Les années 1984 à 1986
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Films de l’année 1985:
| Films de l’année 1986:
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* PARIS TEXAS de Wim WENDERS, sorti en 1984, Palme
d'Or Cannes 1984
avec N Kinsky, H D Stanton, D Stockwell, Aurore Clément,
John Lurie
Un homme en costume sombre et
casquette rouge marche en plein désert. A partir de là, se reconstitue
l'histoire d'un homme brisé par un choc émotionnel violent et qui
tente de se retrouver en même temps que nous découvrons son histoire.
Wenders prend à son compte le genre américain du Road Movie pour
en faire un film sur la recherche de l'identité d'un homme à la
dérive.
La musique lancinante de Ry Cooder accompagne ce lent cheminement.
Travis nous apparaît comme surgit de nulle part, se dirigeant vers nulle part. A la fin du film, il s'enfoncera dans la nuit, vers une destination inconnue. Impossible de ne pas songer à l'archétype du héros de western. C'est de l'espace que naît le film. La référence au western est donc naturelle et incontournable comme il était logique et évident que la fascination de Wenders pour le cinéma américain le mène ainsi à se replacer ainsi dans les conditions de surgissement du mythe cinématographique.
L'un des fondements du plaisir intense procuré dès les premiers plans du film tient au sentiment de retour aux origines du cinéma. De l'exploration de l'espace par le regard de la caméra naissent conjointement un personnage et une fiction, celle de la recherche d'une identité à travers la filiation et la (re)constitution d'une famille.
Le titre même du film renvoie métaphoriquement au rapport Europe-USA. A la fascination des européens pour le Nouveau Monde répond celle des Américains pour le vieux continent, enraciné dans le passé. Par là se rencontrent les deux axes du film : l'espace et la filiation. Travis a acheté un terrain à Paris-Texas, là où il fut conçu, d'après ce que lui a raconté le père. Le trajet de Travis répond à l'évolution du cinéma américain d'un espace ouvert et illimité à un espace fermé, délimité par des vitres, des cloisons, des portes, de l'aventure à l'introspection, des déserts aux cabines de peep-show et à l'appartement qui l'isolera finalement Jane et Hunter réunis.
Ce que "Paris-Texas" nous fait découvrir, c'est le rôle même du cinéma, cette possibilité de percevoir la réalité brute, hors de toute catégorie, de tout système qui en effacerait l'originalité absolue. Travis, comme tous les héros de Wenders, ne perçoit pas le monde comme un système cohérent dans lequel il est impliqué, mais comme une succession de moments, d'images, de spectacles dont il devient le spectateur privilégié et qu'il se met alors à découvrir en dehors de sa présence. Seuls les reflets de Jane et de Travis peuvent se fondre sur la glace sans tain, mais eux ne peuvent se parler que par téléphone ou en se tournant le dos.
Le seul amour que peut donner Travis consiste à rapprocher la mère et le fils. Il s'efface devant l'impossibilité d'une relation avec Jane. Sur le plan métaphorique le père justicier issu du mythe du western ne peut que disparaître : la constitution de ce nouvel espace, de cette autre famille se paie de la perte du héros, de sa dissolution dans l'espace et l'absence de lumière.
* LES NUITS
DE LA PLEINE LUNE de Éric ROHMER, sorti en 1984,
avec Pascale
Ogier, Fabrice Luchini, Tchéky Kario ; voir Les Nuits de la pleine lune
Ce
quatrième film de la série "Comédies et Proverbes",
illustre le proverbe russe: "Qui a deux femmes perd son âme, qui a
deux maisons perd sa raison". Louise, qui se détache peu à
peu d'Octave, décide de louer un studio pour éprouver sa nouvelle
liberté.
