Les années 1977 à 1979


Carole Bouquet

Films de l’année 1977:

Films de l’année 1978:

Films de l’année 1979:

* PADRE PADRONE de Paolo & Vittorio Taviani, Italie, sorti en 1977
avec Saverio Marconi, Marcel Michelangi, Omero Antonutti
d'après le roman autobiographique de Gavino Ledda. Palme d'Or Cannes 1977
.

Les frères Taviani racontent l'histoire d'un berger sarde, brimé par son père et obligé de quitter l'école pour devenir berger; sa solitude et ses souffrances dans la montagne et son lent cheminement vers la culture à travers l'armée puis l'université.

Les scènes qui établissent la relation père-maître/fils-esclave, commune aux générations des fermiers de Sardaigne, utilisent le paysage de cette façon symbolique. Les paysages arides et le son constant du vent violent rendent bien compte du traitement brutal que Gavino a dû subir.
Lorsque des jeunes hommes décident de quitter la Sardaigne pour l’Allemagne, la caméra les suit à l’arrière d’un camion. Les actes et les émotions exprimées par les jeunes hommes vis-à-vis leur terre natale - gestes brusques des mains, tirades verbales, les jeunes hommes urinent - ressemblent à ceux qu'ils feraient en quittant une prison.

Les frères Taviani sont clairement des réalisateurs appliquant les règles du néoréalisme italien: le film est principalement tourné en Sardaigne; des acteurs professionnels se mêlent à des travailleurs; documentaire et fiction se combinent et se complètent; et le film utilise le dialecte local.
Ils prennent clairement parti en faveur du savoir pour sortir de la misère morale et sociale et pour permettre à chacun de retrouver sa dignité.<

Padre Padrone remporta la Palme d’Or et provoqua un scandale public au festival de Cannes. Le film, tourné en 16mm, était destiné à la télévision. Roberto Rossellini, une figure dominante du cinéma italien, malgré son âge avancé (71 ans), était à la tête du jury cannois.
Rossellini était convaincu de la pertinence d’échanges entre le cinéma et la télévision, et n’hésitait pas pour dire le fond de sa pensée de façon agressive. La récompense suprême attribuée à un film à petit budget et destiné à la télévision choquât nombre de membres du festival. <


* L'HOMME QUI AIMAIT LES FEMMES de François TRUFFAUT, sorti en 1977
avec Charles Denner, Brigitte Fossey, Nathalie Baye, Leslie Caron, Nelly Borgeaud, Genevieve Fontanel

 

Comme Truffaut, Morane est amoureux autant des femmes que de l'idée même de la femme. Toutes les femmes sont uniques et irremplaçables...Elles sont à la fois l'oeuvre de sa vie, son inspiration artistique et la cause de sa mort.

( à voir la filmographie complète de François TRUFFAUT)


* La Dentellière , de Claude Goretta, film franco-suisse, sorti en 1977, scénario : Claude Goretta et Pascal Lainé d’après son roman (prix Goncourt 1974), durée 108mn
avec Isabelle Huppert (Pomme), Yves Beneyton (François), Annemarie Düringer (la mère de Pomme), Christian Baltauss (Gérard), Sabine Azéma (Corinne), Monique Chaumette, Jean Obé, Renate Schroeter.

Pomme, apprentie coiffeuse, est une jeune femme très réservée et silencieuse. Son amie Marylène, très expansive, l'emmène à Cabourg pour quelques jours de vacances.
Pomme y rencontre François, un jeune étudiant brillant de l’école des Chartes mais aussi timide qu'elle. Ils rentrent à Paris et s'aiment, mais le fossé qui les sépare socialement aura raison de leur amour. Pomme s'efface, toujours en silence, et termine sa vie dans un hôpital psychiatrique, occupée par ses travaux de dentelle.

On ne trouve dans ce récit aucun personnage exemplaire. L’héroïne brille en effet par sa relative insiginifiance de jeune fille ordinaire, issue d’une banlieue ordinaire du nord de la France.
A travers ce personnage qui subit plus l’existence qu’il ne la vit, Claude Goretta et Pascal Lainé placent le spectateur en face de ses propres lâchetés. Toute la force du film tient dans cet effet de distanciation et d'humour pince sans rire.


* PROVIDENCE d'Alain RESNAIS, sorti en 1977
avec Dirk Bogarde, John Gielgud, Ellen Burstyn.

