Il était une fois en Amérique, film italo-américain de Sergio Leone, sorti en 1984. Le décès prématuré de Leone en 1989 fait de ce film son dernier film. Il boucle ainsi la trilogie, commencée avec Il était une fois dans l'Ouest, et que le réalisateur a consacré à l’Amérique dont il saisit, cette fois, l’évolution qui court, dans le film, du début du XX° siècle aux années soixante.
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Critique David Aaronson, dit « Noodles », vieil homme las et solitaire, revient à New York et se souvient. Il contemple d’un regard dur, désabusé et pourtant sage et apaisé sa vie manquée. Cette jeunesse délinquante dans le ghetto juif des années 1920, sa bande d’amis et surtout Max, son ami de toujours. Leur ascension sans gloire dans la pègre, le trafic d'alcool, les fumeries d'opium. Mais il se rappelle aussi la violence, la sombre période de la Prohibition, les meurtres sauvages, et cette trahison qui a détruit sa vie. Le décès de Leone en 1989 fait de ce
film son dernier film. Il boucle la trilogie que le réalisateur a consacrée à
l’Amérique. Mais cette composition complexe en trois époques, développées pour l’essentiel linéairement, se précise et se complète également à travers de subtils retours en arrière et des va-et-vient de l’une à l’autre qui correspondent aux mouvements mêmes de la mémoire et qui sont, par ailleurs, toujours justifiés par le récit ou les émotions des personnages. D'autre part, suivre l’évolution de ces enfants revient à comprendre celle des Etats-Unis. En effet, deux des enfants se caractérisent par leur caractère entier et leur volonté d’être les premiers plus tard. Deborah désire s’évader de son milieu social et devenir une vedette. Max, être impulsif, refuse d’avoir un patron. Ces deux-là sont donc les moteurs du récit. Noodles, à l’inverse, pensif, méditatif, sans ambition réelle, sinon de se faire aimer de Deborah, et peu en accord avec les méthodes de Max, s’oppose souvent à lui, surtout après son long séjour en prison. Dans une séquence centrale, Noodles précipite à la mer la voiture, les costumes, les armes, bref les gangsters qu’ils sont devenus, en une sorte d’immersion purificatrice. Ce désir de purification par le retour aux valeurs fondatrices de l’enfance commune s’exprime aussi à travers les rituelles invitations à prendre un bain que les deux amis se lancent chaque fois que leur amitié est menacée. Leurs destins seront donc très différents. Max, qui incarne le monde de la pègre et Deborah, qui représente le monde du spectacle ( Broadway puis Hollywood) réussissent à intégrer le monde politique et syndical par la violence pour l’un et la compromission pour l’autre. Peu avant la fin du film, ils ont satisfait leurs ambitions, sont des personnages respectées et font partie de l’établissement. Parallèlement, la société américaine nous est montrée progressivement et inéluctablement minée de l'intérieur par le gangstérisme. Le film montre la montée en puissance du crime depuis les simples magouilles avec le flic de quartier en 1920, ensuite l'organisation maffieuse avec le dirigeant syndical dans les années trente dès l’époque de la Prohibition par l’allusion à l’ascension du syndicaliste Jimmy Hoffa permise par la pègre. Cette montée se termine par la corruption généralisée au pouvoir politique associé au monde artistique dans les années soixante. Au contraire,
Noodles fait partie des laissés pour compte du destin car, méditatif et peu porté
vers l’action, il a vécu de sentiments et non d’ambitions. Mais cette réussite
a un envers car elle ne s’accomplit que sur les décombres des amitiés brisées
et de l’innocence saccagée. Le film prend alors sa dimension essentielle d’œuvre
qui porte un regard désenchanté et amer sur la vie. Ce regard éperdu, absent,
nostalgique, est celui de Noodles vieilli et, à travers lui, de Leone. Ce film lui permet
aussi de pointer du doigt la condition de la femme, perçue soit comme une vierge
inaccessible soit comme une putain, l’inégalité injustifiée des vies, le déterminisme
des milieux sociaux auxquels on ne peut échapper qu’au prix du reniement de ses
origines, le triomphe des plus cyniques quand les naïfs et les purs échouent. Le film s’achève sur le sourire de
Noodles, reflet de l’échec de la vanité des idéaux, de la trahison de l’enfance,
de la perversion de l’innocence. Un sourire qui semble nous inviter à fuir la
réalité au profit des paradis artificiels, comme si la réalité de la vie valait
moins qu’un songe. La réalisation de Leone alterne
avec le même brio les scènes chocs, les scènes d’émotion et les scènes cocasses
grâce à un rythme contrasté au service d’une mise en scène qui privilégie une
lenteur synonyme de contemplation et de réflexion, de gravité et de nostalgie
mais aussi les brefs éclats de violence animale et de déraison comme ce viol dans
la voiture. Quelque fois les derniers films des grands réalisateurs ne sont pas les meilleurs (Truffaut, Hitchcock, Kubrick...) mais pour Sergio Leone, ce film représente, à tous points de vue, la quintessence de l’oeuvre inoubliable. | |||||
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