil des jours participe de la grande élégance des films de Rohmer. Mais ce sentiment que l’on peut avoir d’être embarqué sur une rivière dont le cours imprévisible est livré aux aléas et à la contingence du paysage traversé, de la météorologie, des humeurs du pilote, des courants imprévisibles, cache la plus rigoureuse des géométries et une structure sans failles. C’est que Rohmer, comme Renoir, pense que ce qui importe vraiment dans un film, ce sont les détails concrets et la ligne générale abstraite, mais surtout pas la gestion de la zone intermédiaire où s’enlisent tant de cinéastes moyens, zone où ceux-ci ne filment ni vraiment le monde ni vraiment l’idée mais une sorte de fade compromis entre les deux.
Pour Rohmer la réalité précise des détails et du visible doit toujours cacher une ligne générale rigoureuse, pour lui, mais qui n’a pas besoin d’être énoncée ni visible. Je ne sais plus qui écrivait, sans doute Pessoa, que personne n’est amoureux du squelette de sa dulcinée, même si sa beauté dépend de ce squelette. Rohmer nous donne à goûter la singularité de surface des choses et des êtres qu’il filme, le velouté de leur épiderme, la fugacité des apparences, la fragilité de leurs voix, et prend le plus grand soin de nous cacher le squelette qui les fait tenir fermement debout. Loin d’être un pur reflet de l’écume des jours, et de ce fait périmables comme les modes, les films de Rohmer apparaîtront de plus en plus comme ce qu’ils sont : des oeuvres classiques, charpentées avec une rigueur et une solidité à toute épreuve, qui leur permettront de résister au temps et de trouver une place solide dans l’histoire du cinéma.

Deuxième idée reçue : Les films de Rohmer, ce sont des petits bourgeois intellos qui se regardent le nombril.
Il est vrai que les personnages de Rohmer sont des gens portés sur l’auto analyse, plutôt bavards en général, et que leur vie sociale leur laisse le loisir de se livrer aux jeux de l’amour et du hasard. Mais ses films ne sont jamais complices de leur auto-complaisance. Rohmer est un moraliste, c’est-à-dire quelqu’un qui a toujours du recul critique sur ses personnages. Il filme en même temps le personnage qui se complaît dans l’image leurrée qu’il se fait de lui-même et ce qui lui échappe, ce qu’il ne peut contrôler de ses gestes, de sa voix, de ses regards, de ses postures.
L’art de Rohmer, son humour, sa lucidité, sa subtilité, tiennent dans cet écart entre le moi imaginaire dont se gargarisent ses personnages et tout ce que sa caméra enregistre d’indices où se lit, pour qui sait voir et entendre, une vérité sur eux-mêmes dont ils n’ont pas conscience. Cet écart exige un spectateur attentif, en alerte, sensible aux moindres détails de comportement corporel qui trahissent comme des symptômes les mensonges qu’ils se font à eux-mêmes et auxquels d’ailleurs ils croient vraiment. Cet écart n’existerait pas sans un art de l’acteur, où Rohmer excelle, qui consiste à les mettre en condition et en confiance pour qu’ils croient à leurs personnages tout en laissant la réalité de leurs corps abandonner quelque chose de la pure maîtrise et de l’autocontrôle. Rohmer ne fait jamais de « direction d’acteurs » au sens autoritaire de cette expression. Il prend tout son temps pour les mettre en condition de lui donner le jeu et le personnage qu’il attend d’eux, mais aussi pour qu’ils se laissent prendre par la caméra ce qui leur échappe, dont il a tout autant besoin pour son film. Cette part moins contrôlée, qui est la part du vivant de chaque prise, il a su en voir en amont le potentiel par l’observation lente de ce que ses acteurs sont dans la vie.
Pour qu’elle surgisse pendant le tournage, il y faut une relation de confiance et d’abandon que Rohmer a toujours excellé à créer avec ses comédiens, relation déjà acquise au moment des prises, où tout a l’air de se passer par télépathie et contagion, dans le non-dit, sans direction visible d’acteur . Les films qui s’en tiennent au pur registre de l’imaginaire peuvent être agréables, voire réussis mais sont condamnés à rester des oeuvres mineures, à évaporation rapide. L’imaginaire seul n’a jamais suffi à faire un grand film.
Les films de Rohmer n’en restent jamais à ce stade inférieur, dont se contentent les petits maîtres du cinéma de l’imaginaire. Il crée un personnage qui croit avancer librement dans le monde, prisonnier de son imaginaire et qui va rencontrer sur son chemin, au moment où il s’y attend le moins, son « point de réel », ce moment où quelque chose vient l’atteindre de l’extérieur (le Rayon vert, l’aveu de l’homme délaissé qui en aime une autre, une voiture qui klaxonne et oblige le personnage à démarrer) et déchirer en une seconde les leurres de l’imaginaire pour l’ouvrir à sa propre vérité par une sorte de coup de théâtre dans la conscience qu’il a de lui-même.

