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Le nō (能) est un des styles traditionnels de théâtre japonais, venant d'une conception religieuse et aristocratique de la vie. Ce sont des drames lyriques au jeu excessivement dépouillé et codifié. La gestuelle des acteurs est stylisée autant que la parole qui semble chantée.

Histoire

Jusqu'au XVIIe siècle, le Nō est connu sous le nom de Sarugaku no nō, ou simplement sarugaku. Ce dernier terme provient lui-même de sangaku, qui designe tout un ensemble d'arts du spectacle, incluant les acrobaties, la jonglerie, la prestidigitation et le pantomime, importés de Chine. Progressivement, le pantomime comique devint l'attraction principale, entraînant le changement de nom (sarugaku pouvant se lire spectacle du singe).

À la même époque, les traditions et rites paysans avaient donné naissance au dangaku, ensemble de danses et de rites destinés à assurer de bonnes récoltes et à apaiser les mauvais esprits. Pratiqués en relation avec les pratiques divinatoires du bouddhisme ésotérique, ces rituels avaient l'appui des grands seigneurs et des grands temples bouddhistes. Ces appuis amenèrent les danseurs dengaku à mettre l'accent sur la dimension dramatique de leur art. Le kagura, souvent mentionné comme une des sources essentielles du nō est ainsi une forme de dengaku.

La popularité de Dengaku est à son apogée quand naît Kiyotsugu Kan'ami (1333 − 1384). En 1345, il se lie avec Yoshimitsu Ashikaga, futur shogun. L'appui conféré par cette puissante relation permit à Kan'ami de développer une synthèse de pantomime sarugaku et des danses et chants du dengaku dans la direction d'un art élégant et raffiné, adapté aux goûts d'un public aristocratique.

La paternité du nō revient cependant au fils de Kan'ami, Motokiyo Zeami (1363-1443). Acteur dans la troupe de son père, il bénéficia également de la faveur du shogun. Poussant la stylisation plus loin que ne l'avait fait son père, il imposa le yūgen, élégance tranquille, comme idéal du nō. Zeami fut à la fois un acteur, un metteur en scène, et un auteur prolifique, écrivant tout à la fois des pièces et des essais théoriques qui devinrent les fondations du nō. Il est probable qu'il remania en pronfondeur la plupart des pièces écrites par son père, ainsi que les pièces antérieures. Du fait de la contrainte imposée par ces nouvelles règles, l'aspect burlesque du sarugaku trouva son expression dans la forme comique du kyogen, dont les représentations sont liées comme un contrepoint à celles du nō. Le traité essentiel de Zeami est La Transmission de la fleur et du style (Fushi Kaden), écrit en 1423 et qui reste l'ouvrage fondamental pour les acteurs contemporains.

L'histoire ultérieure du nō est étroitement liée à ses relations avec le pouvoir. Ainsi, après la mort de Kan'ami, trois personnes se partageaient le devant de la scène : Zeami lui-même, son cousin On'ami (mort en 1467) et son frère adoptif Zenchiku Konparu (1405 − 1470). Adeptes d'un style plus flamboyant que celui de Zeami et sans doute aussi meilleurs acteurs, On'ami et Konparu reçurent la faveur des successeurs de Yoshimitsu Ashikaga, les shogun Yoshinori Ashikaga (1394 − 1441) et Yoshimasa Ashikaga (1436 − 1490), tandis que Zeami tomba en disgrâce.

Le renouveau du nō eut cependant lieu sous les auspices de Oda Nobunaga (1534 − 1582) et de Toyotomi Hideyoshi (1537 − 1598), ce dernier étant un grand amateur de nō, qui assurèrent la protection des troupes. Dans le même temps, la culture splendide de l'époque Momoyama marqua profondément le nō, lui transmettant le goût des costumes magnifiques, la forme des masques encore employés aujourd'hui ainsi que la forme de la scène. C'est également à cette époque que se fige le répertoire du nō.

