Shohei Imamura

(今村 昌平 Imamura Shohei )

cinéaste japonais (biographie) (filmographie) (quelques films)

Tokyo 15/1/1926 - Tokyo 30/5/2006


Biographie

Shohei Imamura est né le 15 janvier 1926 à Tokyo.

Figure de la Nouvelle Vague japonaise, découvert en France au début des années 60 avec La femme-insecte, Imamura recevra deux Palmes d'or au Festival de Cannes : en 1983 pour La Ballade de Narayama et en 1998 pour L'Anguille.

Il grandit dans une famille bourgeoise. Adolescent, il voit son pays subir les traumatismes de la guerre et vit la défaite du Japon comme une libération : « Quand l'empereur intervint à la radio pour annoncer notre défaite, j'avais 18 ans. C'était fantastique. Soudain, nous étions libres. »
A la fin de la deuxième guerre mondiale il abandonne ses études et vit dans le quartier de Shinjuku (où se concentre le marché noir) à Tokyo. Une projection de L'Ange ivre d'Akira Kurosawa le décide à faire du cinéma.

En 1951, il est engagé comme assistant par le studio Schochiku (comme Nagisa Oshima). Il y travaille sur trois films du maître Yasujiro Ozu, dont il critiquera plus tard le style. Passé en 1954 dans un studio concurrent, la Nikkatsu, il seconde Kawashima, pour lequel il écrit aussi des scénarios. Il signe son premier film, Désir volé, en 1958, puis commence à résister à ses producteurs qui lui imposent des films de commande.

Idéaliste et même rebelle, attiré par les sujets dérangeants, Shohei Imamura finira en 1966, à l'heure de la naissance de la Nouvelle Vague japonaise, par résilier son contrat avec la Nikkatsu pour fonder sa propre maison, Imamura Productions, l'une des premières sociétés de production indépendantes. En 1974, il crée une école de cinéma, l'Institut de Yokohama, qu'il déménage en 1986 à Shin Yurigaoka et qui se nomme désormais Académie japonaise des arts visuels.

Dans sa jeunesse, à la fin de la guerre, Imamura a fréquenté les prostituées et les mauvais garçons, il a défendu la cause du petit peuple japonais, paysans déracinés à la ville, voleurs, mendiants, misérables de tout poil. Tout cela est évident dans les deux fresques historiques : Eijanaika et Zegen. Et bien sûr dans l'admirable Ballade de Narayama (1983) qui montrait les mœurs barbares du Japon des années 1860, dans un naturalisme violent, coloré et d'une insoutenable beauté.

Il étudie l'histoire de l'Occident à l'université, puis se lance dans le théâtre d'avant-garde, comme auteur et comédien.
Il passe et réussit le concours d'entrée à la Shochiku et débute comme assistant de Yasujiro Ozu. Il devient ensuite scénariste pour Yuzo Kawashina (dont il n'apprécie pas spécialement le travail). Il quitte ensuite la Shochiku pour la Nikkatsu. Il y fera son premier film en tant que réalisateur : Désirs Volé (1958). Pour lancer un chanteur, la Nikkatsu lui impose un film - Devant la gare de Ginza, 1958 - en échange d'une plus grande liberté pour le suivant - Désir inassouvi, 1958. Shohei Imamura décide qu'il n'acceptera plus de faire de film imposé.

Très vite, Imamura étouffe dans le système corseté des studios et fonde sa propre maison de production. Au cours des années 1970, il se consacre essentiellement au documentaire.
Dans En suivant ces soldats qui ne sont pas revenus, il interroge ces Japonais établis dans d'autres pays d'Asie depuis 1945. Mais il revient vite vers la fiction : « Je me suis rendu compte que la présence de la caméra pouvait changer concrètement la vie des gens. Est-ce que je me prenais pour Dieu en essayant de contrôler la vie des autres ? je ne suis pas un humaniste sentimental, mais cette idée m'effrayait. »

Imamura n'a de cesse de critiquer la société japonaise, son immobilisme, son passé lourd de culpabilité, l'influence américaine de l'après-guerre (Histoire du Japon racontée par une hôtesse de bar ). L'Occident le découvre avec le superbe Ballade de Narayama, mais Imamura est avant tout féru de satire et de provocation. La noblesse du samouraï ne l'intéresse pas, il préfère exalter la vitalité des femmes (La Femme-insecte ; Ces dames qui vont au loin), les capacités d'adaptation d'un peuple ballotté par l'Histoire, ou encore plonger dans l'esprit sanguinaire d'un serial killer (La vengeance est à moi), s'intéresser à une équipe de film porno (Le Pornographe).

Les sous-titres de certains de ses films soulignent sa démarche. La Femme insecte s'intitule aussi Chroniques entomologiques du Japon et Le Pornographe s'annonce comme une Introduction à l'anthropologie. C'est en entomologiste qu'il observe ses personnages. Sans les juger, sans leur octroyer le moindre sens moral, il peint des êtres (essentiellement des femmes) qui le fascinent par leur énergie, leur instinct de survie.

