Nobuyoshi Araki ( 荒木経惟 )

Nobuyoshi Araki ( 荒木経惟 ) est né à Tokyo en 1940

Diplômé du département d'ingénierie de l'université de Chiba en 1963, il reçoit la même année le prix Taiyo pour Satchin, du nom du chat d'une petite fille. En 1971, il publie une série distribuée en privé, "Senchimentaru na tabi" (センチメンタル ナ タビ, Voyage sentimental), où sa vie privée, et en particulier son mariage et sa nuit de noces, apparaissent sous la forme d'un journal. À première vue banales, ces photos sont en fait des mises en scène. En 1972, lors d'une performance, le Super-Photo concert, où les photos tirées de cette série sont photocopiées et envoyées par la poste à des destinataires choisis.

Les thèmes de ses photographies sont Tokyo, le sexe et la mort. Tokyo, car c'est sa ville natale. Il considère que la photographie est l'amour du sexe et de la mort. Pour lui, ces deux désirs sont inséparables. Il photographie aussi beaucoup de femmes nues, à commencer par son épouse. Pour lui, la nudité est dans le portrait et non dans le corps. Il photographie aussi des fleurs, métaphore du sexe féminin.

Il indique la date sur chacune de ses photographies. Il signifie que le cliché est un moment du présent, entre le passé et l'avenir.

Il réalise une série de photographie qui se démarque par les déformations apportées aux clichés. En effet, le tirage des épreuves s'est effectué à très haute température. Ensuite, le cliché est refroidit. Ensuite, il est accroché à l'extérieur. Ainsi, il est transformé par la lumière et les intempéries. De ce fait, ses photos sont le produit du temps présent.

Ses travaux lui ont par la suite apporté une grande notoriété auprès du public japonais et international : ses photos, toujours accompagnées de textes sur le mode d'un journal intime et d'un essai, étaient à l'avant-garde des tendances artistiques du moment. Artiste prolifique, il a décliné de nombreuses séries de photos et d'essais, rapidement auréolée d'une atmosphère sulfureuse et de la figure mythique de l'artiste. Après la mort de sa femme, de nombreuses photos de prostituées, de jeunes étudiantes nues, de scènes ouvertement sexuelles ponctuent ses travaux. Le bondage, issu d'une vieille tradition japonaise, a également donné lieu à une série à l'esthétisme particulièrement poussé. [voir Araki Gold, illustration plus bas]

En 1991 il reçoit le prestigieux Prix Higashikawa.

Araki a inauguré un genre de démarche photographique inédit, où l'objectif suit au plus près la vie de l'artiste dans une veine auto-fictive agencée avec une grande maîtrise. C'est, avant l'heure, une brèche dans ce médium originellement cloisonné, dont bien des photographes plasticiens ou des artistes contemporains suivront la trace : Sophie Calle, Roman Opalka et d'autres.

En 2004 un documentaire américain sur la vie et le travail de Nobuyoshi Araki a été réalisé par Travis Klose : Arakimentari.

Voir aussi : Plus sur Araki




photographies et polaroid





Peinture sur photographie

Shi Nikki (Private Diary) for Robert Frank, 1993

Réalisées en 1993, trois ans après le décès de sa femme, Yoko Aoki, cette série rassemble 101 photographies en noir et blanc. Dans l’austérité du studio ou dans l’intimité de la chambre, le photographe saisit le modèle féminin dans des postures de stricte frontalité, explicite et sans concession, tout comme dans des mises en scène érotiques. Ces images sont rythmées de photographies du quotidien d’Araki désormais veuf : natures mortes, rues et ciel de Tokyo, le chat Chiro adopté avec sa femme. Parmi elles, les photos de rues font écho au travail de Robert Frank (1924-2019), pionnier de la photographie américaine, à qui Araki a dédié cette série à l’occasion de son exposition au musée de Yokohama. Dans cette juxtaposition, Araki explore son environnement intime et s’interroge sur son désir comme sur la perte.

Le portfolio porte en lui une blessure, une noirceur, qui marque un tournant de l’œuvre de l’artiste. Ainsi, après la prise en compte du contexte de création et du choix numéral, la symétrie du nombre 101 peut interpeller. Nombre palindrome, il se compose de deux unités semblables séparées par un zéro, une possible métaphore du vide imposé par la disparition de sa bien-aimée.

La force de la série réside en ce que la narration ne se borne qu’à une suggestion non prescriptive, plus émotionnelle que logique où une figure remplace une autre figure, où les espaces publics succèdent à la chambre à coucher, où il y a l’avant et l’après, la vie et la mort. Les œuvres dialoguent et les thèmes s’interconnectent : le sexe, l’absence, la répulsion, la ville, l’infini. Le banal côtoie l’explicite, l’éternel et l’éphémère. Cette plongée insulaire dans la vie d’un photographe sans sa muse est un voyage imaginaire dont les chemins se croisent, se perdent et vous ramènent invariablement à la solitude et au vide.

 

 


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