Voir page détaillée sur l'origine et les préparatifs de la production de la bombe | |
Le choix des villes cibles: Le 12 mai 1945, une
délibération importante étudie le choix des villes et
les impacts du lancement. Le 1er juin des propositions sont faites
au président Harry Truman, successeur de Roosevelt. Parmi ces propositions, on
y retrouvait celle d'utiliser la bombe nucléaire contre le Japon, le plus tôt
possible, sans avertissement, sur une cible peuplée et d'importance militaire. |
![]() Harry Truman (1884-1972) Président des USA 1945-1953 |
La décision
La
capitulation allemande signée, aucun doute n'était possible sur l'issue de la
guerre. Mais la question du prix humain est posée. Peu de temps auparavant, 12
500 alliés et plus de 200 000 japonais avaient laissé la vie pour la seule
conquête d'Okinawa (voir la bataille d'Okinawa et
ses lieux de mémoires actuels).
On estimait que les pertes s'élèveraient
au minimum à 500 000 tués, là où la victoire sur l'Allemagne avait entraîné 200
000 morts.
Le 17 juillet 1945 la conférence de Potsdam s'ouvre : il
s'agit de définir les conditions de survie de l'Allemagne vaincue. Le jour même
Truman reçoit un message codé l'informant du succès de l'essai
Trinity.
Truman et Churchill se mettent d'accord pour porter discrètement
à la connaissance de Staline l'existence de la bombe : ils le font le 24 juillet,
mais Truman ne mentionne ni le mot " nucléaire ", ni le mot " atomique ". Staline
n'y prête que peu d'attention …
Plus question d'hésiter : le succès
de l'expérience atomique exige une décision immédiate. Truman rédige une demande
de reddition inconditionnelle du japon intégrant la menace de l'utilisation d'armes
terribles. Elle sera signée également par Churchill. Le 26 juillet, un ultimatum
est adressé au Japon.
Le 28 juillet, l'ultimatum est rejeté et l'ordre d'utiliser
la bombe est aussitôt lancé.
Une autre raison probable de la décision d'utiliser l'arme atomique tient dans la montée des tensions entre américains et soviétiques après la chute de l'Allemagne nazie. Que ferait Staline de l'arsenal accumulé pour venir à bout du IIIème Reich? Truman a pu y voir l'occasion de lancer un avertissement aux soviétiques. Qui plus est, l'URSS allait entrer en guerre contre le Japon. Les américains ont pu être tentés de hâter la chute de l'Empire du Soleil Levant avant que les soviétiques ne l'envahissent, ce qui aurait établi une partition de fait du Japon similaire à ce qui fut établi en Allemagne ou dans la péninsule coréenne.
Dès
novembre 1944, des B29 sont modifiés pour recevoir l'arme atomique. Le 17 décembre
1944, le 509th Composite Group de la 20th Air Force commence à s'entraîner dans
l'Utah à des bombardements d'un type particulier: larguer une unique charge depuis
une altitude très élevée.
En fait, seul son chef, le colonel Tibbets, connaît
la teneur de leur mission. Les équipages s'entraînent ensuite à des largages de
"citrouilles", des conteneurs sans charge nucléaire.
Le 18 mai 1945, le 509th
arrive à Tinian, dans les îles Mariannes et commence en juillet le largage de
"citrouilles" bourrées d'explosifs classiques sur des objectifs japonais, pendant
que, dans le plus grand secret, "Fat Man" et "Little Boy", les deux bombes atomiques
d'un type différent, sont convoyées et assemblées.
Le 25 juillet, avant même la réponse du Japon à
l'ultimatum, Tibbets reçoit l'ordre
d'utiliser une de ses "armes spéciales" dès que la météo le permettra, à
partir du 3août, sur l'une de ces quatre cibles: Hiroshima, Kokura, Niigata
ou Nagasaki. La cible devait être clairement visible et le bombardement s'effectuerait
à une altitude proche de 30 000 pieds (environ 9100 m). À 2h45, le colonel Tibbets décolle à bord de l'Enola Gay. Il a donné à son appareil les prénoms de sa mère. Son appareil modifié (qui ne comportait pas de tourelle de mitrailleuse, hormis à la queue) emporte "Little Boy". Au passage au-dessus d'Iwo Jima, le capitaine Parsons se glisse dans la soute pour amorcer la bombe. L'Enola Gay grimpe alors pour atteindre son altitude de bombardement. | ![]() le B29 Enola Gay |
Le temps était
très clair sur Hiroshima. La ville avait été épargnée par les raids américains
et c'était à peine si une douzaine de bombes étaient tombées sur la ville en trois
ans. Les habitants s'étaient accoutumés à voir leur cité survolée par les B-29
qui allaient bombarder d'autres villes du Japon.
