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François Truffaut et l'enfance L'enfance de François Truffaut ; L'enfant
sauvage ;
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Les enfants occupent une place privilégiée dans le cinéma de François
Truffaut. L'oeuvre de Truffaut présente un ensemble remarquable de portraits
d'enfants, sensibles, justes.
C’est en grande partie du à l’enfance mouvementée du jeune François Truffaut.
En particulier le film « Les quatre cents coups » est une chronique à peine
transposée des événements et des émotions vécues par le futur cinéaste.
L’enfance de François Truffaut
François Truffaut naît le 6 février 1932 à Paris. Pendant les cinq premières
années de sa vie, il est quasiment privé d’affection. Ses parents s’occupent
très peu de lui, l’abandonnant à une nourrice puis à sa grand-mère.
A la mort de sa grand-mère, il revient chez ses parents, à l’âge de huit ans.
Sa mère ne veut pas l’entendre et souhaite qu'il soit le plus invisible possible.
Il se réfugie dans la lecture, et très vite dans le cinéma.
Il n'a pas l'autorisation de ses parents ni l'argent nécessaire pour
s'acheter un billet. Il entre par les portes de sortie ou des fenêtres
ou bien détourne l'argent de la cantine pour payer sa place.
Dès que ses parents sortent le soir, il attend cinq minutes et file au
cinéma.
Prélude à sa vocation de critique, il note le nom des films, les
metteurs en scène et se forge son opinion, au besoin en opposition avec
les réactions de la salle. Il classe scrupuleusement ses fiches par metteur
en scène.
![]() Jean-Pierre Léaud dans Les 400 Coups |
Dans "Les quatre
cents coups",(1959) Antoine raconte que sa mère est morte
pour excuser une absence injustifiée. Comme dans le film il dévore Balzac, puis refait
une fugue et vole une machine à écrire. Son père
le conduit à la police et il passe deux jours au commissariat avant
de faire un séjour au centre pour mineurs délinquants de
Villejuif. |
"L'Enfant sauvage" marque
un tournant important, en 1969, dans la vie et la carrière de François
Truffaut.
En effet jusque là, il n'apparaît pas dans ses films, à
part un passage anecdotique dans "les 400 coups" ( voir Truffaut
acteur ). Il se fait représenter par Jean-Pierre Léaud dans
le cycle autobiographique Antoine Doinel. En 1969, il a déjà sorti
"Les quatre cents coups", "Antoine et Colette" et "Baisers
volés".
Il en a donc fini avec la reconstitution de son enfance et de son adolescence.
Avant d'aborder la vie d'adulte avec "Domicile conjugal" (1970), il
passe de l'autre coté de la caméra pour incarner le docteur Itard,
le père adoptif et éducateur de Victor, l'enfant sauvage de l'Aveyron.
Après avoir critiqué et dénoncé l'attitude froide et rigide des parents qu'il a subie, il interprète personnellement le personnage du docteur, confronté au cas limite de Victor, qu'il s'agit de ramener vers l'humanité alors qu'il a été privé de tout contact et de toute affection humaine pendant de longues années.
Inspiré par le récit originel du docteur Itard, il nous
montre tout d'abord Victor capturé, enfermé, considéré
comme un objet, exhibé, et malheureux de ne plus être en
contact avec la nature. La maison où le docteur Itard conduit Victor se situe au milieu
d'un jardin et quand Victor réussit un exercice, sa récompense
est la plus simple possible : il reçoit un verre d'eau qu'il va
boire près de la fenêtre ouverte. |
![]() Jean Dasté, François Truffaut et Jean-Pierre Cargol dans "l'Enfant sauvage" |
Même si Truffaut semble avoir fait passer la majorité de ses
messages autobiographiques dans ses films précédents du cycle
Antoine Doinel, ils trouvent également un prolongement à travers
Victor. Ainsi quand Itard découvre la cicatrice sur la gorge de Victor,
il émet l'hypothèse que l'enfant a été non seulement
abandonné mais qu'il a subi aussi une tentative d'assassinat. Son collègue
lui dit qu'il était peut-être anormal à la naissance mais
Itard réplique que:"c'était certainement un enfant illégitime".
