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Hikikomori

Hikikomori (ひきこもり, 引きこもり ou 引き篭り) désigne une pathologie psychosociale et familiale touchant principalement des adolescents ou de jeunes adultes qui vivent cloîtrés chez leurs parents, le plus souvent dans leur chambre pendant plusieurs mois, voire plusieurs années, en refusant toute communication, même avec leur famille, et ne sortant que pour satisfaire aux impératifs des besoins corporels.

Il y aurait près d'un million de hikikomori au Japon, soit un jeune sur dix, et presque 1% de la population (qui est de 127 millions). La plupart (environ 77%) de ces personnes sont de sexe masculin, souvent des fils aînés.

Ni grabataires, ni autistes, ni déficients intellectuels, ils se sentent accablés par la société. Ils ont le sentiment de ne pas pouvoir accomplir leurs objectifs de vie et réagissent en s'isolant de la société. D'abord considéré à tort comme une agoraphobie par les psychologues non-japonais, ce comportement asocial semble pouvoir prendre sa source dans divers phénomènes, tels que :

  • des traumatismes familiaux ou extérieurs, trouvant parfois leur origine dans l'enfance, qui privent l'individu de confiance en lui, l'empêchant de se sentir suffisamment en sécurité en dehors de la cellule familiale. Ces traumatismes peuvent trouver leur source dans le phénomène de brimades (ijime , いじめ , 苛め), bien que cela n'en soit pas nécessairement la cause.
  • la relation fusionnelle prolongée que certains aînés mâles entretiennent parfois avec leur mère, appelée populairement « maza- konpurekkusu » マザーコンプレックス, (de l'anglais « Mother complex »). Elle se traduit par une carence dans la socialisation et un retard de langage, l'intolérance aux frustrations et aux contraintes du monde extérieur.
  • la grande permissivité ou tolérance du milieu familial japonais, vis-à-vis de l'enfant (enfant-roi et tyran), qui a été décrite par les psychiatres japonais sous le terme d'amae (甘え) « fait de chercher à être gâté, choyé ou protégé (surtout par son entourage) ». Elle est renforcée par l'absence d'autorité et de rivalité paternelle, de punitions et de châtiments corporels, et par une grande liberté individuelle dans les loisirs et les horaires.
  • la forte pression sociale, exercée sur les adolescents et les jeunes adultes dès leur scolarisation: pression scolaire relayée par la famille, attitude parentale nommée Mamagon (ままごん, « mère dragon ») ou kyōiku-mama (教育まま « mère obsédée par l'éducation scolaire ») par les psychosociologues, pression de groupe exercée très tôt par le système éducatif japonais lui-même, dit gakureki-shakaï (学歴社会, société obnubilée par le cursus scolaire).

Ce phénomène est très bien décrit dans le remarquable livre de Keiichiro Hirano La dernière Métamorphose (2003)

La Pression sociale

Le système scolaire japonais est particulièrement sélectif, et tous les établissements, du jardin d'enfants à l'université, sont classés (parfois uniquement de façon officieuse) en fonction de leur niveau. Lors du passage de l'école primaire au collège, puis du collège au lycée, et enfin du lycée à l'université, les élèves sont soumis à des concours d'entrée (入学試験), dont la difficulté est déterminée par le rang et la renommée de l'établissement.

Il peut aussi arriver que la pression scolaire vienne des élèves eux-mêmes, à travers le phénomène d'ijime. Par le terme « ijime » on désigne la mise à l'écart et le rejet par un groupe des éléments considérés comme étant « hors-norme » ; rejet qui peut se traduire par des vexations, des moqueries ou même parfois des violences. Ce phénomène, bien qu'existant dans tous les pays, peut prendre des proportions particulièrement importantes au Japon.

Un syndrome nommé gogatsu-byō (五月病, « mal du mois de mai ») affecte chaque année des milliers de jeunes, au bout d'une période d'un à deux mois après la rentrée universitaire ou, plus souvent, l'embauche (laquelle se fait généralement en avril -d'où le nom). Elle se présente comme une dépression réactionnelle, avec dépersonnalisation passagère ou bouffée délirante, touchant généralement les individus les plus brillants intellectuellement, les plus sensibles, et/ou ceux qui viennent de provinces et d'îles éloignées.

Ce syndrome, dans le cas de jeunes diplômés fraîchement embauchés dans une entreprise, peut s'expliquer en partie par les conditions de travail traditionnellement très dures au Japon. La coupure avec le monde scolaire est très nette, et très éprouvante. Mais surtout, la récession économique que subit le Japon depuis les années 90 a provoqué une occidentalisation du système de gestion des entreprises, faisant disparaître progressivement le « shuushin koyou seido » (終身雇用制度, しゅうしんこようせいど), ou « système d'emploi à vie », qui garantissait à l'individu de pouvoir faire carrière jusqu'à la retraite dans une seule et même entreprise.

