Il était une fois dans l'Ouest

 

Il était une fois dans l'Ouest, film italo-américain de Sergio Leone, sorti en 1968.

Un grand classique de l'époque américaine de Sergio Leone et le plus solide des "Western spaghetti"

  • Réalisation : Sergio Leone
  • Titre original : C'era una volta il West
  • Titre anglais : Once Upon a Time in the West
  • Scénario : Dario Argento, Bernardo Bertolucci, Sergio Donati, Sergio Leone
  • Musique originale: Ennio Morricone
  • Durée : 165 minutes (réduit à 144 min)
  • Date de sortie : 21 décembre 1968 (Italie), 27 août 1969 (France)

Distribution:

  • Charles Bronson : l'homme à l'harmonica
  • Henry Fonda : Frank
  • Claudia Cardinale : Jill McBain
  • Jason Robards : Manuel Gutierrez dit Cheyenne
  • Jack Elam : Snaky
  • Frank Wolff : Brett McBain
  • Lionel Stander : le barman
  • Keenan Wynn : le shérif de Flagstone
  • Gabriele Ferzetti : Morton (patron du chemin de fer)
  • Paolo Stoppa : Sam

Argument

Dans une gare, trois cow-boys attendent Harmonica, le passager d’un train qui arrive, pour l’éliminer. Plus tard, une famille de fermiers est sauvagement assassinée. Qui manigance ces crimes : Cheyenne, le hors-la-loi ? Quel rôle joue Frank, l’homme de main de Morton qui est chargé de la construction du chemin de fer à travers l’ouest des États-Unis ? Quant à Harmonica, personnage énigmatique, il n’explique pas les raisons de sa présence en ces lieux. Le film décrit deux conflits qui ont lieu autour de Flagstone, une ville fictive dans l'Ouest américain : une lutte autour de l'arrivée du chemin de fer, et une vengeance contre un tueur à sang froid.

La trame principale tourne autour d'une lutte pour "La source fraîche" (Sweetwater), une propriété sur un terrain quasi-désertique près de Flagstone. Pendant longtemps dans le film, on se demande pourquoi le propriétaire Brett McBain  a fait construire ici une ferme pour s'y installer avec ses trois enfants. C'est beaucoup plus loin dans le film qu'on comprend que Mc Bain a acheté ce terrain car il contient la seule source d'eau de la région. Et il prévoyait que quand le chemin de fer arriverait, il devrait obligatoirement passer par cette propriété pour alimenter en eau ses locomotives à vapeur. Et McBain avait aussi acheté une grande quantité de matériaux de construction pour pouvoir construire une gare et des bâtiments tout autour.

Et effectivement la ligne de chemin de fer du magnat Morton  doit bien passer par Sweetwater. Morton envoie son âme damnée Frank pour intimider McBain. Mais Frank tue McBain et ses trois enfants dans une scène pénible. Pour faire accuser du meurtre le Cheyenne  et sa bande vêtue de "cache-poussière", de longs manteaux maxi (long dusty coats), il en laisse un morceau sur les traces de son forfait.

Jill  que McBain a épousé à la Nouvelle Orleans arrive à Flagstone par le train nouvellement créé. Évidemment, elle ne trouve personne venue l'attendre et elle loue une carriole pour rejoindre son mari. Cela vaut une séquence dans les collines aux formes tellement reconnaissables de Monument Valley. Arrivée à Sweetwater, elle découvre toute la famille massacrée et se retrouve héritière de la propriété. Elle décide tout de même de ne pas rentrer en ville et de rester à Sweetwater.

Entre temps, un joueur d'harmonica mystérieux  arrive par le train. C'est la longue scène d'ouverture du film, où l'on voit trois tueurs vêtus de cache-poussière  envoyés par Frank l'attendre à la gare sous la chaleur. La séquence se prolonge pendant l'arrivée du train filmé depuis très loin. Quand le train s'éloigne, le joueur d'harmonica et les tueurs se trouvent face à face. Mais c'est lui qui les abat tous les trois, tout en étant blessé. Pendant toute la suite du film, il ne sera connu que sous le nom de Harmonica. Pourtant, il ne sait pas en jouer : il n'en tire que des séquences grinçantes.