Nous retrouvons là le traumatisme de François Truffaut-Antoine
Doinel découvrant par hasard dans un dossier le secret de sa naissance
et de son père biologique.
L'Argent de poche a été tourné à Thiers dans le Puy-de-Dôme à l'été 1975.
En une série d’épisodes dont chacun est à lui seul un petit scénario, François Truffaut dresse un portrait kaléidoscopique de l’enfance, qui joue sur l’improvisation et l’anecdote plutôt que sur une stricte scénarisation, en nous montrant simplement la vie quotidienne d’une douzaine d’enfants de la première tétée au premier baiser de l’adolescence. Un scénario fourre-tout qui empile les micros histoires, des acteurs amateurs souvent en roue libre, une mise en scène minimaliste et une image peu soignée. Et pourtant, le film fonctionne au delà de toute attente. L'amour profond de Truffaut pour l'enfance, qu'elle soit joyeuse ou opprimée, transcende chaque plan, quelque soit la "maladresse technique" apparente du film. Deux personnages d'enfants ont droit à un traitement particulier. Patrick, enfant sage et comblé, mais tenaillé par son amour sans espoir pour la belle coiffeuse, la mère de son ami Laurent. Lorsqu'il parvient enfin à lui offrir un bouquet de roses rouges (amour ardent...), elle lui dit: tu remercieras bien ton père. Patrick se consolera en colonie de vacances, avec Martine, la cousine de Raoul. Julien arrive mystérieusement en cours d'année, sale, avec des affaires usées. Il n'a pas d'argent de poche et chaparde pour s'acheter le nécessaire. Comme Truffaut dans sa jeunesse, il resquille pour pouvoir aller voir des films dans le cinéma de la ville.
À la suite de la visite médicale, et alors qu'il ne s'en plaignait pas,
Julien se révèle être un enfant gravement battu. La mère et la grand-mère
sont arrêtée par la police.
François Truffaut place dans la bouche de l'instituteur un discours qui
résume sa conception de l'enfance. Discours final de l'instituteur (Jean-François
Stevenin):
Julien sera pris en charge par l'assistance publique et va être placé
dans une famille. Quelque soit l’endroit où il sera, il sera évidemment
mieux qu’avec sa mère ou sa grand-mère où il était maltraité, pour dire
les choses exactement où il était battu. Sa mère sera déchu de ses droits
maternels, elle n’aura plus le droit de s’occuper de lui. Pour Julien, la
vraie liberté commencera vers 15 ou 16 ans lorsqu’il se sentira libre d’aller
et venir. Devant une histoire aussi terrible que celle de Julien, la première
réaction de chacun de nous est de se comparer à lui. J’ai eu une enfance
pénible mais moins tragique que celle de Julien mais pénible et je me souviens
que j’étais très impatient de devenir adulte parce que je sentais que les
adultes ont tous les droits. Ils peuvent diriger leur vie comme ils l’entendent,
un adulte malheureux peut recommencer sa vie ailleurs, repartir à zéro.
Un enfant malheureux ne pas avoir cette pensée, il sent qu’il est malheureux
mais il ne peut pas mettre un nom sur son malheur. Et surtout nous savons
qu’à l’intérieur de lui-même, il ne peut pas remettre en question les parents
ou les adultes qui le font souffrir.
Un enfant malheureux , un enfant martyr se sent toujours coupable. Et c’est
cela qui est abominable. Parmi toutes les injustices qui existent dans le
monde, celles qui frappent les enfants sont les plus injustes, les plus
ignobles, les plus odieuses. Le monde n’est pas juste et ne le sera jamais
mais il faut lutter pour qu’il y est davantage de justice, il le faut, on
doit le faire. Les choses bougent mais pas assez vite. Elles s’améliorent
mais pas assez vite. Les politiciens, les gens qui gouvernent commencent
toujours leurs discours en disant « Le gouvernement ne cédera pas à la menace
» mais en réalité c’est le contraire ils cèdent toujours à la menace. Et
les améliorations ne sont obtenues que parce qu’on les réclame fortement.