Troisième idée reçue : les films de Rohmer se ressemblent tous.
Il y a pourtant peu de cinéastes qui ont balayé un spectre aussi large du cinéma. Films contemporains, films historiques, adaptations littéraires, films écrits au millimètre, films improvisés sans scénario, films de studios, films tournés en pleine nature, films d’intérieurs, films parisiens et films de province.
Alors qu’il a fait partie de la génération des Cahiers du cinéma qui a inventé la notion d’auteur, il a expérimenté d’autresmodes de création au cinéma où le cinéaste choisirait de partager son film, dans une certaine mesure, avec ses acteurs, ses techniciens. Il est allé parfois jusqu’à s’effacer comme auteur pour laisser ses proches collaborateurs, ses actrices, réaliser des films, dont il était l’ange tutélaire, en les signant comme technicien.
Ce qui peut donner cette impression que les films de Rohmer se ressemblent, c’est que l’on y retrouve, en deçà de leurs différences, un ton, une petite musique qui fonctionnent comme un ticket magique pour un univers qui est le sien, un univers de douceur, d’intelligence et de vraie légèreté. Cette légèreté est celle des gens qui sont capables de dépasser le poids des idées et de la culture dont ils sont riches pour retrouver la grâce d’une innocence seconde, d’autant plus émouvante qu’elle est gagnée sur la pesanteur qui leste tant d’intelligences. Cette légèreté est souvent gaieté innocente. Peu de films ont autant de vraie fraîcheur du regard que ceux de Rohmer. Une des plus grandes qualités de son cinéma est l’attention aux petites choses, que les scénarios plus lourds des autres cinéastes écrasent souvent par souci d’efficacité. Rohmer est un gourmet, lorsqu’il déguste la grâce de deux jeunes filles, la lumière du soir dans la campagne, la beauté des mots et la subtilité d’une émotion ténue.

Quatrième idée reçue : Rohmer est un cinéaste « littéraire » pour qui les dialogues sont plus importants que la mise en scène.
Ce serait confondre la mise en scène avec les effets de mise en scène qui lui ont toujours fait à juste titre horreur. La plus belle des mises en scène, à ses yeux, était celle qui avait l’élégance et la discrétion de ne pas être voyante, ni même visible. S’il a été dans son époque Cahiers un grand défenseur du cinéma de Howard Hawks, c’est en partie pour cette qualité non ostentatoire d’une mise en scène qui semble toujours couler de source, ne demander aucun effort particulier. Rien n’est plus éloigné de la morale esthétique de Rohmer qu’un cinéma qui montre ses muscles pour dire au spectateur : regardez ce que je sais faire et combien c’est difficile. Mais le manque d’attention des spectateurs d’aujourd’hui est tel que le risque est de plus en plus grand de les voir confondre cette discrétion classique avec une absence de mise en scène.
La mise en scène n’est pas forcément affaire de mouvements de caméra ostentatoires ni de montage exhibé. Rohmer a toujours oscillé entre des films à langage cinématographique articulé et assumé (le découpage, les champs contrechamps) et des films où il cherchait à retrouver quelque chose de plus natif, de plus primitif, où il avait besoin de revenir à un cinéma plus instinctif, plus amateur au bon sens du terme. En grand connaisseur du cinéma classique, il en maîtrisait parfaitement le langage, mais il savait aussi que le langage cinématographique, s’il permet de raconter plus rapidement et plus efficacement, finit vite par dévorer ce qui constituait à ses yeux l’essence même du cinéma: la présence des choses, des gestes, des voix, des variations de lumières et de couleurs.

