AnalyseUn village du Yorkshire. Celia Teasdale, femme du directeur de l’école, fait le ménage de printemps dans son cottage. Lors d’une pause, sur la terrasse, elle hésite. puis prend une cigarette. Arrive alors Lionel Hepplewick, le gardien de l’école, qui doit s’occuper du jardin. Conversation, confidences, désarroi de Celia : son mari, Toby, l’aime de moins en moins, boit et risque sa place. Lionel lui dit qu’elle ne le laisse pas indifférent. Celia rentre dans la maison. Sylvie, la bonne, intervient et tente sans succès d’intéresser Lionel. «Cinq jours plus tard», le jardinier, amoureux de Celia, voudrait devenir boulanger et fait des projets avec elle. «Cinq semaines plus tard», lors d’une fête, Miles Coombes, ami de Toby et soupirant de Celia, s’étonne que la jeune femme veuille s’associer avec l’aspirant-boulanger, déjà incapable de réussir le pain et les gâteaux du jour, ce qui rend Celia hystérique. «Cinq ans plus tard», on enterre le père de Lionel. Celia émerge d’une longue dépression, revoit son ex et bref associé, marié maintenant à Sylvie et à la tête d’une entreprise prospère. «Ou bien», «ou bien». L’association Celia-Lionel aurait pu fonctionner : elle commanderait, il obéirait. Le mari boirait toujours, Miles et sa femme seraient partis en Australie. À moins que Celia, réconciliée avec son mari et en vacances avec lui, ait revu Lionel, serveur dans un hôtel sinistre : il la gaverait de gâteaux comme preuve d’amour. Plus tard, on enterrerait Toby, cette fois. Dans le rôle du fossoyeur, Lionel !. Bien avant, Sylvie aurait pu retenir l’attention de Toby. Il ferait son éducation. Sylvie épouserait pourtant le jardinier. Toby irait vivre à Londres avec Miles. À moins que Sylvie quitte tout et revienne des années plus tard, journaliste connue, femme indépendante, pour rencontrer Toby, lui suggérer sa reconnaissance et sa nostalgie. No Smoking Un village du Yorkshire. Celia Teasdale, femme du directeur de l’école, fait le ménage dans son cottage. Sur la terrasse, lors d’une pause, elle hésite à prendre une cigarette. et s’abstient. Entre Miles Coombes, ami de son mari Toby, gêné d’évoquer l’ivrognerie de ce dernier et ses carences sentimentales et professionnelles. «Cinq jours plus tard», Celia et Miles dînent en tête-à-tête forcé — Toby et Rowena, femme de Miles, ayant omis de venir. Ils évoquent leurs malchances respectives puisque Rowena a des amants. Miles avoue intervenir de la part de Toby auprès de Celia pour les réconcilier, et pourtant il courtise la jeune femme. Quand Toby rentre enfin, Miles se cache dans la remise du jardin. Le malentendu est à son comble. «Cinq semaines plus tard», au golf, Miles et Celia, puis Celia et Toby, puis Toby et Rowena, enfin Rowena et Miles vident leurs rancœurs mais en restent au statu-quo. «Cinq ans plus tard», Toby est mort; près de sa tombe, de retour d’Australie où il vit avec sa femme, Miles revoit Celia. Nostalgie. «Ou bien», «ou bien». Au golf, la rupture Miles-Rowena serait consommée. Plus tard, près de la chapelle, Celia reverrait Miles, qui vivrait maintenant avec Toby. À moins que, après une dispute avec Rowena, Miles, excédé, cloîtré dans la remise, nourri par Celia, ait confié à Sylvie son espoir de partir avec elle faire le tour du pays à pied. Toby serait las de cette comédie et Lionel, le jardinier, soupirant de Sylvie, délogerait l’intrus en enfumant les lieux. Plus tard, près de la chapelle enneigée, Sylvie, mariée à Lionel, puis Celia reverraient avec regret Miles, séparé de Rowena. À moins que Miles et Rowena se soient réconciliés. Ou que Sylvie et Miles aient vécu une idylle mouvementée et sportive, perdus dans la brume. Miles, ensuite, pourrait être témoin du mariage de Sylvie et de Lionel. Ou Miles aurait pu mourir accidentellement pendant ses brumeuses vacances. Tous se retrouveraient au cimetière, sur sa tombe. Toutes, plutôt : successivement Rowena, Sylvie et même Celia. A la fois exercice de style rigoureux dans sa construction et fantaisie, ces deux films réunis sont un exemple typique de " film multiple " de Resnais proposant chacun 6 fins différentes à un début commun. Les décors sont volontairement non réalistes, pour rappeler l'origine théâtrale du scénario, et sont toujours situé à l'extérieur, mais tourné en studio. Smoking/No smoking ressemble à ces « livres dont vous êtes le héros » dans lesquels le lecteur est invité à se rendre à une page différente selon la décision qu'ils feront prendre au protagoniste, ou encore à Cent mille milliards de poèmes, livre animé de poésie combinatoire de Raymond Queneau, publié en 1961.L'objet-livre de Queneau offre au lecteur un instrument qui lui permet de combiner des vers de façon à composer des poèmes respectant la forme du sonnet : deux quatrains suivis de deux tercets, soit quatorze vers. A la différence majeure qu'ici c'est le livre qui tourne ses propres pages et qui choisit l'ordre dans lequel nous les lirons. Le seul choix que le spectateur puisse faire est celui de regarder d'abord l'un ou l'autre, comme l'illustrait l'amusante bande-annonce du film dans