Dans une auberge sur le chemin de Sweetwater, Harmonica rencontre le cheyenne qui dément que les tueurs aient été envoyés par lui. Arrivé à Sweetwater, Harmonica abat deux hommes envoyés par Frank pour tuer Jill. Il explique au Cheyenne que Jill perdra ses droits sur Sweetwater si au minimum la gare n'est pas construite quand le train arrivera. Le Cheyenne met ses hommes à travailler et à construire à partir des matériaux disponibles.

Pendant ce temps, Frank se retourne contre Morton, qui a voulu passer directement un marché avec Jill car il ne voulait pas des meurtres. La trahison de Frank est facilitée par le fait que Morton est infirme. Après avoir violé Jill, il veut la forcer à lui vendre la propriété à vil prix lors d'enchères en intimidant les autres acheteurs. Mais Harmonica arrive en tenant le Cheyenne à la pointe du fusil. Il fait une offre très supérieure basée sur l'argent de la prime pour la capture du Cheyenne qui était recherché. Après repousser une nouvelle tentative d'intimidation par Frank, Harmonica redonne la ferme Jill. À ce stade, certains des hommes de Frank payés par Morton essaient de tuer leur chef. Mais Harmonica les tue pour garder ce privilège pour lui-même.

Frank se rend à Sweetwater pour affronter lui-même Harmonica. À deux reprises, il lui demande son nom sans obtenir de réponse. A la place, Harmonica cite les noms de tous les hommes que Frank a assassinés. Les deux hommes vont s'affronter dans un duel. A ce moment, le motif de la vengeance d'Harmonica est révélé dans un flash-back : Quand Harmonica était enfant, Frank a tué son frère aîné de façon cruelle : il l'a fait pendre à une corde attachée au sommet d'une arche debout sur les épaules du jeune garçon. Il lui a collé un harmonica dans la bouche. Harmonica tire le premier et blesse mortellement Frank. Juste avant de mourir, Frank lui demande encore qui il est. Il lui enfonce alors l'harmonica dans la bouche.

Débarassé de Frank, Harmonica et le Cheyenne vont dire au revoir à Jill, qui supervise la construction de la gare alors que les équipes de poseurs de rail se rapprochent de Sweetwater. Le Cheyenne s'effondre alors, révélant qu'il a été touché par Morton quand lui et ses hommes se battaient ceux de Frank. Le prochain train amenant des rails arrive, et le film se termine alors que Jill va donner à boir aux ouvriers et qu'Harmonica s'éloigne en laissant le corps du Cheyenne.

Critique

Ce film, le premier volet du triptyque américain « Il était une fois… », permet à Leone de revisiter le mythe de l’Ouest américain et de lui rendre une vérité altérée par les conventions du cinéma américain au nom d’un plus grand souci de réalisme. Leone s’est toujours étonné, entre autres reproches qu’il adressait aux westerns classiques, qu’on ne montre pas, par exemple, la réalité de l’impact d’une balle qui faisait un trou énorme dans le corps de la victime et la projetait à plusieurs mètres en arrière. Ou encore, qu’on atténue la violence extrême de cette époque qui voyait pourtant un tueur exhiber les oreilles coupées de ses ennemis pour imposer le respect !

C’est pourquoi, sans doute, certains reprochent à Leone une exagération des effets alors qu’il entend restituer, en fait, le sadisme de toute violence ou l’érotisme de tout amour et insiste, de façon très documentée, sur les habits, les armes à feu et les détails du train. Cette reconstitution qui se veut réaliste de l’Ouest débouche sur un film qui se développe à deux niveaux. Au premier plan, il s’agit d’une classique histoire de vengeance qui montre Harmonica poursuivre l’assassin de son frère.
Mais, au-delà de ce thème récurrent dans le Western, se dessine progressivement un second thème plus original, celui de la mutation des États-Unis saisie au cours d’une période charnière qui voit la fin du vieux Far West et le début de l’Amérique moderne.