Cinquième idée reçue : Rohmer est un cinéaste du faux.
Quand on entre dans un de ses films, on peut avoir l’impression au cours des premières minutes que les acteurs parlent faux, que leur ton est affecté et que cette façon de jouer et de parler n’est pas « naturelle ». C’est précisément le faux « naturel » des films ordinaires qu’il a toujours voulu fuir comme la peste.
Le vrai réalisme, à ses yeux, était incompatible avec le naturalisme qui empoisonne le cinéma français. Il était convaincu que les cinéastes standard ont perdu la capacité d’attention à l’importance du langage et des mots et se contentent d’imiter le langage stéréotypé des autres films. Le cinéma, pour Rohmer, ne devait jamais partir du cinéma mais toujours de la réalité et de sa propre musique intérieure. Si l’on écoute bien ses films, on s’aperçoit qu’il met en place une partition de voix, de mots, ressemblant à aucune autre.
Au bout de quelques minutes, quand l’on a congédié en soi les codes naturalistes des autres films, les instruments donnent soudain l’impression d’être harmonieusement accordés et ce que l’on avait perçu au début comme faux devient la délicieuse musique rohmérienne que l’on a du mal à quitter quand le film s’arrête.
Toutes les voix des acteurs de Rohmer sont choisies contre la pseudo-justesse des autres films mais pour leur capacité à s’harmoniser dans une harmonie qui est la sienne, unique. Le cinéma de Rohmer permet spectateur, actuellement bien malmené par un cinéma qui lui laisse de moins en moins le loisir d’être attentif, de profiter à chaque instant de ce qui lui est offert par le film, de goûter le film tout en partageant les plaisirs du cinéaste en train de le faire, et surtout d’être intelligent, d’une intelligence accueillante, joueuse, gaie. Les films de Rohmer sont le meilleur antidote, et le plus jubilatoire, à ce qui ne va plus dans un cinéma qui a oublié ce que devrait être la nécessaire souveraineté d’une création qui n’a pas de comptes à rendre aux attentes normalisées.


Filmographie : (fiche IMDB)

Les courts métrages

Les longs métrages ( Les films faisant partie des "cycles" portent des numéros )

Six contes moraux (1962 - 1972)

  1. La Boulangère de Monceau (1962) court métrage
  2. La Carrière de Suzanne (1963) moyen métrage (54 minutes)
  3. Ma nuit chez Maud (1969)
  4. La Collectionneuse (1967), bien que sorti avant Ma Nuit chez Maud, ce film porte le numéro 4 des Contes moraux
  5. Le Genou de Claire (1970), Prix Louis-Delluc 1970
  6. L'Amour l'après-midi (1972)

Comédies et proverbes (1981 - 1987)

  1. La Femme de l'aviateur (1981) On ne saurait penser à rien, antithèse de l'œuvre de Musset On ne saurait penser à tout
  2. Le Beau Mariage (1982) Quel esprit ne bat la campagne, qui ne fait château en Espagne de La Fontaine
  3. Pauline à la plage (1983) Qui trop parole, il se mesfait de Chrétien de Troyes
  4. Les Nuits de la pleine lune (1984) Qui a deux femmes perd son âme, qui a deux maisons perd sa raison, proverbe (inventé) de la province de Champagne
  5. Le Rayon vert (1986) Que le temps vienne où les cœurs s'éprennent, vers d'Arthur Rimbaud
  6. L'Ami de mon amie (1987) Les amis de mes amis sont mes amis, adage populaire

Les Contes des quatre saisons (1990 - 1998)

  1. Conte de printemps (1990)
  2. Conte d'hiver (1992)
  3. Conte d'été (1996)
  4. Conte d'automne (1998)

Intercalés entre le deuxième et le troisième conte:

Les tragédies historiques

Téléfilms

Documentaires

Ouvrages d'Éric Rohmer


Les Contes des quatre saisons

Dans cette série de quatre films, Rohmer continue de s'interroger sur la liberté, la place du hasard, le destin et le rôle joué par des manipulations (dans Conte de printemps et Conte d'automne).
Il n'y a pas de morale précise imposée et chacun des contes est plus serein et se se termine plutôt "bien", si on les compare aux films des séries précédentes, Contes moraux et Comédies et proverbes, qui se terminaient plus mal.

