La Môme, d'Olivier Dahan

La Môme, film français d'Olivier ahan, sorti le 14 février 2007.

Biographie musicale, La Môme retrace la vie d’Édith Piaf, de sa naissance à sa mort, entre New-York et Paris.
La première partie du film évoque ses jeunes années de 8 à 10 ans, lorsqu'elle est recueillie par sa grand-mère, tenancière de bordel, après l'abandon de sa mère; c'est à cette époque qu'elle devient temporairement aveugle et commence à chanter dans la rue. Sa vie d'adulte n'est pas moins tumultueuse.
Entre ses parents absents, sa meilleure amie Momone, Titine, prostituée, Louis Leplée, l’homme qui l'a découverte, son imprésario, la jeune fille se construit douloureusement et se transforme. Après quelques revers, le succès est rapide. La jeune chanteuse des rues de Paris se lance à la conquête de l’Amérique.
Femme amoureuse, passionnelle, elle vivra sa plus belle histoire d’amour avec Marcel Cerdan, champion du monde de boxe en poids moyen et marié… A la mort de ce dernier « La môme Piaf » souffre de problèmes de santé et d’argent, mais contre toute attente se relève, reprend le chemin de la scène et ne cesse de remanier son répertoire de succès.

De quoi est faite une légende ? Qu’est-ce qui fait la différence entre une chanteuse populaire et la voix d’une nation ? Qu’est-ce qui, dans une vie commencée dans la souffrance et la pauvreté, permet à une jeune fille maladroite de se sortir des rues sordides du Paris d’après-guerre pour se hisser aux sommets de la renommée internationale ?
La Môme tente de répondre à ces questions, et raconte l’histoire d’une grande dame et de sa foi, de sa souffrance et de sa passion, ainsi bien sûr que de l’amour, parfois maudit, qu’elle a toujours chanté. (Voir les détails biographiques)

La Môme n'est pas une comédie musicale. Olivier ahan se situe du côté de la tragédie. Chez lui, filmer la vie de Piaf consiste à mêler divers temporalités (de l'enfance à la mort) dans le but de stigmatiser la souffrance. Il vaut mieux connaître bien la biographie de Piaf avant de voir le film, car celui-ci n'a rien de chronologique, ni de didactique. La Môme est un long tunnel dans la douleur, l'alcool, la drogue où la joie explose par fragments. Son film est ainsi hanté par la mort, la maladie. Il choisit les moments de la vie de Piaf les plus difficiles, n'épargne rien, fonce droit dans l'émotion entre larmes, rires et hystérie. La Môme se veut un film esquinté, abîmé, frêle mais énergique comme son modèle. Il traque l'origine de son talent dans les recoins les plus sombres de Piaf, espérant que naturellement de la vie à l'art le lien existe automatiquement.

Premières minutes : la star s’effondre sur scène. Elle est à bout de force, mais elle trouve la ressource de demander à sainte Thérèse, sa patronne d’adoption, qu’elle prolonge encore un peu son séjour sur cette terre. Quand Piaf hurle qu’elle est une artiste, elle exprime une rage, celle qui la pousse à chanter malgré les médicaments et la drogue, la même qui la fait mener sa cour à la baguette. Elle n’affirme pas une vocation, elle résume un caractère trempé dans la misère et la rue, puis demeuré intact malgré les honneurs. Le temps consacré au travail est de même non seulement très bref, mais chargé moins d’enseignement que de soupçon : on y contraindrait une nature...

Par ailleurs il y a bien quelques scènes au cours desquelles la chanteuse reçoit des auteurs ayant écrit pour elle, par exemple Charles Dumont lui offrant sur la pointe des pieds Non, je ne regrette rien. Mais son enthousiasme dès l’écoute du premier couplet n’est pas une affaire de répertoire ou de flair commercial. Il vient de ce qu’elle s’y reconnaît : cette chanson l’accroche parce qu’elle lui évoque ce qu’elle a vécu, et l’incite à continuer de vivre, malgré la mort de Marcel Cerdan.

ahan ne lésine pas sur la reconstitution : bordel début de siècle, débauche de figurants et de bérets dans les cafés, cabarets, gouaille appuyée de Sylvie Testud et d’Emmanuelle Seigner... Chaque scène semble bruyamment faire revivre le peuple d'antan. Une telle exaltation d’un peuple passé n’est bien sûr pas propre à La Môme, mais l’intéressant est que ahan la reprenne à son compte via un personnage extraordinaire, par définition.

A quoi ressemble par exemple, scène improbable mais joliment négociée, la poignée de mains new-yorkaise entre Piaf et Marlene Dietrich ? La première regarde la seconde avec émerveillement, comme une gamine,comme une fan ; la seconde ne dit pas à la première qu’elle l’admire, mais qu’en l’entendant elle a l’impression de rentrer instantanément à Paris. En résumé Piaf n’est pas n’importe quelle artiste : elle est populaire. Fille du peuple qui plaît au peuple, icône mais aussi figurante d’une essence française, quand la chanteuse sera interviewée sur une plage de Californie, c’est la journaliste qui paraîtra glamour,hollywoodienne, et elle banale, anonyme, franchouillarde.

