Ceux qui m'aiment prendront le train
L'idee de ce film vient des obsèques du fameux cinéaste Francois Reichenbach qui a dit "ceux qui m'aiment prendront le train". S'ensuit la descente de sa famille et ses amis a Limoges en 1993. Danièle Thompson faisait partie des voyageurs. Jean-Baptiste Emmerich, né à Limoges, peintre scandaleux et tyrannique à Paris, mort à Paris, veut qu'on l'enterre à Limoges. C'est par cette phrase qu'il règle ses dernières volontés, lui qui la voyait arriver et ne voulait pas partir en laissant les autres en paix. Un train part de la gare d'Austerlitz; s'y retrouvent dans la confusion les proches, vrais et faux amis, amants et ex-amants, disciples, marqués pour le meilleur ou pour le pire par sa forte personnalité : son neveu Jean-Marie, séparé de Claire, qui est enceinte sans le lui avoir dit; François, biographe du peintre, et Louis, avec qui il vit; Bruno, bel adolescent séropositif, qui a connu François et qui plaît à Louis; Élodie, fillette qu'aimait bien Jean-Baptiste, et sa mère Catherine, alors que son père, Thierry, dealer-homme à tout faire, transporte le cercueil dans un break et croise même le trajet du train; enfin ceux de la génération du disparu, Lucie, qui s'auto-proclame " son amour impossible ", et Sami, l'ami de jeunesse. D'autres les rejoignent à Limoges : Lucien, qui a réussi dans la chaussure (ici, c'est porcelaine ou chaussure !), et en veut au mort, son frère, plus brillant, de lui avoir volé sa femme et son fils Jean-Marie; enfin Frédéric, encore un ex, qui assume sa condition de transsexuel. Au cimetière, le plus grand de France, plus peuplé que la ville, le cercueil arrive en retard : Thierry a eu un accident et sa voiture est amenée sur une dépanneuse. Jean-Marie s'isole pour fumer un joint, puis, lors de la mise en terre, dit quelques mots remplis d'amertume. Douleurs et rancœurs s'expriment dans la longue nuit qui suit, chez Lucien, hôte tour à tour provocateur ou attentionné; et quelques issues apparaissent. Jean-Marie et Claire envisagent une réconciliation; Catherine part avec sa fille sans Thierry; Frédéric se trouve un nouveau prénom, Viviane, exprime sa confiance en la vie et son objectif, devenir boulangère; Louis, qui aime toujours François, lui propose d'adopter Bruno, mais François les laisse ensemble et s'efface. Ce film est représentatif de la tension que Patrice Chéreau sait cultiver et entretenir, à l'écran comme à la scène, au cœur de ses personnages et entre ceux-ci. La séquence d'ouverture (long travelling caméra à l'épaule de l'entrée de la gare jusque dans le train) est à ce titre emblématique et stupéfiante. En trois parties, d'abord enfermés dans un train exigu, puis plus
calmes à l'enterrement et enfin dans la crise finale, la famille,
les couples, les individus vont se remettre en question. Sous couvert d'enterrement, ce film dissèque une journée d'une quinzaine de personnages en crise, rassemblés autour d'un mort, dont la présence et le regard les faisait exister, qui ont perdu tout repère et se retrouvent obligés de se confronter les uns aux autres. Une des scènes les plus émouvantes du film est celle où Claire découvre dans la pénombre, entre deux portes, la véritable identité de Viviane (anciennement Frédéric . Elle semble troublée mais remarque surtout la beauté de Frédéric, bel homme, devenu belle femme. Elle pleure tellement il/elle lui semble beau. Comment une transformation d'homme en femme peut-elle donner une si belle femme. Claire se sent presque laide face à cette belle femme qu'elle a si bien connu quand il était homme. C'est comme si le Frédéric qu'elle connaissait était mort et venait de renaître en Viviane. Claire va devoir réapprendre à connaître Frédéric/Viviane. Patrice Chéreau à propos de son film: Il est incroyable le regard de Patrice Chéreau sur la bande de zouaves
qu’il a flanquée dans le train, jetée à travers le paysage à trois cents
à l’heure. Incroyable de tendresse, de générosité, de respect, de la singularité
de chacun. Avec ce regard-là, un cinéaste peut tout filmer, le plus trivial,
le plus extrême, le plus mélodramatoc. Et il le fait. C’est bouleversant
et rigolo. Comme « La Reine Margot », « ceux qui m’aiment… » foisonne de personnages
que la caméra serre au plus près. ,Réunis dans un train pour se rendre
à l’enterrement de leur ami, tous se cherchent, se querellent et se font
du mal pour faire taire leur douleur […] « J’ai un goût, dit Patrice Chéreau,
pour les histoires entremêlées. J’ai mieux maîtrisé cette fois-ci. Il
y en a beaucoup au début, puis ça se resserre. Les scènes s’allongent
et on commence à dire des choses. » Et, pourrait-on ajouter, comme il
les dit bien ! Sur un melting pot de sujets pas toujours évidents à filmer
(la mort, l’appropriation d’un héritage spirituel, la paternité, l’homosexualité),
Patrice Chéreau signe un film admirable. Immersion, dès les premiers plans, de la caméra au coeur de la crise.