Les personnages ne sont pas des héros, ils sont au contraire assez banals, mais ont tous leur chance. Ils sont toujours confrontés à la fois au réel et à l'absolu ; ils sont dans une quête intérieure, essentielle pour leur être, malgré la superficialité de l'anecdote qui domine leur présent. Irrésolus, hésitants, soumis à la tentation, refusant de choisir dans l'immédiat, ils trouvent souvent refuge dans la parole. Mais ils sont fondamentalement libres.
Conte de printemps et Conte d'automne sont placés sous le signe de la machination, ces machinations menées par des intrigantes sont vouées finalement à l'échec. Conte d'hiver et Conte d'été sous celui de la foi, qui rend possible l'invraisemblable.
Il s'agit pour les personnages d'être fidèle à des valeurs, auxquelles ils croient sincèrement et qui donnent sens à leurs vies.

Chacun des films de la série est marqué par des couleurs dominantes et symboliques de la saison: Dans Conte de printemps, le bleu et l'orange, couleurs complémentaires et qui ornent la jupe de Natacha ; le bleu et le rouge dans Conte d'été, le gris, le marron, le vert kaki dans Conte d'hiver, le brun, le lie de vin, le vert dans Conte d'automne.

Les lieux sont importants eux aussi, le film se situe dans un endroit animé à l'époque choisie: les plages bretonnes dans Conte d'été, les vignobles des Côtes-du-Rhône au moment des vendanges dans Conte d'automne, Nevers et la banlieue parisienne dans Conte d'hiver, Paris et Fontainebleau au moment du renouveau des jardins dans Conte de printemps.

Enfin ces quatre contes sont placés sous le signe du 1+3: chaque conte répond aux trois autres; un homme en face de 3 femmes dans Conte de printemps et Conte d'été ; une femme et trois hommes dans Conte d'hiver et pour Conte d'automne une femme face à deux hommes et une manipulatrice.

Éric Rohmer commente ses Contes des quatre saisons (Cahiers du cinéma, 1998):
"Contrairement aux « Contes moraux », les « Contes des quatre saisons » ne se présentent pas comme une suite de variations sur un thème donné : celui d'un homme qui, parti à la recherche d'une femme, en rencontre une autre et revient à la première. On peut toutefois déceler a posteriori dans leur structure et leur problématique des analogies, des oppositions, voire de vraies symétries.
Le troisième conte (automne) par exemple, rime avec le premier (printemps), traitant comme lui la « pensée » au sens large, et décrivant une ou plusieurs machinations effectives ou supposées. Le quatrième (hiver) et le second (été), se renvoient une image inversée : une femme-trois hommes et un homme-trois femmes, respectivement. Ils ont, peut-on dire, pour objet une « foi » ; certaine de son choix dans l'un, presque aussi sûre, dans l'autre, de son non-choix."

* Conte de printemps d'Éric Rohmer, sorti en 1990, durée 103 mn,
avec Anne Teyssèdre (Jeanne), Florence Darel (Natacha), Hugues Quester (Igor), Eloïse Bennet (Ève), Sophie Robin .

Jeanne dispose des clés de deux appartements mais il lui semble pourtant qu'elle n'a aucun endroit où dormir (l'un est trop vide, l'autre trop plein..). Son ami, Mathieu est absent. Natacha ne demande qu'à partager son appartement parisien qu'Igor, son père, déserte trop souvent.
Les deux femmes se rencontrent à une soirée où elles s'ennuient. Elles deviennent, l'espace de quelques jours, inséparables. Natacha, exaspérée par Ève, l'amie de son père, a le désir secret qu'une intrigue se noue entre Jeanne et Igor, pour voir disparaître Ève de son univers.