Cette protection fut poursuivie à la période Edo sous l'autorité des Tokugawa. Déjà profondément lié à une transmission familiale, le nō devint alors totalement une affaire de famille, chaque acteur devant appartenir à un lignage (l'adoption d'adultes était alors une pratique courante, permettant d'intégrer de nouveaux acteurs). Cette évolution est à mettre en relation avec la division de la société en classes de plus en plus étanches qui eu lieu à cette époque.

Élément essentiel des divertissement des shogun et par extension des samourai, le nō devint pratiquement réservé à ces derniers. Sous l'influence de ce public, les représentations se firent plus solennelles et plus longues, le nō devenant un art sérieux, demandant une grande concentration de la part du public.

Le nō faillit bien disparaître avec ses protecteurs à l'époque Meiji, avant de connaître un retour en grâce à partir de 1912. C'est à cette époque que le terme Nōgaku commença à être utilisé pour désigner l'ensemble formé par le nō et le kyōgen et que se construisirent les premières salles exclusivement dédiées à cet art.

À nouveau menacé au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le nō réussit à survivre, et constitue aujourd'hui un des arts traditionnels les plus établis et les mieux reconnus. Le nō fut la première forme d'art dramatique à être inscrite, en 2001, sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco en tant que part du nōgaku, conjointement au kyogen.

Dramaturgie

Ce sont des drames brefs (entre trente minutes et deux heures) : une journée de nô est composée de cinq pièces, de catégories différentes.

La scène procède du dispositif chinois : un quadrilatère à peu près nu (excepté le kagami-ita, peinture d'un pin au fond de la scène) ouvert sur trois côtés entre les pilastres de cèdre qui en marquent les angles. Le mur à droite de la scène est appelé kagami-ita, tableau-miroir. Une petite porte y est ménagée pour permettre l'entrée des musiciens et du chœur. La scène, surélevée, est toujours surmontée d'un toit, même en intérieur, et entourée au niveau du sol de gravier blanc dans lequel sont plantés de petits pins au pied des piliers. Sous la scène se trouve un système de jarre de céramique amplifiant les sons lors des danses. Les détails de ce système sont l'apanage des familles de constructeurs de scènes de nō.

L'accès à la scène se fait pour les acteurs par le hashigakari, passerelle étroite à gauche de la scène, dispositif adapté ensuite au kabuki en Chemin des fleurs (hanamichi). Considéré comme partie intégrante de la scène, ce chemin est fermé côté coulisses par un rideau à cinq couleurs. Le rythme et la vitesse d'ouverture de ce rideau donne au public des indications sur l'ambiance de la scène. La longueur du hashigakari impose des entrées spectaculaires. Le long de cette passerelle sont trois petits pin, ceux-ci définissent des zones où l'acteur peut faire une pause pour dire quelques mots, avant son arrivée sur scène. Selon l'endroit codifié où l'acteur s'est arrêté, le public comprend le type de rôle qu'il interprète. Selon aussi que le personnage marche sur la passerelle plus près ou plus éloigné du public, ce dernier peut deviner le degré d'humanité du rôle. Tous ces éléments ainsi que les propriétés de résonance de la scène obligent les acteurs à utiliser un pas glissé particulier, sans choc des pieds sur le sol et les hanches très basses (suriashi).

Du fait de la large ouverture de la scène, le public est disposé pratiquement sur trois côtés. De ce fait, l'acteur doit prêter une attention particulière à son placement. Les masques limitant sévèrement son champ de vision, l'acteur utilise le pilier avant gauche de la scène pour se positionner.

En plus des acteurs, la scène est occupée par des musiciens, rangés au fond de la scène, et par un chœur de huit à douze personnes occupant le côté droit. La musique est produite au moyen de trois types de tambours de taille croissante, l'un porté à l'épaule (ko-tsuzumi), le second entre les jambes (ō-tsuzumi) et le troisième (taiko) utilisant des baguettes de cyprès, ainsi que d'une flûte de bambou à sept trous (fue). Les deux premiers tambours ont un corps de cerisier, le troisième d'orme, tous sont tendus de cuir de cheval et réglé par des cordes de lin.

