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François Truffaut et la mort La présence de la Mort
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La mort et le culte des morts occupent une place à part dans la vie
et l'oeuvre de François Truffaut.
Il a en effet consacré un film entier au culte des morts La
Chambre verte , il a fait de l'esthétique du crime
et de la vengeance le thème de La Mariée était
en noir. La plupart de ses films évoquent ce thème de
la mort, sans jamais par ailleurs prendre ce thème au tragique.
Enfin la conduite de sa vie est marquée par la sensation de la brièveté
de notre passage sur Terre.
![]() Jean-Pierre Léaud dans Les 400 Coups |
François Truffaut dès son premier film, Les Mistons (1957) qui aurait pu être un court métrage léger sur l'initiation à l'amour du bande de jeunes garçons, introduit vers la fin la mort tragique de Gérard, dans un accident de montagne, comme en écho aux jeux guerriers et aux simulations des enfants. Dans son premier long métrage, Les
quatre cents coups(1959) Antoine raconte que sa mère est
morte pour excuser une absence injustifiée. Dans son enfance, comme dans le film, il dévore Balzac, au point de lui dresser un autel avec des bougies, provoquant d'ailleurs un début d'incendie. Cette scène préfigure l'autel des morts de La Chambre verte |
![]() Document daté de 1970 |
Sans céder au surnaturel et affirmer que François Truffaut avait le pressentiment de sa mort brutale et prématurée à 52 ans, il est indéniable qu'il a toujours été un cinéaste impatient et boulimique, enchaînant les projets et les tournages. Alors qu'un cinéaste comme Alain Resnais ne passera au long-métrage qu'à 37 ans et prendra 50 années pour tourner 18 films; Truffaut ne tourne que 3 courts-métrages, réalise son premier long à 27 ans, enchaîne 21 réalisations en 23 ans avec des années comportant deux tournages. Le document ci-contre montre, par exemple, que mi-1970 trois films étaient en cours et 9 projets étaient identifiés, dont Adèle H , Le tournage devenu La Nuit Américaine, des Enfants pareils qui deviendra L'argent de poche et La petite Voleuse qui sera tourné en 1985 par Claude Miller. Pour se donner toute latitude de tourner à sa guise et sans
contraintes, François Truffaut se dote très tôt de
sa propre maison de production, ce qui était très rare et
à plus forte raison pour un débutant. |
Un des thèmes principaux du film est que les morts
sont aussi présents dans notre vie que les vivants. En ce sens, il ne
tient qu'à nous de ne pas les perdre.
Comme l'énonce Julien Davenne à un jeune veuf: " Ne pensez
pas que vous l'avez perdue, pensez que maintenant vous ne pouvez plus la perdre.
Consacrez-lui toutes vos pensées, tous vos actes, tout votre amour. Vous verrez
que les morts nous appartiennent si nous acceptons de leur appartenir. Croyez
moi, nos morts peuvent continuer à vivre. "
Dans La Chambre verte (1978)
, Truffaut ne confie à personne d'autre que lui le rôle délicat
de Julien Davenne, un homme qui se préoccupe plus des disparus
que des vivants. Il écrit aussi: " Chaque année, il nous faut rayer des noms sur le carnet d'adresses de notre agenda et il arrive un moment ou nous nous apercevons que nous connaissons plus de morts que de vivants"; et encore "contrairement a ce que les habitudes sociales et religieuses font croire, il arrive que l'on entretienne avec certains morts des relations aussi agressives et passionnées qu'avec les vivants. Les péripéties de "La chambre verte" tournent autour de ces questions: faut-il oublier les morts ? Que se passerait-il si, indifférents à l'usure du temps, nous leur restions attaches par des sentiments aussi violents que ceux qui nous lient aux vivants ?" |
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Julie Kohler voit son mari abattu sur le seuil de l'église.
En quelques minutes elle passe du blanc au noir. A priori La Mariée était
en noir ( 1967) est une histoire de vengeance, une apologie de l'auto-défense,
moralement douteuse. |
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La mort comme une fin inéluctable
Truffaut a souvent conclu ses films par la mort du ou des personnages
principaux, comme si les contradictions, les souffrances ou les doutes de
ceux-ci ne pouvaient disparaître que dans la mort.
Sans jamais montrer de complaisance ni de voyeurisme, cette fin, même
pudique garde quand même souvent un coté spectaculaire et symbolique.