Comment choisir ce qui est juste ? Tel sera le problème de Jeanne dans la suite du film : elle qui, peut faire ce qu'elle veut sans être vu (de Mathieu, absent), fera-t-elle un usage injuste de sa liberté de tromper l'autre, les autres, de se tromper elle-même ? Elle ne consentira qu'à un petit baiser symbolique à Igor, le même baiser symbolique de Margot à Gaspard dans Conte d'été. Rien de grave, juste de quoi éprouver sa liberté.

Les références philosophiques sont explicites: Jeanne emporte dans son sac La Critique de la raison pure de Kant, qui annonce la discussion sur le problème des jugements synthétiques a priori et La République de Platon, qui annonce l'allusion à l'anneau de Gygès qui rend invisible, (mais pas irresponsable).

* Conte d'été d'Éric Rohmer, sorti en 1996, durée 113 mn,
avec Melvil Poupaud (Gaspard), Amanda Langlet (Margot), Aurélia Nolin (Léna), Gwenaëlle Simon (Solène).

L'action se situe à Dinard et sur d'autres plages de Bretagne, Saint Lunaire, Saint-Malo, etc. Gaspard est venu passer ses vacances et doit retrouver sa petite amie Léna.
Cependant, Léna n'est pas encore arrivée, et l'attention de Gaspard est attirée vers deux autres femmes : Margot, une serveuse de restaurant intéressante mais qui est très claire pour affirmer qu'elle ne cherche que de l'amitié, et Solène, une amie de Margot qui n'est pas contre une brève aventure, mais demande à être traitée avec le plus grand respect.
Pendant les trois semaines, Gaspard doit choisir entre les trois jeunes femmes, mais il décide résolument de ne pas décider... en étant parfaitement lucide sur ce non-choix.

Rohmer réussit à faire de ce marivaudage, qui pourrait être insignifiant, un bijou grâce à la justesse de ses jeunes comédiens et la rigueur de sa mise en scène et de son montage.


* Conte d'automne d'Éric Rohmer, sorti en 1998, durée 110 mn,
avec Marie Rivière (Isabelle), Béatrice Romand (Magali), Alain Libolt (Gérald), Didier Sandre (Étienne).

Magali, viticultrice de 45 ans est passionnée par son métier qu'elle exerce dans la vallée du Rhône mais elle est veuve et se sent isolée dans sa campagne depuis que son fils et sa fille sont partis. Une de ses amies, Isabelle, lui cherche à son insu un mari à l’aide de petites annonces. D’autre part, Rosine, la petite amie de son fils, veut lui présenter son ancien professeur de philosophie, Étienne, avec qui elle a eu une liaison.
C’est au mariage de la fille d’Isabelle que les deux hommes doivent lui être présentés. Étienne déplaît d’emblée à Magali, sans rien connaître des manœuvres de son amie, elle est tout de suite attirée par l’homme de l’annonce : Gérald.
Mais l'ayant surpris au cours de la fête en conversation avec Isabelle, elle s'imagine entre eux une liaison secrète et renonce à son espoir. Gérald lui ayant proposé de la raccompagner en voiture, elle découvre la vérité, ce qui la met en colère contre Isabelle car elle déteste l'idée d'un mariage arrangé.
Mais elle se radoucira et la fin du film laisse entrevoir un heureux dénouement.

* Conte d'hiver d'Éric Rohmer, sorti en 1992, durée 114 mn,
avec Charlotte Véry (Félicie), Michel Voletti (Maxence), Hervé Furic (Loïc), Frédéric Van Den Driessche.

