Les films de l'année 2023
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Films par ordre alphabétique, sortis en salles en France en 2023
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Palmarès
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Chien de la casse, film français de Jean-Baptiste Durand , 93 mn, scénario de Jean-Baptiste Durand, Emma Benestan, Nicolas Fleureau, sorti le 19 avril 2023, avec Raphaël Quenard, Anthony Bajon, Galatea Bellugi Dog et Mirales sont amis d’enfance. Ils vivent dans un petit village du sud de la France et passent la majeure partie de leurs journées à traîner dans les rues. Pour tuer le temps, Mirales a pris l’habitude de taquiner Dog plus que de raison. Leur amitié va être mise à mal par l'arrivée au village d'une jeune fille, Elsa, avec qui Dog va vivre une histoire d'amour. Rongé par la jalousie, Mirales va devoir se défaire de son passé pour pouvoir grandir, et trouver sa place. Jean-Baptiste Durand pour son premier long-métrage livre un film qui possède la vertu rare de faire éprouver la réalité originale d’une situation par ailleurs banale. De tenter aussi, au Pouget (Hérault), un instantané d’anthropologue sur une jeunesse périurbaine prise entre la désertification campagnarde et la tension des banlieues. Un film à la fois drôle et angoissant, aussi bien vu que senti , histoire canonique d’une amitié virile ébranlée par l’entrée dans le jeu d’une belle jeune fille. Prenant place sur un théâtre des opérations restreint, un village médiéval, une place, un banc, une barre de cité, ce numéro de duettistes, qu’on ne tolère qu’en y subodorant l’amour réciproque qui l’autorise, doit beaucoup à l’incarnation qu’ont su lui donner ses deux interprètes. |
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Le Gang des Bois du Temple , film français de Rabah Ameur-Zaïmeche , 114 minutes, photographie : Pierre-Hubert Martin, montage : Grégoire Pontécaille; avec Régis Laroche, Philippe Petit, Marie Loustalot, Kenji Meunier, Lucius Barre, Salim Ameur-Zaïmeche, Kamel Mezdour, Nassim Zazoui, Parmi les tours et les parvis, les bretelles d’autoroute et les garages, l’église et les méchouis, une action à double détente se met en place. Ici, un bourgeois calme, M. Pons, qui vient de perdre sa mère et fait gentiment son tiercé chaque matin au café du coin quand il ne garde pas les enfants de ses voisins, et dont on apprendra tout de même qu’il fut en d’autres temps , et ce n'est pas anodin, un tireur d’élite de l’armée française. Là, une bande de Franco-Maghrébins de l’ancienne génération, plutôt tranquilles sous leur bob une fois que les kalachnikovs sont rentrées, qui ont fait l’école de la République et de la rue ensemble, pris la diagonale de la délinquance ensemble et organisent un gros coup qui leur permettra de continuer à nourrir les pigeons du quartier en se souciant un peu moins de leur avenir. Le premier et les seconds se connaissent par la défunte mère de Pons, qui fut épicière en son temps, choyant ces derniers qui ne lui en chouravaient pas moins quelques bonbecs . On se toise sans amitié particulière mais avec respect, comme vivant sous le même horizon. Dans l’attente, le gros coup se prépare sans affolement, inspiré d’une affaire véritable.(En 2014, un gang de petits délinquants de Seine-Saint-Denis, emmené par un Gitan du Val-d’Oise plus capé dans l’échelle du banditisme, a braqué sur une bretelle de l’autoroute A1, à hauteur de la porte de La Chapelle, un convoi diplomatique du prince saoudien Abdel Aziz Ben Fahd, en provenance de l’Hôtel George-V. Huit hommes cagoulés en extraient quelques centaines de milliers d’euros en espèces, ainsi que des documents dits « sensibles ».) Vivement mené à l’écran, action nocturne nerveuse et sans bavures, le car-jacking propulse le film sur des voies romanesques qui lui sont propres. Le prince est un être étique et terrorisant que le réalisateur se plaît à représenter sans désir ni nécessité particulière de parole. Vivant en un mot dans l’incommensurabilité de son pouvoir, il est affublé d’un factotum américain d’une déférence digne du Moyen-âge, versé tant dans la maîtrise de l’investissement dans le marché de l’art que dans le recrutement d’une armée de mercenaires. Un