César de la meilleure oeuvre en 1978. Resnais joue à la fois sur le terme providence et sur la ville américaine Providence, lieu de naissance de Lovecraft, auteur de science-fiction qui inspire içi en partie sa réflexion. A travers un auteur vieux et malade qui imagine une histoire à partir de sa propre famille, Resnais montre les essais et les retouches d'un processus de création. Un autre thème du film est une illustration critique et ludique de la psychanalyse, à travers sa représentation en direct et l'évocation des frustrations des personnages, aussi bien que ceux du spectateur.
( voir analyse et la filmographie d'Alain Resnais)

Ce film a obtenu le César du meilleur film en 1978


* CET OBSCUR OBJET DU DESIR de Luis Buñuel, franco-espagnol, sorti en 1977
Scénario de Jean-Claude Carrière d'après le roman de Pierre Louÿs " La femme et le pantin"
avec Fernando Rey, Carole Bouquet, Ángela Molina, Pieral, Julien Bertheau, André Weber, Milena Vukotic.

Lors d'un voyage en train, Mathieu Faber raconte aux passagers de son compartiment ses amours avec Conchita, femme séduisante qu'il tente de posséder. Mais elle se dérobe toujours à ses avances après lui avoir fait espérer le bonheur.

Pour son dernier film Buñuel revisite avec un humour corrosif toutes les frustrations de l'amour non partagé, tout le poids de l'éducation chrétienne et de la société bourgeoise.

Le summum de cette frustration est symbolisé par le sous-vêtement qu'enfile Conchita et qui, d'objet érotique, se transforme en ceinture de chasteté, impossible à dénouer.

La grande originalité de Buñuel dans ce film est de faire interpréter le rôle de Conchita par deux actrices très différentes, qui incarnent les deux aspects de sa personnalité. Cette substitution ne choque pas grace à la qualité de la mise en scène et l'évidence de cette symbolique.


"La femme et le pantin" a déjà fait l'objet de deux adaptations, l'une par Josef von Sternberg ((The Devil is a woman - 1935) avec une Marlene Dietrich improbable en Espagnole et l'autre, sans aucun intérêt, par Duvivier avec B Bardot (1958)

* VIOLETTE NOZIÈRE de Claude CHABROL, sorti en 1978
Scénario d'Odile Barski ; avec Isabelle Huppert, Stéphane Audran, Jean Carmet, Jean-Pierre Coffe.

En 1933, Violette (Isabelle Huppert) a 18 ans. Elle vit chez ses parents dans un minuscule appartement. De condition modeste, ils rêvent pour elle d'une existence plus brillante que la leur.
Violette étouffe dans cette atmosphère petite-bourgeoisie. Elle fuit la nuit et rencontre des hommes. Lorsqu'elle contracte la syphilis, c'est le scandale.
Dégoûtée par l'attitude lâche de ses parents, elle tente de les empoisonner une première fois, puis une seconde fois. Son père décède mais sa mère en réchappe.
La mère survit et accuse sa fille. L'opinion se passionne. En prison, elle maudit ses parents, se tourne vers Dieu et, plus tard, sera réhabilitée.

Claude Chabrol tente de comprendre son geste meurtrier. Il peint la médiocrité du ménage, la pitoyable trivialité du couple.
Il évoque la vie dans un étouffoir et la métamorphose de Violette qui, la nuit, se transforme en allumeuse fardée et débauchée.
Ce film se situe dans la grande lignée des charges sur la société bourgeoise de Chabrol qui trouvera son apogée dans " La Cérémonie" en 1995 avec là aussi Isabelle Huppert en meurtrière.


* MANHATTAN de Woody ALLEN, sorti en 1979, scénario de Woody Allen & Marshall Brickman. Noir et Blanc.
avec Woody Allen, Diane Keaton, Michael Murphy, Mariel Hemingway, Meryl Streep, Anne Byrne, Karen Ludwig, Michael O' Donoghue.

Isaac, 42 ans, est divorcé de Jill. Elle vit maintenant avec une femme, Connie, et écrit un livre dans lequel elle révèle certains détails de cette nouvelle relation. Isaac sort avec une jeune fille de 17 ans, Tracy, quand il rencontre Mary, la maîtresse de son meilleur ami Yale. Ecrivain, Isaac appartient au monde des intellectuels new-yorkais, pour qui Manhattan et Broadway sont le centre du monde qu'ils refont régulièrement à leur manière. Isaac travaille à la télévision, où il jouit d'une grande notoriété. Mais Il est perturbé et est, depuis vingt ans, en analyse.

