Le bon Plaisir

 

Le bon Plaisir, film français de Francis Girod, sorti en 1984.

Un film troublant, à clé, passé à l'époque pour un pur divertissement, mais qui doit être revu à la lumière de l'Histoire.

  • Réalisateur : Francis Girod
  • Scénario : Françoise Giroud et Francis Girod
  • d'après le roman éponyme de Françoise Giroud, publié en 1983.
  • Directeur de la photo : Jean Penzer
  • Musique originale: Georges Delerue
  • Production: Marin Karmitz
  • Durée: 100 minutes
  • Date de sortie: 18 janvier 1984

Distribution:

  • Catherine Deneuve : Claire Després
  • Michel Serrault : le ministre de l'intérieur
  • Jean-Louis Trintignant : Le President
  • Michel Auclair : Herbert
  • Hippolyte Girardot : Pierre
  • Claude Winter : La présidente
  • Matthew Pillsbury : Mike
  • Alexandra Stewart : Julie Hoffman
  • Janine Darcey : Berthe

Critique

Claire a eu un enfant d'un homme marié. Dix ans plus tard, cet homme qui ne sait pas qu'il a un fil naturel, est devenu Président de la République.

En rentrant chez elle, Claire se fait voler son sac. L'incident serait mineur si le sac ne contenait une lettre de son amant, vieille de dix ans, lui conseillant de se faire avorter d'un fils qu'elle a décidé de garder et qui vit à présent aux Etats-Unis. L'auteur de ce triste conseil est aujourd'hui président de la République. Par loyauté, Claire l'informe du larcin. Pour éviter le scandale, le président met sur l'affaire son ministre de l'Intérieur et vieux complice, Pollux. De son côté, le jeune voleur, Pierre, montre la lettre à Herbert, un journaliste d'opposition, qui n'a aucune peine à en identifier le destinataire et l'auteur.

L'avertissement en exergue du roman est formel: "Tout est imaginaire dans cette histoire. Les personnages, que ne saurait ouvrir aucune clef, et la situation, qui ne recouvre aucune réalité connue de l'auteur. Donc, toute ressemblance avec des personnages vivants ou morts ne saurait être que fortuite.
A l'époque le " Tout-Paris ", alléché par une promotion-teasing originale composée d' affiches avec numéros de téléphone, a eu beau s'adonner au petit jeu des devinettes, la fiction a gardé ses droits. Jean-Louis Trintignant, en président de la République constipé, monarchique et royal, est incontestablement très vraisemblable, mais sans qu'on puisse en dire plus. Puisque le seul vrai indice, son pied-bot, ne fait guère penser qu'au très vieux Talleyrand. Toutes ces précautions sont assez logiques, somme toute, puisque dans le Bon Plaisir, le président est le père clandestin d'un enfant naturel, fruit d'une passion, déjà vieille de dix ans, avec la belle et froide Claire.
Le plus drôle de la publication du roman par Françoise Giroud est le choix de la collection "Mazarine"!

On comprend qu'une ressemblance trop directe avec un homme politique existant aurait pu nuire aux auteurs. En France, la loi sur la presse de 1881, pour libérale qu'elle ait été, a d'emblée placé à l'abri de l'attaque des journaux le président de la République et protégé les hommes publics contre les injures et la diffamation. En ce sens, le dénouement du Bon Plaisir est assez bien vu : Claire, qui a toujours gardé dans son sac la lettre où son amant, soucieux de sa carrière, lui demandait d'avorter, ne songe pas à user de ce superbe moyen de chantage pour récupérer celui qui l'a abandonnée. L'affaire, au bout du compte, est étouffée: le ministre de l'intérieur fait éloigner le petit Pierre et disparaître les traces du document entre-temps dérobé.

Mais c'est qu’il est difficile de s’attaquer à pareil sujet. Difficile de ne pas se vautrer les pieds dans la caricature grossière et maladroite des hommes d’états. D’ailleurs, Mike Nichols avait en partie esquivé le problème avec Primary Colors, en tournant ouvertement son récit d’un sénateur américain en pleine ascension en soit disante farce quasi auto parodique, dont Clinton était bien évidemment le référent symbolique. Le Bon Plaisir n’aborde pas la situation au même niveau, bien que l’on soit toujours dans le registre de la comédie, et se propose même de jouer la carte d’un premier degré surprenant et plus absolu, franc et sûrement un peu naïf, qui présente alors le film comme le théâtre d’une comédie dramatique intimiste presque quelconque.