laquelle Azéma et Arditi se disputaient pour savoir lequel de Smoking ou No smoking ils iraient voir en premier. En ce sens, le DVD du film est peut-être la manière idéale de le voir, avec son chapitrage qui permet de choisir quelle branche de cette arborescence de destins on désire voir et dans quel ordre. Tel quel, le film semble adopter une certaine « résignation », s'achevant immanquablement dans un cimetière. Ce n'est pas la conclusion de toutes les branches du récit, mais c'est bien celle de chacun des deux films, choix forcément signifiant. L'exploration des différentes trajectoires possibles des personnages apparaît alors non pas comme une variation sur le libre-arbitre (« ou bien... ou bien », au fond, ce pourrait être une histoire de choix) mais bien au contraire comme une sorte de tragédie où aucun destin ne vient véritablement sauver l'autre, où tous mènent à l'impasse, où aucun échappatoire n'est possible. Smoking/No smoking décrit les existences mesquines et futiles de gens banals et ennuyeux, et leur concocte des destins pour le moins insatisfaisants. Le film n'en finit pas d'assumer ses origines théâtrales, en usant notamment des clichés narratifs et formels du vaudeville, amants dans la remise, femmes insatisfaites et maris alcooliques. Mais, plus profondément, il révèle aussi que toutes nos actions peuvent être lues sous deux lumières radicalement différentes : dérisoires ou sublimes, futiles ou profondes. La lâcheté de Miles n'est-elle pas aussi une résignation admirable ? La méchanceté de Toby ne pourrait-elle pas être plutôt une formidable lucidité ? Resnais et Ayckbourn donnent à voir les abîmes qui guettent nos gestes les plus anodins, et les nuances minuscules qui séparent le bonheur du malheur, une vie ratée d'une vie réussie. Chaque trajet est une occasion pour le personnage de réaliser un désir
que le précédent trajet ne leur avait pas permis d'accomplir. Les êtres
qui se voient offrir plusieurs destinées sont des êtres ordinaires avec
des problèmes ordinaires, des histoires d'amour mal fichues, plutôt mal
que bien résolues par l'alcool chez l'un par la nymphomanie chez l'autre,
l'apparente résignation chez un troisième. Ils se cherchent sans vraiment
vouloir trouver l'autre, se croisent sans vraiment se voir ; la scène
de la falaise dans le brouillard résume assez bien leur façon d'être ensemble.
Structure du filmCe film double a failli s'appeler "ou
bien..ou bien" ou encore "C'est comme ça ou.. autrement"
pour souligner le jeu du hasard sur le destin des personnages.
Il est inspiré par huit pièces d'Alan Ayckbourn, créées en 1982 et ayant chacune deux fins, ce qui fait seize possibilités. Chacun des deux films présente six fins, soit douze en tout. Resnais a allégé l'ensemble tout en introduisant une dissymétrie puisque certains " noeuds" du schéma ne se divisent pas en deux. De plus le déroulement du film parcourt ce schéma dans un ordre fixé par le réalisateur et introduit une hiérachie dans les fins puisque les séquences situées à la fin de chaque film marquent plus le spectateur que les fins "intermédiaires" Nous ne sommes pas en présence d'une arborescence que l'on parcourt au hasard et à sa guise, mais bien devant un choix délibéré de l'auteur du film.
Agnès Jaoui déclare: Après Smoking / No smoking, on était un peu frustrés, Jean-Pierre et moi. On avait écrit avec joie, on avait vu le film avec joie, mais c’est comme si on n’avait pas entièrement participé à la fête. C’est là qu’on s’est rendus compte qu’on était « des acteurs qui écrivaient », plus que des auteurs au sens strict du terme. Quand il nous a proposé de réécrire un film pour lui, on a accepté, toujours avec joie, mais en ajoutant qu’on aimerait bien jouer dedans. Il a dit oui. Alain Resnais était considéré ccmme un auteur sérieux avec un côté un peu hermétique, élitiste, or il aimait des choses extrêmement populaires, il n’avait pas de snobisme, ses goûts étaient extrêmement éclectiques, y compris dans le choix de ses acteurs. C’était un artiste, j’ai du mal à trouver un autre mot. Pour Smoking / No smoking, il nous avait mis en garde à plusieurs reprises : « Ça, je l’ai déjà fait dans Mélo, ça dans un autre film, je ne veux pas le refaire ». Ce qui le motivait, c’était d’inventer toujours. » | |||||
Distribution
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Fiche technique
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Alan AyckbournSir Alan Ayckbourn est un dramaturge et metteur en scène britannique né le 12 avril 1939 à Londres, d'un père violoniste et d'une mère romancière. À l'âge de 8 ans, il est marqué par la séparation de ses parents : sa mère épousera l'année suivante un directeur de banque. Le thème du couple et de la séparation est au centre de son œuvre. À
18 ans, après obtention brillante d'un baccalauréat littéraire, il décide
de devenir un homme de théâtre "total" : électricien, assistant régisseur,
technicien du son, apprenti comédien. Pièces d'Alan Ayckbourn (liste partielle)
Films tirés de l'œuvre d'Alan Ayckbourn
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