Ce film, pourtant considéré par Woody Allen comme raté ( fausse modestie ?) est un des plus purs et des plus complets de son œuvre. C'est d'abord une description nostalgique et amoureuse de New-York, des ses gratte-ciel impossibles à voir dans leur totalité, et de cette vie de village qui s'y crée néanmoins. C'est une description féroce de ces intellectuels raffinés, cultivés, mais qui agisse de façon égoïste, instinctive et irrationnelle dans leur vie réelle.
On retrouve également, comme d'habitude chez Allen, le coté autobiographique et analyse personnelle du juif new-yorkais. L'humour acide est présent, comme par exemple cet analyste, absent à un moment crucial, pour cause d'overdose.

Woody Allen déclare "Quand j'étais jeune, j'étais fasciné par New York. J'aime encore cette ville malgré ses problèmes, mais je voulais la montrer comme je l'ai vue quand j'étais enfant. Et cela allait très bien avec le thème du film, un thème que peu de gens ont remarqué : celui du vieillissement. Malgré les apparences, c'est un film triste. L'histoire de quelqu'un qui voit sa ville comme elle n'existe plus depuis des années, sur une musique qui a l'âge de son rêve ("Rhapsody in Blue" de George Gershwin) et dans le style de films noir et blanc qui était populaire à l'époque."


* LE TAMBOUR (Die Blechtrommel) de Volker Schlöndorff, sorti en 1979, Allemagne.
Adaptation du roman de Günter Grass (1959); Palme d’Or à Cannes 1979 et Oscar du meilleur film étranger 1980
avec Andrea Ferreol, Angela Winkler, Charles Aznavour, Daniel Olbrychski.

En 1924, à Danzig, "ville libre" à l'époque, un enfant précoce voit le jour: Oskar Matzerath. Le petit Oskar, trois ans, est témoin du cours de l’histoire, entre autres de la montée du nazisme, mais il n’aime pas ce qu’il voit. Il décide alors de protester en refusant de grandir.

Pour son troisième anniversaire, Oskar reçoit en cadeau un tambour en fer-blanc, et c'est sur ce tambour qu' il dit son désaccord avec le monde; en jouant de son tambour, il parvient même à dérégler la belle mécanique des marches nazies. Très tôt, Oskar sait aussi que sa voix est capable de briser le verre - son cri perçant devient alors une arme nouvelle dans la révolte de l'enfant.
Oskar voit, avec ses yeux d'enfant, tous les grands événements qui secouent le monde: l'Anschluss de Danzig au Reich, la Nuit de Cristal, la guerre; il devient artiste du théâtre aux armées, sur la ligne Siegfried.
Au plan individuel, il vit pleinement le chaos du monde. Il enterre ses deux pères présumés, il est en partie responsable aussi de la mort de sa mère; il met enceinte sa future belle-mère, il partage le lit de la femme d'un marchand de légumes et il tombe amoureux de Raguna, une lilliputienne.

A la fin de la guerre, après la défaite des Allemands et leur expulsion de Danzig, Oskar décide de grandir à nouveau afin de pouvoir à l'avenir avoir part au monde des adultes.

Ce film reçût un accueil mitigé en Allemagne, car il mettait brutalement la bourgeoisie allemande devant ses responsabilités passées ou présentes, sa passivité devant la montée du nazisme, son hypocrisie. Et pourtant le roman de Grass était plus violent et sexuellement très libre. Oskar finissait dans un asile d'aliénés, montrant ainsi le sort réservé à ceux qui osent se révolter.

Günter Grass a participé à la simplification et à l'adaptation de son roman et a collaboré aux dialogues. Il souligne l'actualité de son personnage vingt ans après sa création: "Je trouve qu'il y a une foule d'Oskar Matzerath dans la jeune génération. Et je crois qu'en Allemagne, il y a beaucoup de gens qui ne veulent pas devenir adultes, qui gardent leurs culottes courtes jusqu'à un âge très avancé et qui aimeraient se soustraire au processus de la maturation et aux mutilations que l'on doit endurer lorsqu'on devient adulte."


La suite... le Cinema des années 80

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