À 7h09, les sirènes retentissent:
un avion isolé a été repéré. Il s'agissait du B-29 "Straight Flush" qui venait
faire des observations météorologiques. Au même moment, deux autres appareils
survolaient Kokura et Nagasaki pour une mission de reconnaissance identique.
![]() Photo prise à 8h58 par un membre de l'équipage de l'Enola Gay altitude du nuage ~ 12 000 m (source US Army) | Compte
tenu des observations, l'Enola Gay se dirige vers Hiroshima. À 7h30, les habitants
d'Hiroshima pouvaient entendre le signal de fin d'alerte. À 8h 14, "Little Boy" est larguée et l'Enola Gay fait un rapide virage sur l'aile pour éviter le souffle de l'explosion. Cinquante-trois secondes plus tard, la bombe atomique explose à 580 m au-dessus d'Hiroshima.
Dans les appareils qui survolent Hiroshima et s'en éloignent, les mitrailleurs
de queue sont éberlués par le spectacle. Il se pose à Tinian à 14h 58 et est aussitôt décoré ainsi que son équipage. Le colonel Paul Tibbets est né en 1915. Contrairement à certaines rumeurs, il ne devint pas fou et continua à servir l'US Air Force. Il est nommé général et reçoit onze décorations. Il part à la retraite le 31 août 1966 après presque 30 ans de carrière militaire. De 1970 à
1985, il dirige une compagnie d'aviation privée. Le général Paul Tibbets est mort paisiblement le 1er novembre 2007 à Columbus, dans l'Ohio. Il n’a jamais exprimé de regrets : « Nous n’étions pas indifférents, mais il fallait passer outre cela. Nous savions que cela allait tuer des gens, mais ma priorité était de faire le meilleur travail possible pour mettre fin à la guerre le plus vite possible ». « Je dors bien toutes les nuits, avait-il ajouté. Il s’agissait, à ses yeux, de faire son «devoir patriotique». Avant son décès, il a cependant fait savoir qu’il ne voulait ni funérailles ni pierre tombale, par peur de déclencher des manifestations de protestations. |
La nouvelle de la destruction d'Hiroshima parvient à Tokyo
le 7 août, laissant le gouvernement japonais sceptique et sans réaction.
Le 8 août, l'URSS entre à son tour en guerre contre le Japon, conformément aux
accords de Yalta.
Le 9 août c'est Nagasaki.
Le 15 août, l’empereur du Japon, Hiro-Hito, annonce la capitulation
sans condition de son pays.
Le 2 septembre 1945, la capitulation japonaise
est signée à bord du Missouri, provoquant la fin de la Seconde Guerre Mondiale.
Documents originaux américains en anglais ( déclassifiés):
Le choix des cibles et l'étude des impacts de la bombe daté du 12 mai 1945
L'ordre d'utiliser une de ses "armes spéciales" daté du 25 juillet 1945
Les conséquences du bombardement
La
puissance dissipée par la bombe a été estimée à
14 000 t de TNT. Cette énergie est transformée en chaleur et en
souffle pour 85% et en radiations pour 15%. Chacun de ces trois effets est dévastateur.
Dès le premier millionième de seconde, l’énergie thermique est libérée dans l’atmosphère
et transforme l’air en une boule de feu qui atteint un kilomètre de diamètre en
quelques secondes au-dessus d’Hiroshima.
Au sol, la température atteint plusieurs
milliers de degrés sous le point d’impact. Dans un rayon de 1 km, tout est instantanément
vaporisé et réduit en cendres. Jusqu’à 4 km de l’épicentre, bâtiments et humains
prennent feu spontanément ; les personnes situées dans un rayon de 8 km souffrent
de brûlures au 3° degré. (Voir le témoignage du docteur
Michihiko Hachiya et le
témoignage du docteur Shuntaro Hida )
Après la chaleur, c’est au tour de l’onde de choc de tout dévaster: engendrée
par la phénoménale pression due à l’expansion des gaz chauds, elle progresse à
une vitesse de près de 1.000 km/h, semblable à un mur d’air solide.
Elle
réduit tout en poussières dans un rayon de 2 km. Sur les 90.000 bâtiments de la
ville, 62.000 sont entièrement détruits.
Le troisième
effet, encore très méconnu en 1945, et spécifique à cet arme est
celui des rayonnements.
Il entraîne des cancers, des leucémies… Il est d’autant
plus terrifiant que ces effets n’apparaissent que des mois, voire des années après
l’explosion.
Les femmes enceintes au moment de l'explosion donnent naissance
à des bébés atteints de malformations, en particulier de
microcéphalie.