Elle colle au corps, au visage, impitoyable, elle est fébrile et précise,
elle cherche et trouve, elle isole un visage, un regard, un geste. La
foule pressée dans le wagon corail s’individualise et se trahit. La brutalité
contrôlée des mouvements est relayée par la brutalité du montage. La,
manière Chéreau ne ménage pas le spectateur soumis, en plus, à une bande-son
exaltée. C’est elle qui fait des rencontres, des tueries, comme le disait
Doillon de certains de ses propres films. comme toujours, Chéreau s’y entend pour filmer des corps, scruter
des visages, faire accoucher ses acteurs d’un texte et maintenir chez
sa troupe une ligne tendue, tranchante. Mais on a ici le sentiment que
tout ce superbe travail tourne à vide, que le style excède la substance,
que l’Idée domine la Chair. La fusion entre théorie et incarnation n’opère
que par moments fugaces : le travelling arrière sur le cimetière, fulgurant,
comme une image mentale funèbre de la France contemporaine ; ou encore
la scène entre Trintignant, Perez et les boites à Chaussures, qui fait
passer un véritable trouble… Chic, un artiste est mort. Il est enterré en province. Sa famille,
ses amis, prennent le train à Austerlitz pour un dernier hommage. Occasion
de découvrir des rapports plus que tendus. L’enterrement de famille est
un classique du drame bourgeois. Or là, il devient un lyrisme de cinéma.
Chéreau, qui a connu des triomphe à Bayreuth, ne nous emmène pourtant
qu’à Limoges. Qu’importe. Le réseau des éclairs avec lesquels il dispose
son ouverture est splendide. Dire de Chéreau qu’il est un intellectuel prétentieux n’est pas une
révélation. IL nous offre ici un film intelligent mais ennuyeux. Enfin,
ennuyeux pour le commun des mortels. L’élite adorera…peut-être. […] Comme
le tout est filmé sans talent, il ne reste qu’un brillant exercice de
scénariste qui se serait pris, une fois de plus, pour un cinéaste ! Jean-Baptiste, qui se savait malade, voulait être enterré à Limoges.
« C’est loin », lui avait-on fait observer. « Eh bien, ceux qui m’aiment
prendront le train », avait-il répondu… On ne sait pas très bien qui est
qui. On ne voit que des éclats de personnage. La caméra de Patrice Chéreau
est notre fil d’Ariane dans ce portrait de groupe où chacun se dévoile
au fil du voyage. Dure, mais jamais injuste. Brillante, mais dénuée de
virtuosité gratuite. Un peu à la manière de John Huston dans Gens de Dublin,
elle lie la plainte quotidienne des hommes à la tranquillité de l’éternité
qui les cerne. Elle passe de la vie, où tout est joué à moins que les
tendres ne s’en mêlent, à cet inconnu a priori terrible, mais où tout
est jouable, même l’espoir. Interprétation splendide : Trintignant, Gréggory
et Vincent Pérez en transsexuel au nom de fée. Il y a ici, comme souvent dans les films de Chéreau (« La Reine Margot
», « La Chair de l’orchidée »), l’idée que toute petite société fonctionne
comme une cour, avec ses secrets, ses courtisans et ses cabales. Sauf
qu’ici, le roi est mort, le monde n’a plus son ordre et les particules
se cognent à tout. Forcément, tout mouvement (loi physique de base) libère
de l’énergie. Ces gens-là vont donc s’échauffer, s’énerver et finir par
s’engueuler. Mais ces petites histoires (avec qui tu couches ? Pourquoi
m’as-tu fait un enfant dans le dos ? Qui aimait-il le mieux de toi ou
de moi ?) n’intéressent Chéreau que parce qu’elles ont une traduction
formelle. « Ceux qui m’aiment… » est un si évident exercice de style que
le reproche de maniérisme ne manquera pas de lui être fait. […]. Or, justement,
c’est de se tenir vaillamment et presque exagérément à parti pris que
Chéreau réussit à excéder la forme, ou plutôt qu’il fait la forme devenir
l’émotion même. Dans un magnétophone, la voix de Trintignant se fait entendre. C’est
lui qu’on va enterrer. Il était peintre et semble avoir beaucoup marqué
l’assemblée, qui compte des drogués, des homosexuels, des hystériques,
un transsexuel. Pas étonnant que le contrôleur ne leur réclame jamais
leurs billets. Ces gens-là se retrouvent dans les toilettes, s’injurient
sur le quai, se chamaillent dans le cimetière, parlent avec des majuscules
de la Mort, de l’Amour, etc. Le résultat finit par être comique, comme
si Claude Sautet s’était égaré dans un boite gay […]. Bref, cela empeste
la mode et la prétention. Ceux qui m’aiment pas prendront la porte.
Un peintre vient de mourir et a choisi de se faire enterrer à Limoges.
Ses amis, ses amants, les amis de ses amants, retrouvent les membres de
sa famille pour faire le voyage en train. L’occasion de faire le point
sur leurs vies. Les images qui s’entrechoquent, des gestes ébauchés saisis
au vol, des regards échangés pris sur le vif, des dialogues qui se mélangent,
des musiques qui s’enchaînent… La symphonie du monde, de ses battements
de cœur et de ses déchirures. D’emblée, on est frappé par l’ambition,
la qualité et la force de la mise en scène. |
|||||
|
|
||||
Distribution
Fiche technique
|