Le choix du casting, avec en tête Jean Louis Trintignant (le rôle carré du président) et Michelle Serrault (le ministre philosophe) propose et établi d’ailleurs très bien le statut auquel tend Francis Girod : celui de la fable réaliste. Il n'est pas clairement établi qu' il savait au moments du tournage tout ce que sera rendu public une dizaine d'années plus tard mais en tous cas, il rend un portrait médiatiquement très fidèle d’un président français élu tout juste et qui débutait son mandat depuis un temps relativement court à la sortie du Bon Plaisir.
S’ajouterait alors à la fable réaliste, un élément quasi documentaire, qui s’imposerait comme témoin historique des mœurs d’une certaine époque. Cependant, là n’est pas du tout le propos premier de ce Bon Plaisir, qui se veut avant tout le récit de contacts, de rapports entre personnages dont Girod espère fortement qu’on dépasse leur rang pour s’y attacher fondamentalement. Le protagoniste pivot de cette narration est alors bien entendu Claire. Elle constitue l’intermédiaire qui passionne Girod, le chaînon manquant entre la vie publique et cette vie privée, coulisse interdite de la vie politique.

Le film en lui-même n'est pas sans défauts. Le meilleur, c'est un trio de personnages aussi bien campés qu'interprétés. Jean-Louis Trintignant est sublime d'humour, de méchanceté et de suffisance dans le rôle du Président. Michel Serrault interprète l'adjoint bon à tout faire du Président, le chien de son maître. Il est dans un registre qu'il connaît parfaitement et dans lequel il excelle. Plus étonnant, le personnage de l'ex-maîtresse du président joué par Catherine Deneuve qui, tout à la fois, connaît les secrets du Président et qui pourtant prend tout cette affaire avec une telle légèreté qu'elle confère à la situation le regard du bon sens et donne de l'humour à ce vaudeville de pacotille.
Le moins bon concerne non plus cette sphère de personnages mais tout ce qui gravite autour de l'histoire du chantage qui est tout de même le sujet principal du film. Certes, on saluera le clin d'œil à La lettre volée d'Edgar Poe, mais la mise en place de cette lettre est assez lourde et artificielle. D'abord parce que cette histoire tourne autour de Pierre, un personnage flou, trop mou et gentil, pas assez clair quant à ses motivations.
Derrière Pierre se trouve toute la partie faible du scénario qui fait s'enchaîner les invraisemblances : le vol n'est pas justifié par le caractère du personnage, le passage de la lettre à l'éditeur se fait d'une manière ampoulée, peu plausible aussi le courrier qui, déposé à l'entrée de l'Élysée, passe tout naturellement au président sans aucune barrière, Michel Serrault qui se veut discret et qui laisse sa grosse voiture avec ses chauffeurs et gardes du corps devant la maison dans laquelle il se rend en cachette
Ce film inégal possède une force nouvelle depuis quelques années, depuis en fait la mort de François Mitterrand et la remontée de ses secrets d'alcôve.

Paroles de Catherine Deneuve:

Si c'était l'histoire d'un PDG anonyme qui retrouve son ancienne petite amie, ce serait moins rigolo. Cela dit, le film est très discret. On ne dit pas de choses gênantes. Je n'aurais pas aimé ça du tout et même, je ne l'aurais sûrement pas accepté.

J'aime bien ce film et son ton, son humour. Les rapports entre le président, le ministre et moi sont formidables, comme les rapports entre Michel Auclair et le jeune homme qui m'a volé la lettre. C'est un film qui parle de politique sans indiscrétion. On sent tout de suite que c'est très réaliste. Mon rôle ne fut pas très facile à jouer. Claire n'agit pas, elle réagit. D'entrée on la soupçonne d'avoir elle-même donné la lettre pour faire un scandale. Elle est gelée, coincée dans ses réactions, et, alors que le président et le ministre n'ont que leur pouvoir à défendre, elle a un être humain, son fils de dix ans, qu'elle a eu avec le président.

Il y a quelque chose de bien articulé dans les rapports des personnages, parce que c'est raconté comme une roman policier, parce que la situation est originale, à la limite justement entre la vie privée et publique. Intéressant de voir comment des gens connus utilisent leur pouvoir.