La musique a pour fonction de créer l'ambiance, souvent une atmosphère étrange, en particulier quand interviennent des éléments surnaturels. Les anciens masques du nō étaient tenus par la bouche et les acteurs ne pouvaient pas prononcer de texte, c'était donc antiquement le chœur qui parlait à sa place. Actuellement, le chœur est chargé de fournir les éléments de narration et de dire les répliques d'un acteur lorsque celui-ci exécute une danse, ou afin d'amplifier l'intensité dramatique d'une tirade. La domination des percussions dans la musique souligne l'importance fondamentale du rythme dans la représentation de nō.

Le texte est psalmodié selon des intonations sévèrement codifiées. Du fait de la fixation du répertoire à la fin du XVIe siècle, le texte est en japonais archaïque, incompréhensible pour les Japonais contemporains. La plupart des salles proposent ainsi des traductions du texte.

Les acteurs

Il y a quatre catégories principales d'acteurs de nō, et huit catégories principales de rôles :

Le shite est avant tout l'acteur qui joue le personnage principal de la pièce et qui excécute les danses. Il doit pouvoir jouer une vaste gamme de personnages, allant de l'enfant au dieu en passant par le vieillard ou la femme. Tous les acteurs étant des hommes, la nature d'un personnage est signifiée par son costume, très élaboré, et surtout par son masque, plus petit que la taille réelle. Seuls les acteurs shite mettent des masques, réputés concentrer l'essence du personnage à interprêter. Lorsque le personnage est un homme d'âge mûr, le shite joue sans masque. Il doit alors garder un visage sévèrement inexpressif, tout comme les autres personnes présentes sur scène, et jouer comme s'il portait un masque (hitamen).

L'acteur entraîné comme shite peut aussi être amené à jouer des personnages secondaires lorsque ceux-ci sont des femmes, des enfants, des animaux ou des êtres surnaturels.

Le rôle essentiel du waki est d'interroger le shite et de lui donner une raison pour effectuer sa danse. Joué sans masque, le waki est toujours un humain mâle en vie au moment de la pièce. Il peut s'agir d'un aristocrate, courtisan ou envoyé, d'un prêtre, d'un moine, d'un samourai ou d'un homme du peuple. Sa fonction sociale est indiquée par son costume.

Une pièce de nō implique toutes les catégories d'acteur. Il y a approximativement 250 pièces au répertoire. On peut les répartir en deux groupes selon leur réalisme, ou en six catégories selon le thème. Ce dernier influera sur le moment où la pièce est jouée au cours de la journée traditionnelle de nō, qui comporte une pièce de chacune de ces six catégories.

Le kyogenkata est le style de jeu réservé aux acteurs jouant les rôles populaires dans le répertoire nô et toute la distribution des pièces kyogen (représentées en intermède entre deux pièces nō).

Le style hayashikata est pour les musiciens qui jouent des quatre instruments utilisés dans le nō.

Les pièces

Le genzai nō désigne les pièces réalistes. Le personnage principal est alors un être humain vivant, et l'histoire se déroule en temps réel. La pièce est centrée autour des sentiments du personnage, toujours pris dans une situation dramatique. Le dialogue parlé constitue le moyen essentiel d'exposition.

Le mugen nō fait en revanche appel à des créatures imaginaires, divinités, fantômes ou démons. Ces créatures sont toujours jouées par le shite. Les pièces sont alors divisées en deux actes. Dans le premier, la créature apparaît sous l'aspect d'un être humain au waki venu visiter un lieu sacré ou célèbre. Au second acte, il se révèle et exécute une danse. Ce second acte est supposé se dérouler dans un rêve ou une vision de waki, d'où le nom de mugen, qui désigne ce type d'expérience.

Le sujet des mugen nō fait le plus souvent référence à une légende ou à une œuvre littéraire. Écrit dans une langue à la fois archaïque et poétique, le texte est chanté selon des intonations obéissant à des règles strictes de kata (formes imposées par la tradition). De même, les acteurs adoptent pour ce type de pièces un pas glissé caractéristique, et les mouvements des danses sont eux-mêmes très codifiés. Cette stylisation extrême donne à chaque mouvement et intonation une signification conventionnelle propre.

