Le film traite en parallèle de différentes époques du 20e
siècle En 1959, Miss Kenton écrit à son ancien chef, Mr Stevens, au sujet
du récent décès du maître de celui-ci, Lord Darlington, un comte anglais;
ils ont été tous deux à son service avant-guerre, elle comme intendante
et lui comme majordome. Elle évoque également un scandale qui a éclaté
après la guerre ayant impliqué le comte. Afin d'aller rendre visite à
Miss Kenton, Stevens obtient un congé de son nouveau patron, un américain
nommé Lewis qui a racheté le domaine Darlington. Chemin faisant, dans
la limousine que Lewis lui a prêtée, Stevens repense au jour où il a engagé
Miss Kenton: c'était en 1936. En 1936, le majordome Stevens, responsable
de toute la domesticité du domaine Darlington, fait engager son père ainsi
que Miss Kenton en tant qu'intendante. Celle-ci va se révéler une excellente
professionnelle, dotée d'une forte personnalité, parfois même en friction
avec Stevens. Celui-ci - un homme sérieux dans la quarantaine, réservé,
autoritaire - est surtout totalement investi par sa charge, qui passe
avant tout. S'il se surprend lui-même à apprécier la compagnie de Miss
Kenton, il justifie toujours ces entrevues par leur intérêt professionnel.
En 1936, le comte organise à Darlington une conférence : l'Allemagne
souhaite retrouver sa dignité d'antan, ainsi que se remilitariser. Ses
invités et lui désirent la soutenir politiquement. Seul un membre du Congrès
américain, Lewis, se manifeste fermement contre la menace nazie. Les intervenants
présents, dont le français Dupont D'Ivry, sont même accusés par Lewis
d'être de simples amateurs dans un monde régi désormais par une cynique
realpolitik. Stevens gère la logistique de cette manifestation avec une
telle implication que le décès de son père, qui intervient au même moment,
passe au second plan. 1959. Sur la route vers son rendez-vous, Stevens,
interrogé sur son passé à Darlington, nie avoir connu Lord Darlington
lorsque qu'un médecin fait allusion aux actes de traîtrise de celui-ci.
Il finit toutefois par reconnaître qu'il ne se sent pas qualifié pour
juger lord Darlington. Il se dit d'ailleurs en route précisément pour
corriger l'une de ses propres erreurs. Années d'avant-guerre: Stevens
est contraint de licencier deux employées allemandes alors qu'on découvre
qu'elles sont juives, contre l'avis de Miss Kenton. Il se semble pas approuver
cette décision de son maître, mais ne se sent pas qualifié pour exprimer
son sentiment, et Miss Kenton ne se sent pas soutenue. Quand elle apprend
enfin que Stevens partageait son avis, il est bien entendu trop tard.
Lord Darlington, pris de scrupule ("Ce que nous avons fait est mal"),
cherche à les faire retrouver pour leur restituer leur emploi, en vain.
"Monsieur Stevens, pourquoi ne dites-vous donc jamais ce que vous ressentez
?", désespère Miss Kenton. 1959. Dans un pub où il s'est arrêté, Stevens
est pris pour un respectable bourgeois par les clients et il se laisse
prendre à ce jeu : il aurait même rencontré Churchill. Le médecin n'est
pas dupe et, à une question concernant le traître Darlington, Stevens
répète qu'il n'avait pas à juger son maître. 1939: lors d'une autre soirée
de décideurs anglais, l'un d'eux veut tester la compréhension que peut
avoir le peuple de la situation internationale tendue et il questionne
à cet effet Stevens, lequel est incapable de donner quelque avis que ce
soit. Un autre jour, Miss Kenton surprend Stevens en train de lire et
elle brise l'intimité de celui-ci pour savoir de quel livre il s'agit
; ce n'est qu'un roman sentimental, "à l'eau de rose", que Stevens affirme
ne lire que pour travailler son anglais. Faute de réponse sentimentale
de Stevens, qu'elle admire, elle commence à avoir des rendez-vous avec
Benn, majordome d'un autre lord, qui finit par lui proposer le mariage.
Quand elle l'annonce à Stevens sur un air de défi, celui-ci se contente
de la féliciter. Peu après, il l'entend pleurer à travers la porte sa
chambre, sans pour autant comprendre la situation. 1939. Une nouvelle
entrevue, quasi clandestine, prend place à Darlington, à laquelle participent
le premier ministre du Royaume-Uni, Neville Chamberlain, et l'ambassadeur
allemand Ribbentropp : la politique d'Hitler, en particulier ses visions
sur la Bohême, est soutenue par tous les intervenants. Le discours autoritaire
est désormais bien loin de l'esprit conciliant et amical de la conférence
de 1936. 1959. Stevens rencontre Miss Kenton; cela fait vingt ans qu'ils
ne se sont pas vus. Ils discutent de tout et de rien, de son mariage raté
à elle, mais également du procès que Lord Darlington a perdu après la
guerre alors qu'il voulait défendre son honneur. Stevens offre une place
à Miss Kenton, qu'elle refuse. Ils se quittent... mais les frustrations
quant à leur attirance réciproque sont toujours bien présentes. Le film
joue en permanence sur trois niveaux imbriqués : l'Histoire, politique,
avec un grand H. L'histoire relative à la vie de Darlington Hall, anecdotique.
Et, enfin, l'histoire personnelle qui aurait pu exister entre Stevens
et miss Kenton, animés par le même idéal de perfection, mais qui a chez
Stevens relégué au second plan sa vie personnelle. Le film suit de très
près le livre, à quelques détails près : en a été supprimée "la scène
de la colline" (qui contient dans le livre la première référence au titre),
ensuite la scénariste a jugé préférable de remplacer le personnage de
M. Farraday, acquéreur du château après guerre dans le livre, par M. Lewis,
qui était le participant protestataire de la conférence. L'échelle de
temps a également été concentrée (la première conférence a lieu en 1936
dans le film, en 1924 dans le livre). Kazuo Ishiguro, anglais d'origine
japonaise, a expliqué dans une interview avoir voulu réaliser une fable
sur la colonisation : à tort ou à raison, le colonisé garde un vague sentiment
que son colon lui est, dans un domaine ou un autre, supérieur. La même
relation se retrouve entre Stevens et lord Darlington, et est pour ainsi
dire décrite de l'intérieur, à l'insu même de l'intéressé, Stevens. Le
thème est cousin de celui de La route des Indes, autre film de James Ivory.
James Ivory et Anthony Hopkins ont veillé à ce que non seulement Stevens
ne soit jamais ridicule dans on attachement à sa fonction, mais qu'au
contraire son idéal ne soit pas exempt de grandeur. Quant à Lord Darlington,
James Fox le campe dans le film comme un brave homme abusé à la fois par
ses interlocuteurs et ses bons sentiments.
Il est le digne représentant de l'Ancien Monde, celui de l'ordre et non
pas de la démocratie. Les conséquences dramatiques de ces malentendus
sont rappelées à plusieurs reprises. M. Cardinal, le filleul, est décédé
à la guerre. Pendant son voyage, Stevens se montre pensif et mal à l'aise
en considérant la chambre du fils de ses hôtes, décédé lui aussi à la
guerre. L'ensemble évoque une fatalité qui dépasse les protagonistes et
rappelle le mécanisme de la tragédie grecque.
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