Bön

Un article de Nezumi.

Le Bön (prononcer beun) est une religion tibétaine préexistant au bouddhisme. Ses adeptes sont les Bönpo (lignée Bön).

De l’ensemble des pratiques animistes et chamanistes constituant le premier Bön (shes-pa bcu-gnyis) s’est dégagé au XIe siècle une religion structurée, le Bön Yungdrung (Yung-drung bon), présentant des similitudes avec le bouddhisme tibétain (particulièrement Nyingmapa), qui a lui-même beaucoup emprunté au fond chamaniste local.

Les pratiquants du Yungdrung soutiennent pour leur part que son apparition précède celle du lamaïsme. Au XIVe siècle, la branche dite Nouveau Bön (bon-gsar) s’est rapprochée encore plus étroitement du bouddhisme afin d’échapper à la discrimination.

Dominé pendant plusieurs siècles par le lamaïsme et parfois même persécuté, le Bön est un peu mieux connu internationalement depuis l’implantation hors du Tibet de communautés monastiques ayant fui l’invasion chinoise. Ses textes et traditions font l’objet de nombreuses recherches. Il a été reconnu comme cinquième tradition religieuse tibétaine par le Dalaï lama.

Sommaire

Origines

Selon les récits légendaires Bönpo, dix-huit grands maîtres ayant atteint l’illumination apparaîtront dans notre monde. Le premier d’entre eux, celui de notre ère, est le maître Tönpa Shenrab, fondateur de la religion Bön, apparu dans sur la terre mythique d’Olmo Lung Ring (identifiée par certains comme étant le Mont Kailash, au Tibet occidental).

Il est dit que Tönpa Shenrab étudia la doctrine Bön au ciel avant de s’engager auprès du dieu de la compassion, Shenla Okar, à descendre sur terre guider les hommes. A l’âge de 30 ans, il renonça au monde et mena une vie d’austérité, propageant la doctrine pour sauver les hommes de leur souffrance. Suivant son chemin, il arriva au Tibet dans la région du Mont Kailash, devenu aujourd’hui le site historique de la culture Bön.

Au XIVe siècle apparut la branche du Nouveau Bön, presque identique au lamaïsme à quelques spécificités près, comme par exemple la déambulation autour des chortens qui se fait dans le sens trigonométrique. Bien implantée dans les régions orientales d’Amdo et de Kham, elle présente certaines différences avec la branche originelle Yungdrung, mais ses abbés reconnaissent comme tous les Bönpo la primauté du monastère de Menri, fondé en 1405 par le grand maître Nyame Serab Gyaltsen (1356-1415), dialecticien disciple du lama Rongtôn.

Au XIXe siècle, les contacts avec le bouddhisme se poursuivirent avec la participation de Shardza Tashi Gyaltsen (1859-1935) au mouvement Rimé et l’adoption de terma (textes sacrés « redécouverts ») bönpo par Jamgon Kongtrul dans sa collection du Rinchen gter-nidzod.

Malgré la rivalité avec les lignées bouddhiques, les contacts demeuraient ; un département était réservé aux moines Bön dans les monastères gelugpa et sakyapa.

Doctrine

D’après le Bön, le monde est fait de trois parties :

  • les nuages et le ciel
  • la terre
  • les « régions basses », souterraines, une sorte d'enfer

Chacune est habitée d’esprits plus ou moins malicieux qui influent sur la vie des hommes. Ces esprits sont ceux des cinq éléments (l’espace, l’air, le feu, l’eau et la terre), des quatre saisons et de la nature (arbres, rochers, montagnes, rivières, plantes, ciel, soleil, lune, étoiles, nuages etc.). Ils ne sont pas les esprits de morts mais bien des dieux à part entière.

Les activités humaines dérangent la quiétude de ces esprits qui à leur tour se vengent sur les hommes. Ainsi lorsqu’un homme coupe un arbre, il dérange Nye, le dieu des arbres. Lorsqu’il creuse un puit, c’est le dieu de la terre, Sadag, qu’il dérange. En polluant l’air, il provoque la colère de Theurang, le dieu de l’espace, ainsi que celle de Lu, le dieu de l’eau, lorsqu’il pollue les lacs et les rivières. La vengeance des dieux s’abat ensuite sur les hommes. « En polluant l’espace, ils polluent leur esprit ; en polluant le feu, ils polluent leur chaleur intérieure ; en polluant l’eau, ils polluent leur sang, et en polluant la terre, ils polluent leur corps. De ces pollutions résultent la maladie et la mort ».