La mise au point des caractéristiques essentielles du mugen nō est attribuée à Zeami. Plutôt que de tenter de re-créer la beauté sur la scène, son but est de susciter dans l'auditoire un état d'esprit propre à la contemplation de la beauté, sa référence étant le sentiment éprouvé face à la beauté d'une fleur.

Okina/Kamiuta

Il s'agit d'une pièce unique alliant danse et rituel shinto. En toute rigueur, il ne s'agit pas de nō, mais d'une cérémonie religieuse utilisant le même répertoire de techniques que le nō et le kyogen. Il représente la bénédiction accordée par une divinité à l'assistance. Le masque est alors un objet religieux à part entière.

Ces pièces sont aussi connues sous le nom de Sanban, « les trois rituels », en référence aux trois pièces essentielles Chichi-no-jo, Okina, et Kyogen Sanba-Sarugaku. Le rôle principal est tenu par un acteur de nô, le rôle secondaire par un acteur de kygogen.

Ces pièces ne font partie des journées de nō qu'à l'occasion de la nouvelle année ou de représentations spéciales. Elles sont alors toujours données au début du programme.

Nō de dieux

Appelées aussi waki nō (nō d'après, après l’Okina), elles ont une divinité comme personnage principal. Typiquement, le premier acte narre la rencontre d'un prêtre avec un autre personnage sur un lieu célèbre ou en route vers un tel lieu. À la fin de l'acte, l'autre personnage se révèle une divinité. Celle-ci, ou une divinité liée, revient à l'acte II pour exécuter une danse et bénir l'assistance, un temple ou les récoltes.

Exemples de pièces : Le Vieux Pin, Les Deux Pins, Po Chu-i, L'Arc du temple d'Hachiman, La Déesse des cerisiers, La Reine-mère de l'Ouest, Kamo, Le Dieux du temple de Shirahige, L'Île aux bambous de la déesse Benten, etc.

Nō de guerriers

En japonais shura-nō, ces pièces sont centrées autour de l'esprit de guerriers morts, et tombés en enfer après leur mort. Ils reviennent alors pour raconter la vie dans l'ashura (enfer de la guerre), ou leur dernière bataille.

Exemples de pièces : Le Général Tamura-maru, Yoshitsune à Yashima, Le Carquois de Kagetsue, Le Guerrier Michimori, La Noyade de Kyotsune, Le Vieux Sanemori, Minamoto no Yorimasa, Dame Tomoe.

Nō de femmes

Appelées « nō de femmes » ou « nō à perruque » (kazura-nō), ces pièces tournent autour de l'esprit de femmes belles, de jeunes nobles, voire de plantes ou de déesse. Le moment essentiel de ces pièces est une danse gracieuse.

Nō de femmes folles

Cette catégorie est assez mal définie, car elle regroupe les pièces n'appartenant pas aux autres groupes. Elles dépeignent en général un personnage tombant dans la folie, soit par jalousie, soit suite à la mort d'un être cher.

Nō de démons

Aussi appelées « nō de la fin » (kiri nō), ces pièces comprennent un personnage surnaturel, démon, roi-dragon, gobelin ou autre esprit de ce type, quoique le personnage central de certaines soit simplement un jeune noble. Ces pièces ont un rythme plus rapide, soutenu par l'utilisation du tambour à baguettes (taiko). Une danse rythmée constitue leur point culminant, qui est également celui de la journée de nō.

Le Nō aujourd'hui

Il y a environ 1500 acteurs professionnels de nō au Japon aujourd'hui, et cette forme d'art recommence à prospérer. Contrairement au kabuki qui est toujours resté très populaire, le nō s'est peu à peu tourné principalement vers une certaine élite intellectuelle. Les cinq familles de nō sont les écoles Kanze (観世), Hosho (宝生), Komparu (金春), Kita (喜多), et Kongo (金剛). Les familles de kyogen étant à part.


Cet article fait partie des généralités sur le Japon


Source partielle: wikipedia

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