![]() Le nombre de tués sur le coup est estimé à 80 000, dans
les semaines qui suivirent, plus de 50 000 blessés succombent. Leó Szilárd, qui était largement impliqué dans le développement
de la bombe, dira après la guerre : ![]() | ![]() ![]() Tram à 500 m de l'hypocentre |
![]() Le 10 août 1945, à 1,6 km de l'épicentre; aucun secours, les blessés sont laissés seuls ![]() Pont Miyaku 2 300 m de l'épicentre. Le 10 août 1945, les secours sont encore inexistants (photo: Yoshito Matsushige) |
![]() le Dôme de Genbaku, fut le seul bâtiment à rester debout ![]() Visible trois mois après le drame, les ombres portées, dues au rayonnement thermique, de la rambarde et des personnes présentes sur le pont Yorozuyo, à 900m de l'épicentre. ![]() Ombre portée par la chaleur d'une vanne sur un réservoir |
![]() (photo : Hajime Miyatake) ![]() Bouteilles de verre fondues par la chaleur | ![]() Traces de brûlures à travers un kimono (photo Gonichi Kimura); Les parties sombres absorbant plus d'énergie que les claires, le dessin du tissu s'est imprimé sur la peau ![]() |
Les soins apportés aux habitants touchés n'ont pas été
à la hauteur de la gravité des maux. Les forces d'occupation américaines
ont très tôt implanté un poste médical, mais qui était
plus destiné à mesurer les effets, à évaluer les dégâts
qu'à soigner. Les victimes de la bombe sont
devenus les "hibakusha", mot formé pour l'occasion. De surcroît, un grave problème psychologique et social se pose: même si "aucun effet génétique, à partir de la deuxième génération, ne peut être attribué aux radiations", comme l'a démontré l'Atomic Bomb Casualty Commission, la transmission héréditaire de la "maladie atomique" est un sujet d'angoisse pour les Japonais, dont on note généralement les réticences à épouser un homme ou une femme d'Hiroshima. Loin des photos tragiques et
sanglantes des blessés des premiers jours, ce cliché illustre les effets discrets
mais terribles à moyen terme de l'irradiation. Cette fille et son jeune frère
ont commencé à perdre leurs cheveux début octobre 1945. | ![]() Photo prise en octobre 1945 par Toshikichi Kikuchi |
En 1945, le Japon était vaincu et
désorganisé, un tiers des habitants n'avaient plus de maisons.
Voir aussi: Hiroshima, cité de la Paix |
Espoir |
Liens: L'autre ville martyre: Nagasaki Hiroshima mon Amour d'Alain Resnais Pluie noire (1989) de Shohei Imamura Femmes en miroir de Kijû Yoshida Un poème de Lucien André, LES ENFANTS D'HIROSHIMA, écrit en juin 1954 Un livre très didactique sur le sort des victimes 15 ans après:
| En hommage
aux victimes d' Hiroshima et en référence au film de Resnais, une
oeuvre d'un artiste contemporain: Jocelyn Bigot ![]() Avec l'aimable autorisation de © Jocelyn Bigot; Hiroshima, mon amour ; 2004; 114 x 152 cm Voir son site La photo en grand |
Observateur exceptionnel, le Dr Michihiko Hachiya, directeur de l'Hôpital
du Ministère des P.T.T., a décrit ses propres souffrances et celles
de ses compatriotes. Son journal fut déposé aux archives secrètes
de l'Université de la Caroline du Nord et sa publication suspendue jusqu'en
août 1955. D'une valeur scientifique considérable, il constitue aussi,
du point de vue humain, un témoignage bouleversant.
Hiroshima 54 jours d'enferLe journal, interdit jusqu'en 1955 du Docteur Michihiko Hachiya (extraits) 6 août 1945
Instinctivement, je me mets à
courir. Ou du moins j'essaie. Inutilement. Des poutres jonchent déjà
le sol. J'ai grand-peine à atteindre le jardin. Et là, tout à
coup, je me sens extraordinairement faible. je dois m'arrêter pour reprendre
des forces. C'est là que je m'aperçois que je suis complètement
nu ! Où sont donc passés mon pantalon et mon maillot ? Qu'est-il
arrivé ? 7 août 1945J'ai dû dormir profondément.
Comme il n'y a plus ni rideaux ni vitres aux fenêtres, c'est le soleil qui
m'éveille. Il est déjà haut à l'horizon. 8 août 1915Journée chaude et claire. Il n'y a plus de fumée au
second étage. 9 août 1945Ma femme, bien qu'elle ait toujours le bras dans une gouttière,
va beaucoup mieux ce matin. C'est elle qui me soigne. Je me suis amusé
lorsqu'elle a demandé de la crème blanche. Elle se l'est appliquée
sur les sourcils pour qu'on ne voie pas qu'ils ont été roussis.
La coquetterie revient, c'est bon signe. 10 août 1945J'ai essayé de me lever et constaté avec
plaisir que je pouvais marcher. Mais aussitôt après, quelqu'un est
venu m'annoncer que nous n'avions pour ainsi dire plus de médicaments.
Il y a déjà quatre jours que le désastre a eu lieu et nous
n'avons encore reçu aucun secours de l'extérieur. .../... |