Le passage entre les deux époques est d’ailleurs parfaitement symbolisé par la construction du train qui relie non seulement deux espaces l'Est et l'Ouest, mais aussi deux temps, celui des Pionniers du Far West qui s’efface peu à peu devant celui de la Civilisation moderne.
L’un des intérêts du scénario, écrit, entre autres, par Bertolucci et Argento, est d’en montrer les répercussions sur les personnages eux-mêmes qui n’ont d’autre choix que de disparaître ou de s’adapter. Trois d’entre eux ne s’intègrent pas et sont appelés à s’effacer. C’est d’abord Franck, hors-la-loi, chef de bande et rebelle à toute légalité, qui représente une époque révolue car, désormais, la Loi se généralise.
C’est ensuite le bandit généreux, Cheyenne, dont le romantisme n’a plus sa place dans une société devenue mercantile. C’est enfin Harmonica dont le mode de vie fondé sur le sens de la justice et le goût pour la solitude ne peut s’accommoder d’un monde de plus en plus organisé et collectif. On songe, à son propos, au beau mouvement de camera qui, par un travelling circulaire, donne à voir, en un plan de plus en plus général, le chantier du chemin de fer, puis les dizaines d’ouvriers au travail et le personnage de Harmonica qui s’y fond comme s’il disparaissait en tant qu’individu, comme s’il s’agissait de la fin de l’individu.

En revanche, Jill, la prostituée interprétée par Claudia Cardinale, prête à tout pour survivre, est la seule à réussir ce passage entre l’ancien et le nouveau monde, la prostitution étant ici montrée comme éternelle. La séquence finale, qui la montre donnant de l’eau aux ouvriers, signifie sans doute la fidélité à ses origines , car elle choisit les ouvriers exploités et humiliés comme elle en même temps que son adaptabilité, les ouvriers construisant l’ avenir.

Le propos de Leone est transparent et se veut prophétique.L’Amérique virile se transforme ainsi ainsi une Amérique fondée sur le matriarcat. En effet ’à l’époque de la réalisation du film le « Women Liberation » connaissait son apogée aux États-Unis.
Il faut remarquer que c’est dans un cercle final, l’arène de la vie, que Leone réunit et enferme ses personnages essentiels et exprime le moment de vérité du film qui se conclut, de façon la plus classique, par le duel inhérent à tout western.

Les thèmes du film et c’est une constante chez Leone, sont par ailleurs magnifiés par une mise en scène savante et toujours spectaculaire illustrée d’un accompagnement musical expressif. On reverra avec un grand plaisir la séquence initiale, devenue mythique, des trois tueurs qui attendent le train et Harmonica avec ses gros plans et très gros plans sur des regards ou des détails inattendus, craquement des doigts, mouches emprisonnées dans le canon du colt, gouttes d’eau sur le chapeau, roue de l’éolienne qui grince, et exaspérants qui immobilisent le temps avant de le dilater et de faire sourdre l’accablement et l’ennui.

Le film multiplie les savants cadrages et installe dans l’espace les personnages d’une façon souvent saisissante : fréquentes plongées ou contre plongées, caméra placée sous un angle insolite allongeant, par exemple, les silhouettes ou remplissant l’écran d’yeux présentés en très gros plans. Les combats sont filmés en deux temps comme autant de ballets: d’abord, une lente montée de l’attente qui accroît la tension avant que l’exaspération des nerfs n’explose dans les coups de feu.

L’accompagnement musical, lui aussi très célèbre de Morricone souligne et accentue les effets, de sorte que la théâtralisation de l’image et la musique très expressive font nécessairement penser à un grand opéra baroque. La musique et l'image procèdent en effet l’une de l’autre, se nourrissent l’une de l’autre. Il suffit d’évoquer la terrible séquence des deux frères, l’aîné juché sur les épaules de son cadet jouant de l’harmonica, dont toute la force provient précisément de cette alliance intime entre ce qui est montré au travers d’une image saisissante et ce qui est entendu dans une partition musicale qui joue, de façon insupportable, sur les nerfs par son lent crescendo lancinant de notes d’harmonica qui finit par éclater dans une envolée sonore lourdement appuyée par les cuivres.

En définitive, ce film devenu culte qui insiste sur le passage entre deux époques et dont la tonalité de désenchantement se prolongera dans « Il était une fois la Révolution » annonce, par le double thème du duo et de la désillusion, ce qui sera le chef-d’œuvre de Leone : « Il était une fois en Amérique ». Les trois films, sans être des suites, sont toutefois à voir dans l’ordre chronologique.