Un des prototypes du cinéma de Rohmer: sous une forme
légère et drôle, une analyse lucide sur la liberté
dans un couple, sur le hasard, l'humanité et l'animalité ( de l'influence
supposée des nuits de pleine lune sur les instincts humains... )
A
voir: biographie et filmographie complète d'Eric Rohmer
Sam est un petit employé dans un ministère
quelconque. Il mène une existence aussi paisible que le permet un monde décadent
secoué, à tous moments, par des attentats terroristes sanglants. Sam est un homme
modeste, soumis, effacé, qui n'a qu'une ambition : Passer inaperçu. Sam est intelligent, mais ne veut pas le montrer. Il préfère le doux cocon de ses rêves érotiques à la course à la réussite et à l'éternelle jeunesse qui obsède tant ses semblables. Un jour, pourtant, la femme de ses rêves déboule dans sa vie, il commence alors à s'interroger sur le bien-fondé des décisions de ceux qui le gouvernent. Mais les questions sont malvenues dans un univers autoritaire se chargeant de briser l'individu qui remet ses bases en questions. Pour l'homme détruit, il ne reste plus qu'à se réfugier dans le rêve, qui l'entraîne bien loin sur les accents joyeusement ironiques d'une mélodie brésilienne. De plus par malchance, il se trouve tout proche d'un dangereux terroriste recherché par la police. | ![]() |
Terry Gilliam s'est bien sûr inspiré
du roman "1984" de George Orwell, d'autant plus que le film a été
tourné en cette année 1984. Mais il l'a rendu encore plus inquiétant
parce que plus crédible. Les moyens modernes d'espionnage électronique,
de croisement de fichiers informatisés, le gigantisme des mégalopoles
sont devenus des réalités. Mais l'humour dévastateur style "Monthy Python" vient en permanence en contrepoint de ce constat angoissant de l'écrasement des individus par des machines aveugles. | ![]() |
* Sans toit
ni loi , d' Agnès Varda, sorti en 1985, scénario d' Agnès Varda, Image
de Patrick Blossier, Montage de Patricia Mazuy, durée 105 mn, Lion d'Or à Venise
en 1985;
avec Sandrine Bonnaire (Mona Bergeron ), Setti Ramdane ( le marocaine qui la
trouve), Francis Balchère ( un gendarme), Jean-Louis Perletti ( un gendarme),
Urbain Causse ( un paysan), Christophe Alcazar ( un autre) Dominique Durand
( le premier motard) Joël Fosse ( l'autre, Paulo, amant de Yolande), Patrick
Schmit , Daniel Bos.
Voir aussi Sans toit ni loi
Le film commence comme un fait divers, d'hiver!: un matin, une jeune vagabonde est découverte morte de froid dans un fossé. Son nom est Mona. Au fil des témoignages, on découvre sa vie et les raisons qui l’ont conduite à tout quitter pour prendre la route. Elle a choisi la liberté absolue, avant de sombrer, sans ressources, dans la plus extrême pauvreté. Elle meurt à l’arrivée des premiers froids et personne ne vient réclamer son corps, qui sera jeté dans la fosse commune.
Ce film courageux est un portrait flash back, une sorte de reconstitution éclatée. Un portrait enquête, comme un documentaire. Varda ne donne pas dans la dentelle. Un portrait fragile à travers le témoignage de ceux qui l’avait croisée à un moment donné de son errance. Mona, elle s’appelait Mona, avait tout quitté. Elle avait pris la route. « C’est une fille qui pue, qui dit merde à tout le monde et jamais merci », dit Agnès Varda.
En 1985, Sans toit ni loi fait figure d’exception dans un cinéma français alors tout entier voué au culte de l’image propre et de l’esthétique publicitaire. Agnès Varda, cinéaste issue de la Nouvelle Vague, renoue ici avec une tradition néoréaliste et révoltée, celle d’un cinéma volontiers libre et, à de nombreux égards, moins conformiste. Tourné sans scénario ni plan de travail précis, Sans toit ni loi s’est inventé au fur et à mesure de sa réalisation et de son déroulement, cherchant sa vérité à tâtons plutôt que la construisant méthodiquement. La contingence et le hasard jouent ici un grand rôle, que ce soient ceux qui président au tournage lui-même, en écho aux rencontres faites par Mona sur la route.