Depuis quelques années, les adultes ont compris et ils obtiennent dans la
rue ce qu’on leur refuse dans les bureaux. Si je vous raconte tout ça c’est
pour vous montrer que les adultes lorsqu’ils le veulent vraiment peuvent
améliorer leur vie, peuvent améliorer leur sort, mais dans toutes ces luttes,
les enfants sont oubliés. Il n’existe aucun parti politique qui s’occupe
réellement des enfants, des enfants comme Julien, des enfants comme vous.
Et il y a une raison à cela : c’est que les enfants ne sont pas électeurs.
Si on donnait le droit de vote aux enfants, vous pourriez réclamer davantage
de creches, davantage d’assistantes sociales, davantage de n’importe quoi
et vous l’obtiendriez car les députés voudraient avoir vos voix ! Je voulais
vous dire aussi, c’est parce que je garde un mauvais souvenir de ma jeunesse
et que je n’aime pas la façon dont on s’occupe des enfants que j’ai choisi,
moi, de faire le métier que je fais, être instituteur. La vie n’est pas
facile elle est dure et il est important que vous appreniez à vous endurcir
pour pouvoir l’affronter. Attention je ne dis pas à vous durcir mais à vous
endurcir. Par une sorte de balance bizarre, ceux qui ont eu une enfance
difficile sont souvent mieux armés pour affronter la vie adulte que ceux
qui ont été protégé ou très aimé, c’est une sorte de loi de compensation.[…]
Le temps passe très vite et un jour vous aussi vous aurez des enfants. Alors
j’espère que vous les aimerez et qu’ils vous aimeront. A vrai dire ils vous
aimeront si vous les aimez et si vous ne les aimez pas ils reporteront leur
amour ou leur affection, leur tendresse sur d’autres gens ou sur quelque
chose d’autre. Parce que la vie est ainsi faite : qu’on ne peut se passer
d’aimer et d’être aimés.
Truffaut aimait beaucoup faire figurer des enfants dans ses films même
si le sujet principal du film en est éloigné.
Dans un ouvrage consacré à « L’argent de poche », il déclare : « Je ne me
lasse pas de tourner avec des enfants. Tout ce que fait un enfant sur l’écran,
il semble le faire pour la première fois"
Lorsque il réalise des adaptations d’uvres littéraires, il lui
arrive de rajouter des personnages secondaires d’enfants qui ne figurent
pas dans l’ouvrage original. Ainsi dans « Tirez sur le pianiste », il introduit
le personnage de Fido, un jeune frère de Charlie.
De même dans Fahrenheit 451, il ajoute une scène où Clarisse l’institutrice
provoque la peur et la fuite d’un groupe d’élèves.
Dans « La mariée était en noir », existe un plan où un groupe d’écoliers
accueillent le retour de Mlle Becker.
Par contre, en tant que critique, François Truffaut a souvent
détesté la façon dont les enfants étaient représentés
dans les films "traditionnels".
Ainsi le consensuel "Jeux interdits"(1951) de René Clément
qui vit les débuts de Brigitte Fossey et qui dresse un tableau de
deux enfants dans la tourmente de la guerre ne trouve pas grâce à
ses yeux, car il trouve les portraits trop déformés et idéalisés,
même dans leurs "bêtises".
Il n'apprécie pas plus "Chiens perdus sans collier" (1955)
de Jean Delannoy, peinture d'un jeune garçon de ferme, maltraité
et fugueur, à tel point que dans "Les Mistons" un groupe
d'enfants déchire l'affiche du film.
Dans ces films Truffaut estime que les enfants sont décrits de manière
superficielle, du point de vue des adultes, alors que lui essaye de se placer
du côté des enfants eux- mêmes.
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