Blow-Up , film italo-britannique de Michelangelo Antonioni, sorti en 1966et qui obtint la Palme d'or au festival de Cannes en 1967. Œuvre d'une grande modernité, Blow-Up questionne les rapports qu'entretiennent le réel et l'illusion, à travers le parcours initiatique et décousu d'un photographe de mode qui redécouvre, en sortant de son studio, l'épaisseur d'une réalité qui échappe à ses desseins. Chaque vision du film apporte une nouvelle découverte. Ce film obtient la Palme d'Or au festival de Cannes en 1967. |
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Distribution:
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Critique Blow-up retrace avant tout le parcours d'un jeune homme, Thomas, qui essaie de sortir du milieu de photographe de mode, qui lui permet de gagner sa vie, pour devenir photographe d'art. L'intrigue policière constitue un écho, une variation à cette initiation. Elle est aussi et surtout une épreuve pour le spectateur qui, a chaque vision du film, ressort aussi éreinté que Thomas en ayant fait, comme lui, l'expérience de la multiplicité des regards à porter sur le monde. Londres, samedi matin. Le prologue débute sur un montage
alterné entre une bande de hippies grimés en mimes circulant à bord
d'une Land-rover et Thomas qui sort de l'asile de clochard où il a passé
la nuit. Thomas attend que les autres sans domicile se soient éloignés,
et court jusqu'à sa Rolls stationnée à proximité. On comprend qu'il
était dans l'asile pour prendre des photos. Là, il prend les photos de ce qu'il croit être une jeune femme et son vieil amant en train de s'embrasser. Mais la jeune femme s'en aperçoit et tente vainement de récupérer les photos. En rentrant, Thomas repasse devant la boutique d'antiquaire et s'entiche d'une hélice. Deux jeunes filles, l'une blonde, l'autre brune viennent lui demander de prendre des photos. Il les renvoie. Il déjeune avec Ron son éditeur auquel il soumet les photos des clochards prises pendant la nuit pour un recueil qui sortira bientôt. Il lui explique aussi que les photos du parc prises le matin feraient une excellente conclusion à ce recueil plein de misère et de violence. Pendant leur déjeuner, ils sont dérangés par un observateur trop curieux qui, une fois découvert, se précipite vers la voiture de Thomas et tente de voler quelque chose. Rentré chez lui, Thomas reçoit la visite de la jeune femme du parc, Jane, qu'il séduit et qui se donnerait à lui pour récupérer les photos. Il lui donne un faux rouleau de pellicule et elle repart avant qu'ils ne fassent l'amour et lui laisse un faux numéro de téléphone. Il développe les photos du parc prise le matin et s'arrête sur le regard hors champ de Jane. Il repère le point où se porte son regard, l'agrandit plusieurs fois et finit par découvrir, caché dans un buisson et derrière une barrière, le visage d'un homme plutôt jeune qui tient un revolver. Satisfait, il téléphone à Ron pour lui dire que les photos sont sensationnelles : il croit que par sa présence, il a empêché un crime. Il n'a pas terminé son explication qu'arrivent les deux jeunes filles du matin manifestement prêtent à tout pour obtenir une séance de photos. Il les contraint quand même un peu à faire l'amour. Au réveil, il les chasse et retourne aux photos. Il distingue maintenant un corps derrière le buisson par lequel Jane s'est enfuie. Mais, cette fois, l'agrandissement des photos ne donne rien. La nuit est maintenant tombée et il se rend dans le parc et découvre le cadavre. De retour chez lui, il constate qu'il a été cambriolé, qu'il ne reste ni rouleau, ni photos à l'exception de la dernière, celle du cadavre brouillard qui ne prouve rien. Il essaie de contacter Ron pour qu'il l'accompagne dans
le parc. En voiture, il croise Jane mais le temps de s'arrêter, elle
a disparue, il se lance à sa poursuite et pénètre dans le Ricky Tick
Club où jouent les Yardbirds, Jimmy Page et Jeff Beck aux guitares.