Dans la société actuelle, il semble que de plus en plus de personnes acceptent mal la pression du monde extérieur, et peuvent ressentir une angoisse incoercible face à la contrainte relationnelle. À ne pas confondre avec une phobie — pas même une agoraphobie, dont le seul point commun est le mécanisme de défense « par évitement ».

Ainsi, ce n'est pas tant l'espace extérieur qui est anxiogène que l'implication relationnelle et non virtuelle qu'elle exige. Alors que l'agoraphobe sera souvent soulagé de parler à quelqu'un en particulier car cela va rompre son isolement dans l'espace ou dans la foule, le hikikomori, lui, va au contraire préférer une rue déserte en pleine nuit pour aller au distributeur de boissons, car la machine sera apathique par excellence et anonyme.

Les symptômes

Le hikikomori réagit en se retirant complètement de la société, évitant tout contact avec le monde extérieur, surtout s'il nécessite une communication, même non-verbale, comme passer à la caisse d'un supermarché.. Il s'enferme dans sa chambre pendant des durées prolongées, souvent mesurées en années. Il n'a souvent aucun ami et passe la plupart de son temps à dormir, à regarder la télévision, à jouer à l'ordinateur et à surfer sur Internet, moyen privilégié de communication anonyme et libre. En ce sens il est différent de l'Otaku qui passe son temps devant l'ordinateur pour assouvir une passion.

Mais la volonté de se retirer de la société se renforce généralement progressivement. Les hikikomori ont l'air malheureux, sans amis, timides et peu loquaces. Souvent également, ils sont rejetés à l'école, ce qui constitue l'élément déclencheur du phénomène d'isolement.

Avoir un hikikomori à la maison est souvent considéré comme un problème qui doit rester interne à la famille et beaucoup de parents attendent longtemps avant de rechercher l'aide de psychologues. Les thérapeutes sont pourtant très actifs, le Japon étant un des rares pays qui possède une structure de soins à domicile et d'enseignants volontaires. Avoir un fils ou une fille hikikomori à la maison est encore un sujet de honte. Le problème du hikikomori est ainsi souvent laissé à la seule charge de la mère. Au début, les parents espèrent que le problème se réglera de lui-même. Ils voient cette situation comme un passage à vide temporaire de leur enfant. Les parents ne savent donc pas quelle attitude adopter. Il est rare qu'ils forcent leur enfant à réintégrer la société.

La manque de contact social et l'isolation prolongée ont un effet dévastateur sur la mentalité des hikikomori. Ils perdent leurs capacités à vivre en société et les références morales normales. Souvent, ils ont des difficultés à distinguer le bien du mal. Leur poste de télévision ou leur ordinateur devient alors leur unique point de référence.

Si le hikikomori réintègre finalement volontairement la société - souvent après quelques années, il doit faire face à un sérieux problème : rattraper les années d'école perdues. Cela rend le retour dans la société encore plus difficile. Ils ont peur que les autres découvrent leur passé de hikikomori. Ils se sentent également mal à l'aise avec les étrangers.

Leur peur peut se transformer en colère et leur manque de références morales peut les conduire à des comportements violents voire criminels. Certains hikikomori attaquent leurs parents.

Traitement

Les avis des thérapeutes sur la conduite à tenir divergent, notamment entre les Japonais, qui préfèrent attendre que l'adolescent récalcitrant émerge dans la société par la force des choses et le soutien à domicile et les Occidentaux, plus enclins à la consultation externe et à la psychiatrisation. Dans la plupart des cas, un soutien psychologique est nécessaire pour les parents, qui sont désorientés et impuissants face au problème. Bien qu'il existe des cellules d'aide spécialisée, beaucoup de hikikomori et de parents ressentent encore le manque de soutien, en grande partie dû à leur ambivalence et parce que la famille hésite à le solliciter.

Lorsque la demande et le diagnostic ont été posés, souvent suite à la consultation des parents, l'intervention est une approche à la fois sociale et clinique. Il s'agit le plus souvent d'une thérapie familiale à domicile, de longue haleine et qui n'est pas sans rappeler l'antipsychiatrie avec de petites équipes à la fois peu médicalisées et très actives. Elle se compose d'un ou deux éducateurs spécialisés effectuant des visites quotidiennes, épaulés par un assistant social et un médecin une fois par semaine. Une réunion de restitution et de contrôle, généralement hebdomadaire, complétée par la réunion de secteur mensuelle, permettent d'apprécier l'évolution et de décider des mutations d'équipes éventuelles. La chimiothérapie associée est fréquente, sans être systématique.


Cet article fait partie des généralités sur le Japon

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