L'interprétation de tous les acteurs est remarquable, mais Marion Cotillard est exceptionnelle. Le fait qu’elle ne puisse donner de la voix la contraint et l’incite en même temps à s’exprimer autrement, dans un registre proche du cinéma muet. Si l’actrice touche autant, c’est surtout parce qu’elle est fidèle à l’esprit de la Môme : elle se donne à fond, sans compter. Maquillée, méconnaissable ou non, Marion Cotillard donne l’illusion de risquer sa peau dans cette incarnation.
Marion Cotillard ne se contente pas de jouer Piaf, elle l’incarne, dans ses mots, ses gestes et ses traits. Ses premiers pas d’adulte dans la vie parisienne et le cabaret dévoilent la personnalité forte de la souillon de la rue que Cotillard parvient à retranscrire sans sombrer dans le ridicule qui menaçait pourtant.
De même, au seuil du trépas, elle nous transporte avec douleur au plus près des regrets et de la folie qui accompagnent ce moment de solitude absolue. A travers son jeu d’incarnation, le spectateur vit la mort de la chanteuse la gorge nouée, sans pouvoir se détacher de l’infini désespoir de l’instant, jusqu’à l’ultime et terrible révélation de la dame. (Voir ses déclarations)

ahan ne sépare pas les étapes, ascension, grandeur et déchéance, mais mixe le tout, sans chronologie linéaire. Très tôt, la fin est montrée ; très tôt, le vieillissement survient à 40 ans, Piaf en fait 70. Rien n’est caché de la dégradation physique, rien non plus du visage ingrat de la chanteuse. Le corps n’est guère mieux, rachitique, voûté. À vrai dire la chanteuse n’est jamais jeune : quasi aveugle à neuf ans, défigurée par les boutons, puis marchant jambes arquées, dents en avant, voix éraillée, squelettique dans sa robe noire.

Piaf avait le don de transformer sa laideur en beauté. Certains l’ont aidée, on voit notamment comment le compositeur Raymond Asso a mis en avant ses mains, clarifié sa diction. L’exceptionnel chez elle, c’est sa force de conviction, sa foi têtue, inébranlable, en l’amour, la chanson et… sainte Thérèse. Tout près de la Piaf décadente, morphinomane et alcoolique , il y a la Piaf dévote, qui supplie en embrassant sa petite croix portée au cou. D’un extrême à l’autre, la même personne qui abhorre la modération, la tiédeur. Le mal et le bien, l’amour et le chagrin, le succès et l’excès, l’un exacerbe toujours l’autre. C’est à travers ce double paroxysme que ahan est le plus inspiré.

Olivier ahan, souvent maltraité à tort par la critique (quoique raillé à raison pour ses Rivières pourpres 2). connaît ici sa rédemption en révélant une force créative de visionnaire que l’on ne lui soupçonnait pas. Par son montage complexe et tout en finesse, et son incroyable sens de la mise en scène, il nous fait assister à la renaissance d’un cinéma populaire que l’on croyait perdu. Recourant au classicisme, notamment durant les scènes américaines qui renvoient à l’âge d’or d’Hollywood, il se détache de l’académisme de rigueur pour épouser par moments les voies modernes de l’onirisme. Le cinéaste peaufine chacun de ses plans pour qu’ils gagnent en réalisme d’époque ce qu’ils perdent en artificialité de studio, se refusant ainsi à la reconstitution léchée et désincarnée. A l’image de son actrice, il se réapproprie l’esprit des décennies parcourues et authentifie ainsi son œuvre, personnelle et intimiste. Tragique et romanesque. Sa Piaf est une mystique bouleversante.


Marion Cotillard parle de la préparation et de l'interprétation de son rôle:
«Bien sûr, j’ai beaucoup écouté les chansons de Piaf, beaucoup regardé de films de l’époque, beaucoup lu. Et j’ai rédigé une sorte de biographie, notamment à partir d’un livre qui reconstitue ses faits et gestes à la fin de sa vie, presque jour par jour. Il est évident que Piaf est la somme de tous les malheurs qui l’ont frappée, dont la perte de sa fille, Marcelle, en 1935. C’est un fait que tout le monde ne connaît pas, et que le film ne signale qu’à la fin, mais mon personnage s’en est nourri tout au long du récit, comme d’un secret qu’il était seul à posséder...
L’idée était de chercher à ne rien contrôler : en contrôlant la moindre intonation, j’aurais eu peur d’enlever de la vie au personnage, et à moi du plaisir. Je savais qu’au début du tournage, je serais en haut d’une pente et qu’il faudrait que je me jette. Il s’agissait donc de “reconnaître” cette pente, si bien que je saurais ensuite comment me recevoir, et rebondir, à chaque instant de la chute.
»