détective familier de son altesse royale est ainsi engagé, qui remonte rapidement la piste des blédards de Seine-Saint-Denis. La suite se tend donc notablement, ouvrant un cycle de mortelles représailles qui reconduit ce qu’il faut bien appeler la lutte des classes à l’ère du capitalisme financier. La tension alterne avec le relâchement, routine de l’ennui ou de l’amusement d’une bande de vieux copains. Temps faibles, temps morts, temps éminemment poétique dévolu à un profane qui peut occasionnellement confiner au sacré. Chant déchirant qui s’élève d’une église, celui d’Annkrist, chanteuse d’origine brestoise dont la voix et les mots magnétisent une séquence. On est fascinés par les bolides rutilants dans un garage, les cigarettes grillées dans la nuit, un visage évaporé dans la fumée, un cheikh hiératique qui, comme délivré de lui-même, se déhanche sur une séance électrisante de raï. Rigueur des cadrages, sens plastique de l’image et des décors, confiance dans le silence. Le film éclaire des rapports de classe entre des dominés qui veulent échapper à leur destin de perdants et de nouveaux potentats venus d’ailleurs. L’action et la violence y sont présentes mais comptent moins que les temps morts, les élans de fraternité chaleureuse, les instants de recueillement. Une grande colère rentrée, contre l’injustice des inégalités sociales, se fait ressentir. Que le réalisateur parvient à convertir en puissance calme. |
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Les Trois Mousquetaires (1ère Partie : D'Artagnan)
Les Trois Mousquetaires : D'Artagnan film français de Martin Bourboulon, scénario d' Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte, d'après le roman d'Alexandre Dumas, durée 121 minutes, sortie le 5 avril 2023, avec François Civil (D'Artagnan), Vincent Cassel (Athos), Romain Duris ( Aramis), Pio Marmaï ( Porthos) , Eva Green (Milady ) , Louis Garrel (Louis XIII) , Lyna Khoudri (Constance Bonacieux ) Les Trois Mousquetaires, publié en feuilleton dans le journal Le Siècle, en 1844, fut l’objet d’une cinquantaine de films, en France comme à Hollywood. Fort de ces succès, la nouvelle version de Pathé apparaît comme la solution toute faite pour rivaliser avec Disney, alors que les salles de cinéma peinent à fidéliser leurs spectateurs. Dans le premier opus, d’Artagnan, enterré vivant, revient littéralement d’outre-tombe, l’allégorie de sortie de crise ne peut être plus claire. Dans cette adaptation des Trois Mousquetaires, on retrouve l'essentiel de la trame de Dumas, avec ce qu’il faut de secrets et d’aventures . Charles de Batz de Castelmore, dit « d’Artagnan », fougueux Gascon de 18 ans, arrive à Paris pour faire carrière au sein des mousquetaires, au service du roi, qui comptent les expérimentés Aramis , Porthos et Athos . Le tableau global évoque un mélange d’Indiana Jones, de western et de film traditionnel de cape et d'épée, émaillés de châteaux et de forêts. Du Louvre au palais de Buckingham, des bas-fonds de Paris au siège de La Rochelle, dans un royaume divisé par les guerres de religion et menacé d’invasion par l’Angleterre, les épéistes vont croiser le fer pour combattre Richelieu, le principal ministre du roi, et sa protégée, Milady de Winter , qui tentent de discréditer la reine de France, Anne d’Autriche. Le film ramène le genre vers la gaieté et l’humour, dans un esprit boy-scout solidaire et blagueur, mâtiné d’une virilité sensible entre beaux gosses. Une grande partie du film est tournée vers l’art de la séduction des héros . Porthos, désormais bisexuel, mène une vie voluptueuse, d’Artagnan s’entiche de Constance Bonacieux, et, à la cour, Louis XIII (Louis Garrel, royalement angoissé) s’inquiète autant de la situation du pays que de la fidélité de sa femme. Au-delà de ce trombinoscope drôle et touchant, ce premier opus participe à la grande séance de rattrapage du féminisme en offrant des partitions hardies à ses deux protagonistes, Milady et madame Bonacieux. Si le film ne rompt pas franchement avec les choses vues et entendues depuis cent quatre-vingts ans, il offre aussi, à travers ces dames, le plaisir de regarder du coin de l’œil ces duels. |
