Dans une forêt merveilleuse, au temps des druides, le berger Céladon et la bergère Astrée s'aiment d'amour pur. Trompée par un prétendant, Astrée congédie Céladon qui, de désespoir, se jette dans une rivière. Elle le croit mort, mais il est secrètement sauvé par des nymphes. Fidèle à sa promese de ne pas réapparaître aux yeux de sa belle, Céladon devra surmonter les épreuves pour briser la malédiction. Fou d'amour et de désespoir, convoité par les nymphes, entouré de rivaux, contraint de se déguiser en femme pour côtoyer celle qu'il aime, saura-t-il se faire reconnaître sans briser son serment ? Une carte du tendre semée de doutes, d'embûches, et de délicieuses tentations. Éric Rohmer est-il fidèle à L’Astrée du poète Honoré d'Urfé ? Le doute ravit le spectateur profane, qui n’a en principe pas lu l’ample roman pastoral de 5000 pages rédigé entre 1607 et 1627. S’il y a de quoi douter, c’est que le film est un concentré de « rohmérismes » : un scénario à base de méprises et de foi endurante qui pourrait avoir été écrit ex nihilo par l’auteur des Six Contes moraux ; une réalisation qui semble se jouer discrètement, et délicieusement, de ce scénario, selon son style inimitable. Et pourtant l'entreprise était périlleuse car le roman transpose à son époque, le début du XVIIe et ses châteaux, une histoire censée se passer chez des gaulois mythiques férus de mythologie grecque. La plupart des films pécédents de Rohmer créaient un monde sous cloche, ultra stylisé. Ils évitaient la pleine nature qui, cette fois-ci, donne la note. C’est presque incongru, ces forêts et collines sans apprêt, semblables à celles de nos randonnées, mais peuplées de druides et de bardes en robe légère. Tout est à la fois fluide, transparent et, en même temps, affecté d’un drôle de coefficient d’ironie et de perversité. La grande affaire des deux personnages principaux, c’est leur fidélité mutuelle. Leur amour exclusif, indéfectible, hétérosexuel et sacré. Or le film ne cesse de fendiller discrètement cet idéal. D’abord, évidemment, par les voies du récit. Manipulée par un soupirant, Astrée conclut à l’infidélité de Céladon et lui ordonne de ne plus paraître à ses yeux. Au désespoir, il se jette dans un torrent. Porté disparu, sauvé en secret par des nymphes dragueuses, il n’aura de cesse de faire triompher la vérité et l’amour, mais incognito : sans désobéir à l’ordre d’Astrée. L’équivoque grandit dans le développement de l’histoire, à coups de scènes en décalage léger avec le dessein et le point de vue du valeureux Céladon. Il y a ces grandes joutes verbales dans la prairie entre les tenants des amours multiples et ceux de l’amour unique, entre les amateurs de corps et les défenseurs de l’âme. Toute la séduction de l’inconstance y éclate, les libertins se révélant bien meilleurs rhétoriciens que leurs prudes adversaires. Une grande discussion théologique sur l’un et le multiple, le Dieu chrétien et les dieux grecs, donne la même impression, d’où il ressort qu’aimer au pluriel ou au singulier revient un peu au même. L’ambiguïté culmine avec le stratagème auquel Céladon a recours pour se présenter à nouveau devant celle qu’il aime car il se déguise en fille. Déjà, la beauté et la finesse de traits du comédien (Andy Gillet) font de ce procédé une expérience troublante : car de voilée au début du stratagème, Céladon ne travestit bientôt plus que sa voix. Cette fille qu’il devient exerce une attraction irrépressible et très charnelle sur Astrée. De quoi s'interroger, cette fois, sur la fidélité de la petite bergère. À moins de convenir que les caresses homosexuelles ne sont pas infidélité. Le film regorge ainsi de désirs sensuels, provoqués tant par le sein d’Astrée que par la poitrine de Céladon. Il faut remonter à La Collectionneuse (1967) pour trouver chez Rohmer un tel rayonnement du corps. Et c’est la première fois dans son œuvre que la sensualité déborde à ce point le verbe toujours présent et la volonté, selon un crescendo épidermique qui dit à la fois le triomphe des sentiments et la défaite de la vertu. Rohmer respecte l'esprit du texte d'Urfé et par la-même la littérature, en tant qu’elle nous transmet l’imaginaire des hommes du passé, et donc, de proche en proche, nous met en contact avec la réalité qui l’a suscité. De l’expérience de la réalité de l’époque d’Urfé nous est ainsi offert le témoignage d’un homme de ce temps. Rohmer epouse ce point de vue, jusque dans son anachronisme. L’artificialité d’un décor fruit d’un imaginaire ancien et l’arbitraire de la représentation de l’antiquité par d’Urfé servent ici à se souvenir que nous n’aurons jamais mieux que ces expédients pour nous approcher d’une réalité perdue. Rohmer étend d’ailleurs la logique paradoxale de ce rapport au réel, en mêlant des anachronismes contemporains à ceux commis par d’Urfé. Nous suivons ainsi la chronique de l’imaginaire et de ses libres échos à travers les siècles.A 87 ans, Rohmer prouve qu'il n'a rien cédé de son amour pour l'idéal et signe un film inattendu, mais plein d'échos de son oeuvre passée, et tout entier vibrant d'un érotisme troublant. Une ode à l'art, et à la vie. ( Le Monde - Isabelle Regnier) Etes-vous prêts à entrer dans un conte de fées magiquement mis en images par le maître conteur du cinéma français? Il faut se laisser faire par l'écriture si particulière d'Eric Rohmer qui nous emmène dans une forêt merveilleuse au temps des druides, où la si jolie bergère Astrée et le berger Céladon au visage d'ange s'aiment d'un amour pur. ( Elle - Florence Ben Sadoun ) Entre druides, nymphes séductrices et pâtres grecs, Eric Rohmer livre une adaptation enchantée de la chanson de geste d'Honoré d'Urfé, où il a trouvé matière à disserter sur la fidélité. Sur un rythme lent, avec beaucoup d'élégance, il explore l'érotisme subtil de cette folle histoire d'amour et projette ses propres préoccupations éthiques. (Paris Match - Christine Haas) Cette escapade buissonnière séduit par sa fraîcheur et la grâce de ses interprètes peu ou pas connus. (J-P TéléCinéObs n°2235) Le film auquel nous avons affaire est une aurore, et nous n’avons pas fini de sonder la profondeur du bouleversement qui a rendu possible une telle liberté. (Arnaud Macé Les cahiers du cinéma n°626). Honoré d'UrféHonoré d'Urfé est né le 11 février 1568 dans une famille noble originaire
du Forez, alliée de la Maison de Savoie par sa mère (Renée de Savoie-Tende). |
|||||
|
|
||||
Distribution
Fiche technique
|