Celui-ci fracasse sa guitare et en jette le manche au public. Dans la
salle c'est l'émeute, et Thomas réussit à sortir de la mêlée avec le
précieux trophée qu'il jette dès qu'il est sorti. Blow-up se veut le récit d'une perte de contrôle et d'un
apprentissage. Thomas, prenant conscience de son incapacité et de l'impossibilité
de s'approprier le réel, apprend à le questionner, à revoir ses positions
face à celui-ci et à prendre conscience du signe. Il fait d'abord l’expérience du contact avec le monde
réel par l’entremise de la photographie, laquelle n’était envisagé par
lui jusqu’alors que comme un moyen de production, de fabrication d’images,
d’icônes. Il redécouvre presque par hasard la capacité d’enregistrement
et de témoignage de l’image photographique mais en surestime
la portée. Il croit d'abord avoir empêché un crime avant de comprendre
qu'il n'a rien empêché du tout. Il croit tout pouvoir prouver avec la
technique, celle de la photo, mais la preuve lui glisse entre les doigts. Au terme du film, Thomas a probablement beaucoup évolué. Mais c'est aussi le spectateur qu'Antonioni cherche à mettre à la question. Beaucoup de commentateurs d'Antonioni qui insistent pourtant bien sur le côté très maîtrisé de son œuvre, où chaque objet qui pénètre dans le cadre semble avoir été longuement prémédité, ne semblent pas être sensibles au paradoxe qu'il y a à faire d'Antonioni l'apologue de la perte de maîtrise ou, ce qui revient au même, à faire de ce cinéaste toujours en quête de l'identification, de la communication difficile entre les êtres, le cinéaste de l'incommunicabilité. Si Antonioni est le maître du "cadre vide et déserté" c'est parce que cela lui permet de mettre en place des "espaces indéterminés qui ne reçoivent leur échelle que plus tard, dans un raccord à appréhension décalé plus proche d'une lecture que d'une perception." En d'autres termes, Antonioni ne pose pas l'absence de sens comme une évidence mais met en scène un dispositif où un seul regard ne peut suffire à prouver quoi que ce soit. C'est en confrontant les différents regards mis en jeu dans le récit que le spectateur peut lire la réalité qui ne se dérobe pas mais ne s'offre pas non plus immédiatement et sans déchiffrement. Le film met en jeu quatre instance du regard, celui de
Thomas, celui de son appareil photo, celui du spectateur et celui d'Antonioni
lorsqu'il abandonne la prise en charge par l'une des trois instances
précédentes pour provoquer un signe visible de mise en scène. La première
et la quatrième instances sont des regards subjectifs alors que celle
de l'appareil photo rejoint dans une égale neutralité apparente celle
du spectateur. Lorsque Thomas mène l'enquête à partir des photographies on voit aussi nettement un visage plutôt jeune caché dans le buisson et la forme qui émerge en dessous est sans conteste un revolver. Certes dans la deuxième partie de l'enquête, après l'amour à trois avec la blonde et la brune, Thomas n'arrive pas à prouver qu'il y a bien un cadavre, l'agrandissement n'aboutissant qu'à grossir le grain qui forme un brouillard. La photo ne prouve rien, et il est alors obligé de se déplacer dans le parc où il constate qu'il y a bien eu meurtre et qu'il s'agit de l'homme du matin. En se souvenant alors de l'étrange scène de l'observateur insistant qui a dérangé Thomas et Ron lors du déjeuner et qui a vainement tenté de récupérer quelque chose dans le coffre de la voiture, il n'est pas bien difficile de voir que Thomas se trompe encore en croyant que c'est le vieil amant que l'on a assassiné. Il s'agirait plus classiquement du mari que Jane et son amant ont entraîné dans un piège visant à l'éliminer. Cette hypothèse n'est toutefois pas indiquée dans le film.
Plus exactement, c'est la question insignifiante. Le véritable sujet
de Blow-up, ce sont les interférences entre le réel et la fiction, le
vécu et l'imaginaire comme le suggère fort bien la "partie de tennis"
qui clôt le film . Les relations entre le vécu et l'imaginaire sont
effectivement le point nodal qui permettra peut-être à Thomas de devenir
artiste. La séance de pose avec Veruschka von Lehndorff où il fait
corps avec son appareil est, à cet égard, la plus significative. Thomas
impose son regard dans le studio mais il est également lucide sur la
monté de la société de l'image qui avec ce film fait son entrée sur
la scène médiatico artistique. L'image publicitaire c'est aussi bien
la voiture que l'érotisme froid. Il ne peut prendre le temps de la réflexion comme le fait Bill, le peintre abstrait, affirmant à propos de son tableau de nature plutôt cubiste : "Quand je l'ai peint, il ne voulait rien dire [...] Et puis plus tard je trouve des choses. Et tout à coup ça s'éclaire tout seul". On notera toutefois qu'il se révèle presque artiste conceptuel avec l'achat de l'hélice. Marcel Duchamp disait qu'il ne servait à rien de peindre, la peinture ne pouvant être plus belle qu'une hélice. Dans ce monde glacé, l'objectif de l'appareil photo fait basculer la frontière entre réalité et illusion. Antonioni impose son regard sur le film par des effets
de sens directs comme l'apparition symétrique des mimes au début et
à la fin du film, la guitare dérisoirement jetée ou des effets de style
comme l'entrée dans le parc, la caméra se mettant à virevolter sur la
partie de tennis ou l'isolement du personnage de Thomas à la fin du
film. |
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