Félicie a rencontré Charles pendant d'insouciantes vacances en Bretagne. Ils se sont aimés mais se sont perdus de vue.
Félicie est maintenant maman d'une petite fille de quatre ans, Elise, la fille de Charles. Coiffeuse à Belleville, elle partage sa vie entre la maison de sa mère et l'appartement de Loïc, son petit ami bibliothécaire, intellectuel et chrétien. Maxence, le patron du salon de coiffure, est aussi son amant.
En réalité, elle est toujours hantée par l’image de Charles, qu’elle a perdu à la suite d’un acte manqué: lui donnant son adresse, elle a confondu Levallois avec Courbevoie... Elle attend, contre toutes raisons, parfois dans la rue, dans le métro, elle dévisage les passants, dans l'espoir de le reconnaître.
Elle prend la décision de quitter Loïc pour aller s'installer avec Maxence à Nevers. En fait elle n'aime ni l'un ni l'autre et se laisse aller au souvenir du père de sa fille. Elle ne se lance pas dans des recherches actives mais fait confiance au hasard pour le revoir.

Dans Conte d'hiver est évoqué le pari de Pascal ( comme dans Ma Nuit chez Maud ) et la question de l'immortalité de l'âme chez Platon, rattachée à la scène de théâtre du Conte d'hiver de Shakespeare.


Quatre courts métrages, cycle de Charlotte et Véronique, entre Jean-Luc Godard et Éric Rohmer

Entre 1951 et 1959, Jean-Luc Godard et Éric Rohmer sortent chacun deux courts métrages qui ont pour caractéristiques de partager les mêmes personnages, le même style et de voir une collaboration croisée entre ces deux futurs grands cinéastes. Ainsi Jean-Luc Godard, à seulement 20 ans, joue dans le court métrage Charlotte et son steak et Éric Rohmer signe 8 ans plus tard le scénario du Charlotte et Véronique de Godard.

* La Présentation ou Charlotte et son steak , réalisation, scénario et dialogues de Éric Rohmer, tourné en 1951, musique : Maurice Leroux , montage : Agnès Guillemot, durée : 10 minutes.
Avec Jean-Luc Godard : Walter (voix de Jean-Luc Godard), Anne Coudret : Charlotte (voix de Stéphane Audran), Andrée Bertrand : Clara (voix de Anna Karina).

Walter accompagne Clara à la gare en même temps qu'il donne rendez-vous à Charlotte. Il s'invite chez elle dans l'espoir de l'embrasser, mais celle-ci, qui se fait un café et cuire un steak, n'a que faire de lui. Elle finit par l'embrasser, mais de toute façon ils ne s'aiment pas. Le film a été tourné sans son en 1951, puis sonorisé et doublé en 1960, avec, pour les rôles féminins, des actrices differentes des intervenantes initiales.

* Charlotte et son jules, réalisation, scénario et texte de Jean-Luc Godard, tourné en 1958. En hommage à Jean Cocteau, images : Michel Latouche, musique : Pierre Monsigny, Noir et blanc, durée : 13 min, année de sortie : 1961
Avec Jean-Paul Belmondo (voix de Jean-Luc Godard) (Jean), Anne Colette (Charlotte), Gérard Blain (un type).

Une voiture dépose Charlotte chez son ancien jules, celui-ci croit qu'elle revient. Principalement constitué d'un monologue car Charlotte laisse la plupart du temps parler son jules en lui faisant de jolies grimaces, c'est la voix de Jean-Luc Godard qui remplace celle de Jean-Paul Belmondo à la post-synchronisation. Le film, ironique et acerbe, entièrement tourné dans une chambre, avec quelques brefs plans d'extérieur sur l'ami de Charlotte qui attend dans sa voiture, annonce indubitablement À bout de souffle . Ce court-métrage fut projeté en 1961 en complément du film de Jacques Demy, Lola.

* Véronique et son cancre, réalisation, scénario et dialogues de Éric Rohmer, sorti en 1958, photographie : Charles Bitsch , Noir et blanc, durée : 20 minutes.
Avec Nicole Berger : Véronique, Stella Dassas : la mère, Jacques Gaillard : l'enfant.

Véronique fait du soutien scolaire auprès d'un enfant qui n'en a que faire : il souffle à son arrivée, discute les consignes et ne retient rien. Véronique s'ennuie aussi un peu. La pendule sonnant, l'enfant expédie Véronique dehors et retrouve sa liberté.

