Le bon Plaisir, film français de Francis Girod, sorti en 1984. Un film troublant, à clé, passé à l'époque pour un pur divertissement, mais qui doit être revu à la lumière de l'Histoire.
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Critique Claire a eu un enfant d'un homme marié. Dix ans plus tard, cet homme qui ne sait pas qu'il a un fil naturel, est devenu Président de la République. En rentrant chez elle, Claire se fait voler son sac. L'incident serait mineur si le sac ne contenait une lettre de son amant, vieille de dix ans, lui conseillant de se faire avorter d'un fils qu'elle a décidé de garder et qui vit à présent aux Etats-Unis. L'auteur de ce triste conseil est aujourd'hui président de la République. Par loyauté, Claire l'informe du larcin. Pour éviter le scandale, le président met sur l'affaire son ministre de l'Intérieur et vieux complice, Pollux. De son côté, le jeune voleur, Pierre, montre la lettre à Herbert, un journaliste d'opposition, qui n'a aucune peine à en identifier le destinataire et l'auteur. L'avertissement
en exergue du roman est formel: "Tout est imaginaire dans cette histoire. Les
personnages, que ne saurait ouvrir aucune clef, et la situation, qui ne recouvre
aucune réalité connue de l'auteur. Donc, toute ressemblance avec des personnages
vivants ou morts ne saurait être que fortuite. On comprend qu'une ressemblance trop directe avec un homme politique existant aurait pu nuire aux auteurs. En France, la loi sur la presse de 1881, pour libérale qu'elle ait été, a d'emblée placé à l'abri de l'attaque des journaux le président de la République et protégé les hommes publics contre les injures et la diffamation. En ce sens, le dénouement du Bon Plaisir est assez bien vu : Claire, qui a toujours gardé dans son sac la lettre où son amant, soucieux de sa carrière, lui demandait d'avorter, ne songe pas à user de ce superbe moyen de chantage pour récupérer celui qui l'a abandonnée. L'affaire, au bout du compte, est étouffée: le ministre de l'intérieur fait éloigner le petit Pierre et disparaître les traces du document entre-temps dérobé. Mais c'est qu’il est difficile de s’attaquer à pareil sujet. Difficile de ne pas se vautrer les pieds dans la caricature grossière et maladroite des hommes d’états. D’ailleurs, Mike Nichols avait en partie esquivé le problème avec Primary Colors, en tournant ouvertement son récit d’un sénateur américain en pleine ascension en soit disante farce quasi auto parodique, dont Clinton était bien évidemment le référent symbolique. Le Bon Plaisir n’aborde pas la situation au même niveau, bien que l’on soit toujours dans le registre de la comédie, et se propose même de jouer la carte d’un premier degré surprenant et plus absolu, franc et sûrement un peu naïf, qui présente alors le film comme le théâtre d’une comédie dramatique intimiste presque quelconque. Le choix du casting, avec en tête Jean Louis Trintignant (le
rôle carré du président) et Michelle Serrault (le ministre philosophe) propose
et établi d’ailleurs très bien le statut auquel tend Francis Girod : celui de
la fable réaliste. Il n'est pas clairement établi qu' il savait au moments
du tournage tout ce que sera rendu public une dizaine d'années plus tard
mais en tous cas, il rend un portrait médiatiquement très fidèle d’un président
français élu tout juste et qui débutait son mandat depuis un temps relativement
court à la sortie du Bon Plaisir.
Le film en lui-même n'est pas sans défauts. Le meilleur, c'est un trio
de personnages aussi bien campés qu'interprétés. Jean-Louis Trintignant est sublime
d'humour, de méchanceté et de suffisance dans le rôle du Président. Michel Serrault
interprète l'adjoint bon à tout faire du Président, le chien de son maître. Il
est dans un registre qu'il connaît parfaitement et dans lequel il excelle. Plus
étonnant, le personnage de l'ex-maîtresse du président joué par Catherine Deneuve
qui, tout à la fois, connaît les secrets du Président et qui pourtant prend tout
cette affaire avec une telle légèreté qu'elle confère à la situation le regard
du bon sens et donne de l'humour à ce vaudeville de pacotille. Paroles de Catherine Deneuve: Si c'était l'histoire d'un PDG anonyme qui retrouve son ancienne petite amie, ce serait moins rigolo. Cela dit, le film est très discret. On ne dit pas de choses gênantes. Je n'aurais pas aimé ça du tout et même, je ne l'aurais sûrement pas accepté. J'aime bien ce film et son ton, son humour. Les rapports entre le président, le ministre et moi sont formidables, comme les rapports entre Michel Auclair et le jeune homme qui m'a volé la lettre. C'est un film qui parle de politique sans indiscrétion. On sent tout de suite que c'est très réaliste. Mon rôle ne fut pas très facile à jouer. Claire n'agit pas, elle réagit. D'entrée on la soupçonne d'avoir elle-même donné la lettre pour faire un scandale. Elle est gelée, coincée dans ses réactions, et, alors que le président et le ministre n'ont que leur pouvoir à défendre, elle a un être humain, son fils de dix ans, qu'elle a eu avec le président. Il y a quelque chose de bien articulé dans les rapports des personnages, parce que c'est raconté comme une roman policier, parce que la situation est originale, à la limite justement entre la vie privée et publique. Intéressant de voir comment des gens connus utilisent leur pouvoir. |
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