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Yannick, réalisation, scénario, photographie et montage de Quentin Dupieux, durée 65 minutes, sorti le 2 août 2023, avec Raphaël Quenard (Yannick), Blanche Gardin (Sophie Denis), Pio Marmaï (Paul Rivière) Le film s'ouvre sur une représentation d'une pièce de théâtre intitulée Le Cocu, jouée au théâtre Herbreteau. Tandis que les trois acteurs, Sophie Denis, Paul Rivière et William Keller, jouent devant une salle à moitié vide, ils sont tout d'un coup interrompus par Yannick, gardien de nuit vivant à Melun, qui leur explique qu'il trouve la pièce mauvaise et qu'elle n'arrive pas à lui faire oublier ses problèmes quotidiens. Les acteurs, ainsi que certaines personnes du public, demandent à Yannick de sortir de la salle s'il est mécontent, jusqu'à ce que Paul descende de la scène et, avec beaucoup d'agressivité, le mette à la porte. Alors qu'il récupère son manteau au vestiaire, Yannick entend des rires venir de la salle. Les acteurs, encore un peu surpris par la situation qui vient de se dérouler, se moquent de Yannick, avant de reprendre la représentation. Mais Yannick revient en colère, cette fois armé d'un revolver, et prend la salle en otage. Yannick demande ensuite à l'un des spectateurs présents dans la salle, un employé de bureau, de lui prêter son ordinateur portable afin d'écrire une nouvelle pièce qui sera bien meilleure que Le Cocu selon lui. Alors qu'il a énormément de mal à savoir comment fonctionne un ordinateur, il arrive tout de même à écrire un texte. Tandis que les acteurs, toujours sous la menace, apprennent leur nouveau rôle, Yannick en profite pour sympathiser tant bien que mal avec les spectateurs, encore sous le choc de la situation. Paul demande à Yannick de s'entretenir avec lui puis profite d'un court moment d'inattention pour lui prendre son pistolet. Paul devient tout d'un coup agressif, il décide d'humilier Yannick pour se venger ; il lui ordonne par exemple de se mettre à quatre pattes et de lécher le sol. Yannick refuse, se moque de Paul et ne croit pas une seconde que ce dernier sache se servir d'une arme jusqu'au moment où Paul tire au plafond. Celui-ci déclare qu'il est jaloux de la soudaine popularité de Yannick auprès du public, avec qui il a sympathisé, et enchaîne sur un monologue dans lequel il explique qu'il a raté sa carrière d'acteur et qu'il se retrouve à jouer dans des mauvaises pièces de théâtre par manque de choix. Il est tout d'un coup mis K.O. par un technicien qui était derrière le décor. Yannick reprend immédiatement l'arme mais applaudit Paul pour sa performance. Ses applaudissements sont suivis par ceux du public et Paul, encore sonné, ainsi que les autres acteurs les saluent. La pièce de Yannick commence. Paul joue un médecin, Sophie l'assistante et William le patient dans le coma. L'assistante a fait faire des examens sur le patient mais elle est corrigée par le médecin qui lui explique que l'homme n'est pas vraiment dans le coma et qu'il est atteint d'une « maladie rare », le manque d'amour. L'assistante embrasse alors le patient, malgré sa mauvaise haleine, et ce dernier se réveille. Les acteurs jouent tant bien que mal la pièce, leur texte à la main, plein de fautes et de mauvaises formulations, mais le public est hilare. Yannick, dans les coulisses, regarde la pièce se jouer tout en donnant discrètement des indications aux acteurs, puis finit par pleurer de joie. Au même moment, la B.R.I., avertie par un spectateur ayant réussi à quitter la salle sans se faire remarquer, arrive dans le théâtre. Le film se conclut au moment même où ceux-ci entrent dans la salle. Un banlieusard, le lien social rompu, le sentiment d’humiliation, l’exaspération qui monte jusqu’à la violence; le film, en mode délirant et modeste, très rusé, confronte un gars de la lointaine banlieue à un consensus mou, symbolisé à la fois par les comédiens et le public, varié, contraint lui aussi de participer au spectacle sauvage. C’est tout un théâtre de la France actuelle qui se joue alors, où Dupieux traduit le ressentiment, la peur, le sadisme, le vide, le sentiment d’être mal représenté, de ne pas être reconnu. Un monde du faux et du morne, dans lequel Yannick réinjecte de l’émotion, en roi de l’impro, en showman illuminé. |
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