Cette disponibilité à tous les aléas, qui est celle de la cinéaste autant que de son personnage, a sans doute été la seule manière de faire un film qui ne cherche jamais à juger Mona, ni à expliquer sociologiquement son cas, mais qui se contente de l’accompagner, dans son trajet plus que dans son parcours psychologique. Ce personnage mystérieux doit énormément à son interprète, Sandrine Bonnaire : révélée deux ans auparavant par À nos amours de Maurice Pialat, la jeune actrice fait ici une composition remarquable de vérité et d’intensité.
La comète de Halley dégage une chaleur oppressante et la population parisienne
est frappée par un virus tuant tous ceux qui osent faire l'amour ensemble sans
s'aimer réellement. Mauvais
Sang est un film poétique, décalé et éminemment personnel. C'est un thriller lyrique
où l'amour fou a plus d'importance que les coups de feu. | ![]() |
* MELO, d'Alain
RESNAIS, sorti en 1986
D'après la pièce d'Henry
Bernstein, avec Sabine Azema , Pierre Arditi, André Dussollier, Fanny
Ardant.
Deux César pour S Azema ( meilleure actrice) et Arditi
( meilleur second rôle)
Un célibataire
et un couple confrontent leurs vies respectives: le premier n'a plus que les souvenirs,
le second n'a plus que les compromis. Lui se voile la face quand son meilleur
ami, Marcel, séduit sa femme. La tragédie couve sous ces faux-semblants...
Dans chaque cas, l'échec est béant, les regrets chahutent le quotidien. Il suffit
que l'héroïne cède à la tentation de rectifier son destin pour que l'apocalypse
s'abatte sur les têtes du trio maudit.
* 37°2 LE MATIN de Jean-Jacques BEINEIX, sorti en 1986, d'après le roman homonyme de Philippe Djian publié en 1985 ; durée: 120 mn / version longue:185 mn ; avec Jean-Hugues Anglade (Zorg), Béatrice Dalle (Betty), Gérard Darmon (Eddy), Consuelo De Haviland (Lisa), Clémentine Célarié (Annie), Jacques Mathou (Bob), Vincent Lindon (Richard) (voir fiche détaillée)
Dans une station balnéaire (Gruissan et ses maisons sur pilotis),
hors saison. Un jeune homme nommé Zorg, qui travaille comme peintre-bricoleur-dépanneur,
est installé dans une petite baraque, non loin de la plage. Depuis huit jours,
il vit une histoire d'amour sensuelle et passionnée avec Betty. Elle prend de
plus en plus de place dans la vie de Zorg, et le distrait de son travail - ce
qui ne va pas plaire du tout au patron de Zorg, qui est aussi le propriétaire
de la baraque où il vit. Lorsque, se croyant enceinte, elle apprend finalement qu'elle ne l'est pas, elle sombrera dans la dépression. Elle va de plus en plus mal, elle se crève un oeil et est hospitalisée d'urgence. Zorg la retrouve dans un état quasi comateux, et décide de mettre fin à son calvaire en l'étouffant sous son oreiller. Betty reste présente pour Zorg et c'est cette présence qui lui donne la force d'écrire de nouveau. Jean-Jacques Beineix a souligné qu'il ne fallait chercher de psychologie dans son film: "Le film décrit les rapports étonnants d'un couple, il décrit une époque, avec un style, une modernité qui correspond à cette époque. Au risque de déconcerter certains, ni Djian, ni moi n'avons cherché à analyser les motivations de cette fille et de ce garçon". Cependant il est légitime de se
poser la question : La personnalité de Betty dans le film correspond-elle
à une description précise d'un trouble mental? | ![]() ![]() |