Lundi 24 juillet 1933. À Paris, commence pour Serge-Alexandre, homme d'affaires joueur et séducteur, une semaine comme les autres, entièrement vouée à l'argent. À l'heure où son riche ami, le baron Raoul, vient l'attendre dans le hall de l'hôtel Claridge pour lui donner quelques détails sur le concours d'élégance qui a eu lieu la veille à Biarritz, et où Arlette, dame de cœur de Serge-Alexandre, s'est particulièrement distinguée. Ce même jour, Léon Trotsky, révolutionnaire bolchevique, fait une discrète arrivée à Cassis : il vient d'obtenir l'asile politique en France. Seule ombre au tableau en cette journée du 24 juillet, l'enquête que prépare l'inspecteur Bonny, de la Sûreté, sur Serge-Alexandre, homme au passé chargé et qui, sept ans auparavant, a été condamné à deux ans de prison pour escroquerie. C'est l'inspecteur Boussaud, aujourd'hui plus qu'ami de Serge-Alexandre, qui avait procédé à l'arrestation. Entre autres affaires, Serge-Alexandre dirige le théâtre de l'Empire. C'est là qu'il se rend avec le baron Raoul et qu'il s'offre un instant d'émotion en donnant la réplique à Erna, une comédienne fière de sa judéité, alors qu'il cherche à faire oublier la sienne. En fin d'après-midi, Borelli, son homme de confiance, après lui avoir rappelé que ses entreprises étaient déficitaires, cherche à le mettre en garde sur les dangers courus avec cette nouvelle escroquerie, récemment mise en œuvre : l'émission de faux bons de caisses au crédit municipal de Bayonne. C'est avec ce scandale que prendra fin la carrière aventureuse de Serge-Alexandre, retrouvé mort dans un chalet de montagne. "Stavisky s'est suicidé d'une balle tirée à trois mètres. Voilà ce que c'est que d'avoir le bras long". Même si l'aspect politique de l'affaire Stavisky est abordé, l'axe principal du film est l'aspect psychologique du personnage de l'aventurier Stavisky, qui surestime son pouvoir et celui de son réseau d'amis. Resnais et Semprun introduisent un parallèle avec le séjour à la même époque de Trotsky en France et son expulsion du territoire. La beauté plastique des images est renforcée par le jeu plutôt sobre et élégant de Belmondo. Loin de vouloir traiter son sujet avec la rigueur journalistique d'un film dossier, Alain Resnais centre son attention sur le mystérieux et fantasque Serge Alexandre et son empire en déliquescence. Ce doux rêveur, accablé par son héritage d'immigré juif, se voulait empereur, on le voit descendre de son trône de bois dans la forêt. Il échouera au pied de la montagne, entraînant la France vers les heures sombres du 6 février 1934 (le départ de Trotsky en parallèle). On reste centré sur le personnage de Stavisky, car c'est lui qui constitue le vrai problème, l'énigme de l'affaire, le nud serré de chaînes d'événements indépendantes de l'extérieur. C'est le mystère traditionnel de l'homme dont les actions extrêmes ont fait parler, et qui par conséquent intrigue naturellement : manipulations ou distractions, sérieux ou désinvolture, fantaisie ou mégalomanie ? Un peu de tout. Stavisky séduit et arnaque encore de simples individus, tout en élaborant à plus grande échelle des stratégies complexes et instables pour conserver sa position et son train de vie : corruptions, mensonges et fraudes diverses ; il se désintéresse en fait de la politique dont les mouvements ne sont à ses yeux qu'autant d'opportunités. La tronche et la gouaille de Belmondo donnent d'emblée au personnage une consistance, même son aspect physique, grand, athlétique, est fort éloigné du modèle. On peut reprocher à Resnais le peu d'intérêt qu'il porte aux personnages secondaires, mais il peut vouloir nous signifier par ce biais, que sans l'escroc Stavisky, tous ces protagonistes (à l'exception de Trotsky bien sûr) n'aurait pas laissé de traces dans l'histoire. Borelli, le second de Stavisky, puisqu'il est censé agir discrètement, reste une ombre, et la femme de Stavisky une photo de mode glacée. La mise en scène est assez appuyée, avec des montées/descentes répétées lors d'entrées/sorties d'immeubles, quelques effets comme des répétitions du travelling horizontal suivant de l'extérieur un personnage passant dans un bâtiment devant des fenêtres, des rotations de caméra centrée sur un élément proche, comme un visage, ce qui fait défiler le fond très rapidement et rompt le rythme. Le mystère et l'ambiguïté de Stavisky sont rendu par une forme proche du nouveau roman, en vogue à l'époque de la sortie du film. Cette transposition d'une forme littéraire à l'écran est rendue par la déstructuration , comme la répétition de faux raccords avec rupture brusque du fond musical, la juxtaposition de strates temporelles, l'emboîtement des récits avec une articulation du passé avec le moment présent du récit (voir plus bas) et des intrigues: en parallèle est évoqué l'exil de Trotsky, sur lequel les actions de Stavisky auront une influence possible, mais qui surtout lui oppose une autre figure, vraiment historique celle-là pendant que l'allemande approchée par Stavisky en restera lointaine alors qu'elle cherche à s'approcher de l'homme politique. La chronologie des séquences de "Stavisky"Bien que d'une structure relativement simple, l'enchaînement du récit de "Stavisky" présente cependant des caractéristiques originales. En effet, bien que des séquences se situent
au Palais-Bourbon lors de la commission d'enquête d'avril 1934 (
donc après la mort de Stavisky en janvier 1934) le film n'est pas
construit comme les classiques " films de tribunal" du cinéma
américain. Bien sûr, comme toujours chez Resnais, la structure
se complique de quelques vrais "Flash -back" antérieurs
à 1933 et de quelques inversions de chronologie à la fin
du film. Sans tenir compte de ces séquences incidentes sur Trotski, la structure du film s'établit ainsi:
|
|||||
|
|
||||
Distribution
Fiche technique
|