Dans Jules et Jim, alors
que les deux hommes, ont échappé au massacre de la grande
guerre et que le trio arrive à ne pas tomber dans les pièges
de la jalousie, le dénouement est cependant tragique. La jalousie est par contre très présente dans
La Peau douce et entrainera la mort de Pierre. Dans ces deux films la mort apporte une solution radicale à une situation que l'on pensait résolue par un compromis, mais qui est est jugé non acceptable par l'héroïne forte et entière qui est souvent la marque des films de Trauffaut. |
![]() Franca (Nelly Benedetti) à la fin tragique de "La Peau douce" |
De la même façon dans la
Femme d'à coté toutes les solutions pour faire baisser la tension
échouent. Tour à tour Mathilde et Bernard essaient d'être
"raisonnables " et font une tentative de distanciation.
Bernard évite au début du film de se trouver en tête
à tête avec Mathilde. Après leur rechute, Mathilde tente
de s'isoler dans la dépression. Mais aucune de ces voies n'est satisfaisante
et la seule issue du "ni avec toi, ni sans toi" se trouve dans
la mort.
A propos de la Femme d'à coté Truffaut écrit: "Ils sont encore
tous deux dans l'exaltation du "tout ou rien" qui les a déjà séparés huit
ans plus tôt. Lorsque le hasard du voisinage les remet en présence, dans
un premier temps Mathilde se montre raisonnable, tandis que Bernard ne parvient
pas à l'être. Puis la situation, comme le cylindre de verre d'un sablier,
se renverse et c'est le drame."
François Truffaut est toujours vivant dans l'œuvre des cinéastes d'aujourd'hui
qu'ils soient français ou étrangers.
Même si Truffaut n'a pas donné naissance à une véritable école, même
si son style n'a rien de flamboyant, il a cependant laissé des traces dans
le cinéma français contemporain, par la façon qu'ont certains cinéastes
de raconter des histoires ou par les sujets qu'il choisissent.
Arnaud Despléchin (Comment je me suis disputé... ma vie sexuelle),
Olivier Assayas (Clean) ou François
Ozon (5X2)ont des accents "truffaldiens" dans leur travail d'écriture
et les thèmes choisis. On trouve dans leur cinéma, tous les ingrédients
du "cinéma d'auteur" (chassé-croisé amoureux avec ampleur romanesque dans
un récit d'une grande fluidité).
Dans Huit femmes d'Ozon, la scène
d'amour entre Catherine Deneuve et Fanny Ardant peut être considérée comme
un hommage à Truffaut (ces deux actrices ont été des interprètes majeures
dans ses films).
Pour Woody Allen, Truffaut "a été l'une des lumières du cinéma. Il a inspiré
les réalisateurs de ma génération. Ils étaient une douzaine et parmi ces
géants qui nous ont donné envie de faire du cinéma, il y avait Truffaut".
Steven Spielberg, qui l'a utilisé comme acteur dans
Rencontre du 3e type, déclare "Il y a quelque chose de profondément
innocent et pur chez Truffaut et dans ses films. On retrouve dans son uvre
la sensibilité de l'enfance. Je ne pourrais pas tourner Jules et Jim
ni La nuit américaine. Truffaut n'aurait pas fait Les dents de
la mer. Truffaut est ce qu'il est, à cause de son passé, son histoire
et son uvre".
Dans son dernier film Wong Kar-waï, 2046,
rend un double hommage à Truffaut, par sa façon de filmer
les jambes des femmes ( L'Homme qui aimait
les femmes) et en reprenant des musiques de Georges
Delerue
4 octobre 2004: Renaud Donnedieu
de Vabres a rendu hommage à François Truffaut, à l'occasion du 20e anniversaire
de la mort du cinéaste le 21 octobre 2004:
"Voici 20 ans que nous sommes tous orphelins de François Truffaut", a déclaré
le ministre de la Culture ; "Ses uvres ont changé tous ceux qui les
ont vues", a ajouté le ministre, qui a rendu hommage à Truffaut et à "sa
mémoire, son talent, son génie, son humanité, son actualité".
Le ministre a également, lors de cet hommage à Truffaut, lu un message de
Jacques Chirac, qui a souligné qu'il y a 20 ans, "la France perdait l'un
de ses créateurs les plus singuliers et les plus féconds, une personnalité
profondément attachante et un véritable ambassadeur de notre culture dans
le monde".
Le président de la République a salué dans le réalisateur de La nuit américaine
et du Dernier métro "le cinéaste des sentiments personnels", dont les films
"touchent à l'universel", et a rendu hommage à "une uvre unique dont
le rayonnement dépasse nos frontières".
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