Pour lutter contre les colères des dieux, les « prêtres-shamans » du Bön, les Bönpos, se livrent à des rituels et des cérémonies complexes. Ils servent de médium entre les esprits et les hommes. Les rites qu’ils accomplissent sont différents dans chacune des régions du Tibet, car chaque endroit est habité par un esprit particulier faisant partie intégrante de la vie quotidienne des habitants de la région, et à qui sont faits offrandes et sacrifices.

Dans le Bön, la mort n’est pas considérée comme la fin de la vie, mais comme une transformation. Les morts sont incinérés, parés de bijoux, au cours d’un rituel shamanique. Cette cérémonie leur permettra d’être récompensés de leurs actes dans l’autre vie.

La doctrine transmise par Tönpa Shenrab est généralement classée en deux genres: les Quatre Portails et le Trésor Unique. Les Quatre Portails sont:

  • L’Eau Blanche (Chabdkar): doctrine liée aux phénomènes ésotériques.
  • L’Eau Noire (Chab-nag): doctrine concernant les rites du récit, les rites magiques et ceux des funérailles, ainsi que le rite de rachat des âmes.
  • La Terre de Phan (’Phanyul): recueil contenant les règles monastiques et les présentations philosophiques.
  • Le Guide Divin (Dpon-gasa) : doctrine contenant uniquement les enseignements de la Grande Perfection.
  • Le trésor Unique (Mtho-thog) recense les points essentiels des Quatre Portails.

Le Bön a une forte tradition monastique ; il existe néanmoins, comme chez les Nyingmapa, un clergé marié vivant au sein de la population. Appelés ngakpas, ils reçoivent un enseignement religieux assez similaire à celui des moines et se consacrent plus particulièrement aux services rituels (naissances, mariages, décès, exorcismes, guérisons etc.), s’appuyant pour les guérisons et exorcismes sur le pouvoir des tantras et les techniques de méditation, et non la transe proprement dite comme les chamans (pawo ou lhapa). Les moines étudient également l’astrologie et la médecine tibétaine traditionnelle.

Comme dans les autres courants de la religion tibétaine, les méditations bön s’aident de yidams, divinités guides, et de leurs thangkas ou mandalas, ainsi que des saddhanas (sgrub thabs), textes en vers ou prose en décrivant les étapes. Parmi les écoles de méditation, deux sont plus spécifiques à la religion bön :

  • Dzogchen (voie de la perfection), employée aussi dans le Nyingmapa ; il en existe quatre versions, la plus ancienne et importante étant la Tradition orale de Zang Zhung (Zhang zhung sNyan-rgyud) couchée par écrit au VIIIe siècle par Gyerphung Nangzher Lodpo, disciple de Tapihritsa.
  • Chod (coupure) vise à trancher les liens avec l’égo. La pratique consistait autrefois à se placer dans un environnement terrorisant pour effectuer la coupure sous l’effet de la peur. C’est aussi le nom d’une offrande symbolique du corps en nourriture aux êtres illuminés réalisée dans le même but. Dans la religion populaire, le chod est une pratique par laquelle le chaman absorbe les influences néfastes dans son corps de transe qu’il laisse ensuite dévorer par les démons.

Traces de culte Bön dans le Khumbu

Le Khumbu, au Népal, présente, à coté des lieux bouddhistes traditionnels, de nombreuses traces, souvent assez discrètes, du culte Bön.

  • Les Lhapsa, qui peuvent être confondus avec les mani, sont des tas de pierres ordonnées, mais non gravées, placés dans des lieux caractéristiques, entrée de village, col, sommet.
  • Les trophées, cranes d'animaux sauvages ou domestiques.
    Ces trophées sont placés sur les toits des maisons, les linteaux des portes, les murets.
  • Les cornes de bovins, souvent gravées de mantras.
  • Les svastikas (croix gammées symbolisant le mouvement éternel), isolées ou dans un mandala.

Galerie

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