* Charlotte et Véronique ou Tous les garçons s'appellent Patrick, réalisation Jean-Luc Godard, sorti en 1959. Scénario : Éric Rohmer, production : Pierre Braunberger, Les films de La Pléiade, musique : Ludwig van Beethoven, photographie : Michel Latouche, montage : Cécile Decugis , Noir et blanc, durée : 21 minutes.
Avec Jean-Claude Brialy : Patrick, Anne Colette : Charlotte, Nicole Berger : Véronique

Charlotte et Véronique sont étudiantes et occupent le même appartement à Paris. Elle se donnent rendez-vous au "Luco", le jardin du Luxembourg. Charlotte, arrivée la première, s'impatiente et se fait courtiser par un certain Patrick, qui l'invite à prendre un verre puis lui fixe rendez-vous. Charlotte à peine partie, Véronique arrive et se fait aborder par le même Patrick qui lui tient le même discours avec un rendez-vous pris pour le surlendemain. De retour chez elles, Charlotte et Véronique évoquent leur rencontre avec leur Patrick respectif. Avant de se rendre compte, le jour suivant, en apercevant un jeune homme embrasser une femme dans la rue, qu'il s'agit toujours du même.
Ce court métrage voit la collaboration de Godard et Rohmer et réunit les deux personnages de Charlotte et Véronique avec les mêmes actrices.


Autres courts métrages, d' Éric Rohmer


* Nadja à Paris , réalisation Éric Rohmer, tourné en 1964, scénario et texte de Nadja Tesich; Produit par Barbet Schroeder, Image Néstor Almendros, Montage Jackie Raynal, durée 13 mn, avec Nadja Tesich dans son propre rôle.

Nadja est né à Belgrade, moitié serbe, moitié américaine. Elle vit à Cité Universitaire, pavillon de l'Allemagne. Nadja suit quelques cours à la Sorbonne, prépare lentement une thèse sur Proust , fréquente St Germain des Prés, Montparnasse, les cafés et découvre Paris, ses jardins, l'art contemporain. Elle flane aux Buttes Caumont, à Belleville, sur les marchés.
Portrait de Paris, à travers la description assez littéraire de Nadja, et un hommage, en raison du prénom réel de son héroïne, à André Breton. Un air de liberté flotte sur le film : Nadja, cheveux courts, brune aux beaux yeux sombres, raconte ses impressions fragmentaires en tentant de les rassembler. Fragments divers de promenade, de rencontres attendues ou inattendues dans divers quartiers, impression de solitude dans la foule. Nadja teste la séduction de Paris et se teste elle-même dans sa capacité à comprendre la ville, à s’y intégrer.

Vidéo sur Youtube

* Une étudiante d'aujourd'hui , réalisation Éric Rohmer, tourné en 1966, Scénario Denise Basdevant, société de production Les Films du Losange, producteur Barbet Schroeder, image Nestor Almendros, montage Jacqueline Raynal, durée 13 mn, avec Denise Basdevant dans le rôle de l'étudiante.

Documentaire sur la vie d'une étudiante en sciences, à partir d'une enquète de Denise Basdevant, adapté par Rohmer. La description de l'évolution des études des femmes dans les années 1960, traitée avec précision, mais avec un certain humour.


Documentaires


* Les métamorphoses du paysage : l'ère industrielle , réalisation Éric Rohmer, sorti en 1964, durée 22 mn, images de Pierre Lhomme , montage de Christine du Breuil , avec Antoine Vitez (narrateur)

Film sur sur l’industrialisation du paysage français, catalogue de constructions industrielles photographiées en noir et blanc, sur lesquelles se pose une voix off volontiers plus poétique que didactique : « Cette beauté est difficile. Difficile à découvrir, à admettre. Elle est paradoxale. Car il y a paradoxe à rechercher la beauté dans un monde qui lui tourne délibérément le dos. Un monde voué au chaos, à l’informe, au perpétuel changement, à l’inachevé. Un monde qui porte la marque, contrairement au monde champêtre ou urbain, moins de la joie créatrice de l’homme que de sa sueur et de sa peine ».


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