C'est un regard froid, clinique, que pose Imamura sur le petit peuple des basses couches sociales, mû par une inlassable bougeotte. L'emblématique Femme insecte, qui dépeint la vie d'une fille de la campagne envoyée à la ville pour être servante et qui devient prostituée, responsable d'un syndicat des filles de joie, avant de retourner à la misère, s'attache à suivre, comme au microscope, une obstination existentielle. Soumise, blessée dans son corps et réprimée dans ses désirs, prisonnière des préjugés, l'héroïne-type des films d'Imamura cherche à conquérir identité et autonomie, à se délivrer de ses inhibitions et des carcans. Elle se sert de son corps, subit toutes sortes de viols (physiques ou politiques), reste une inlassable petite fourmi qui tourne en rond. Marxiste et freudien, Imamura affirme vouloir, par elle, traiter de pair "la partie inférieure du corps humain et la partie inférieure de la structure sociale".

Son autre grande source d'inspiration est la dénonciation de l'oppression américaine. Le premier plan de Cochons et cuirassés (sorti en France sous le titre Filles et gangsters) est un panoramique qui part d'un cuirassé stationnant dans la baie de Yokosuka et qui, après avoir montré la cité, s'achève sur la basse ville, où les soldats américains jouent les caïds et où, après la fermeture des maisons closes, les gangsters sont contraints d'élever des porcs pour nourrir l'occupant.

Le temps passe, mais l'audace est toujours là : L'Anguille commence comme un thriller pour mieux se transformer en comédie à tendance surréaliste. Encore et toujours, le vieux cinéaste se passionne pour sa matière première : « Les Japonais, parce que c'est le seul peuple dont je puisse parler de façon compétente. »

Le rabelaisien De l'eau tiède sous un pont rouge (2001) remet une femme au centre de sa sarabande : une voleuse que le plaisir fait accoucher de geysers orgasmiques. En ce siècle nouveau, elle incarne, à ses yeux, la fusion du technologique et du fantastique.

Imamura a reçu deux Palmes d'or au Festival de Cannes : en 1983 pour La Ballade de Narayama et en 1998 pour L'Anguille (Unagi ) .
Imamura est mort d'un cancer le 30 mai 2006.


Filmographie :


Quelques films en détail

* Pluie noire (黒い雨 kuroi ame ) de Shohei Imamura , film japonais ,sorti en 1989
Scénario de Masuji Ibuse (son roman de 1969) , Shohei Imamura , Toshirô Ishido ; Musique originale de Tôru Takemitsu ; Directeur de la photographie : Takashi Kawamata ; Durée: 123 minutes ; Noir et Blanc ; Date de sortie au Japon: 13 mai 1989
Distribution : Yoshiko Tanaka ( Yasuko ), Kazuo Kitamura ( Shigematsu Shizuma ), Etsuko Ichihara ( Shigeko Shizuma ), Shoichi Ozawa ( Shokichi ), Norihei Miki ( Kotaro ), Keisuke Ishida ( Yuichi)
Récompenses: 22 prix ) dont: 1989 Festival de Cannes ; Prix spécial et Prix technique : Shohei Imamura ; 1990 Award of the Japanese Academy ; 1990 Kinema Junpo Awards

Voir fiche détaillée Pluie noire (kuroi ame)

Pluie noire commence à Hiroshima le 6 août 1945. Il fait très chaud. Les gens partent au travail. Soudain, un éclair, le fameux « éclair blanc », déchire le ciel. Sa lueur aveuglante s'accompagne d'un souffle terrible et l'enfer se déchaîne. Des fantômes déguenillés et mutilés errent dans les amas de gravats et de madriers.

Le film se focalise sur Yasuko. Au moment de l'explosion, la jeune fille est sur un bateau, en route vers la résidence campagnarde de son oncle. Une pluie noire s'abat sur la mer et sur les passagers. Ceux que cette pluie a touchés, souillés, ne savent pas encore qu'ils ont été irradiés.

Quelques années plus tard, Yasuko vit à la campagne avec son oncle et sa tante. Des rescapés. La guerre est finie, la vie a repris ses droits. Et c'est dans une ambiance de nature sereine, apaisante, presque idyllique que lentement l'idée de la mort inévitable s'installe. Yasuko ne trouve pas à se marier. On craint sa maladie. Les victimes de la bombe sont devenus les "hibakusha", mot formé pour l'occasion.
Non seulement ils ont souffert physiquement, en l'absence de traitement adapté, mais ils ont aussi eu honte d'avoir été des vaincus. Ils ont connu la discrimination dans leur vie professionnelle et dans leur vie privée, isolés de leur anciens amis. Les suicides ont été très nombreux.

Yuishi, un ancien soldat traumatisé par les combats, est le seul être dont elle pourrait partager l'existence.

Pluie noire est un film étrange, irritant par certains côtés, déconcertant dans sa construction, ses ruptures de rythme, incontestablement bouleversant dans sa dernière demi-heure. Et décalé, par rapport aux précédentes mises en scène d'Imamura. On dirait qu'il surgit d'un éboulis de terrain qui aurait, soudain, dégagé un monde autrefois enfoui. La pellicule est en noir et blanc, alors que nous avions l'habitude, chez Imamura, de la couleur flamboyante.

Il y a enfin l'hommage à Alain Resnais et Marguerite Duras pour leur inoubliable Hiroshima mon amour. Dans ce film on trouve le thème de l'impossibilité de faire un film sur la bombe atomique, Imamura nous dit, lui aussi, à sa façon : « Tu n'as rien vu à Hiroshima », parce que l'on ne peut pas vraiment représenter l'apocalypse. Mais il est courageux de le tenter.

r

Portail Japon .... . . . . . . . Plus de cinéma