« J’ai demandé à ce qu’on engage un prof de chant : je voulais que le play-back soit parfait. Les chansons du film sont interprétées par Piaf elle-même ou par la chanteuse Jil Aigrot. Il y a des différences de style très marquées entre les époques, il y a un avant et un après Raymond Asso, le parolier qui lui a fait perdre un peu de la gouaille des débuts. J’ai appris les gestes, les respirations : le moindre battement de cil peut altérer l’interprétation. Mais ensuite, cette imitation, purement technique, procure une grande liberté : il faut que le jeu devienne un mécanisme pour que la vie puisse apparaître…

A la lecture du scénario, je savais qu’il me faudrait trouver une voix “parlée”. Utiliser ma propre voix aurait été incohérent par rapport à la voix “chantée”. J’ai reculé le moment d’y penser, et puis j’ai eu l’idée de parler toutes les chansons. Comme si je récitais un texte. Au deuxième jour du tournage, j’ai entendu cette voix sortir de moi, qui n’était pas la mienne ! Quel choc ! C’était plus qu’une voix, d’ailleurs : j’ai senti dans mon corps la façon de marcher de Piaf. C’est presque mystique : à partir du moment où je l’avais vue, Piaf ne m’a presque plus lâchée. Ce n’est pas une histoire de possession, plutôt le sentiment d’être habitée. »

« Il y a quatre Piaf , à quatre moments de sa vie. La jeunesse, à ses débuts ; son séjour à New York, à l’apogée de sa gloire, où elle a vécu son histoire d’amour avec Marcel Cerdan ; l’année 1959, avec les séquelles de l’accident de voiture et le défi de remonter sur scène alors que sa santé décline ; et l’agonie, en 1963. Les essais de maquillage ont été un cauchemar : plusieurs maquilleurs se sont cassé les dents, ce qui n’était pas rassurant, d’autant que certains rejetaient la responsabilité de leur échec sur moi !
La taille, elle, ne pouvait pas être un obstacle : il y a toujours moyen de tricher, et parfois la tricherie est amusante. La mode de l’époque m’obligeait à porter des talons, ce qui fait que j’étais plus grande que Jean-Pierre Martins, qui joue Cerdan et mesure 1,74 mètre ! Alors tous les hommes du film sont sur talonnettes, pour les grandir. Et moi j’ai trouvé des subterfuges de position, sans être trop voûtée pour jouer Piaf jeune...
Pour jouer Piaf plus âgée et vieillir ma voix, j’ai demandé à arriver plus tôt sur le plateau. Je chantais à tue-tête trois chansons : L’Accordéoniste, Padam et Mon Dieu. Trois chansons compliquées, que Piaf retirait de son tour de chant quand elle était fatiguée. Il fallait dépasser toute honte, laisser l’équipe m’entendre beugler pour faire descendre ma voix, la rendre plus grave.

J’avais peur de la fin. Il y a un film qui montre Piaf, à Grasse, quelques jours avant sa mort, mais je n’ai pas voulu le voir. Comment jouer l’agonie, le délire d’une femme de 47 ans au corps déglingué ? J’ai passé la journée dans le lit où le personnage va mourir. C’était toujours limite. Quand elle crie : “mon petit Marcel !”, il suffit d’en faire juste un peu trop pour avoir l’air conne. »



Photos @ TFM Distribution

Distribution

  • Marion Cotillard : Édith Piaf
  • Sylvie Testud : Mômone, son amie d'enfance
  • Pascal Greggory : Louis Barrier
  • Emmanuelle Seigner : Titine, une amie d'enfance prostituée
  • Jean-Paul Rouve : Louis Gassion, le père d'Édith
  • Gérard Depardieu : Louis Leplée, directeur du cabaret Le Gerny's
  • Clotilde Courau : Annetta Gassion, la mère d'Édith
  • Jean-Pierre Martins : Marcel Cerdan, boxeur amant d'Édith
  • Catherine Allégret : Louise, la grand-mère paternelle d'Édith
  • Marc Barbé : Raymond Asso, parolier, ami et coach d'Édith
  • Farida Amrouche : Aïcha, sa grand mère maternelle
  • Caroline Sihol : Marlene Dietrich
  • Manon Chevallier : Édith à 5 ans
  • Pauline Burlet : Édith à 8 ans
  • André Penvern : Jacques Canetti, producteur
  • Marie-Armelle Deguy : Marguerite Monnot, amie et pianiste compositrice
  • Valérie Moreau : Jeanne
  • Laurent Olmedo : Jacques Pills, parolier et un des maris d'Édith
  • Chantal Bronner : Josette
  • Nathalie Dorval : Mireille
  • Jean-Paul Muel : Bruno Coquatrix, directeur et propriétaire de la salle de spectacle parisienne l'Olympia (Paris).
  • Christophe Odent : Le docteur Bernay
  • Pierre Derenne : P'tit Louist
  • Ashley Wanninger : L'assistante de Leplée
  • Mario Hacquard : Charles Dumont, chanteur et compositeur
  • Junior Rodinaud : Georges Moustaki, chanteur et amant d'Édith

Fiche technique

  • Réalisateur : Olivier Dahan
  • Producteur : Alain Goldman
  • Production : Légende Entreprises, (petit drapeau) France
  • Scénario : Olivier Dahan
  • Chef opérateur : Tetsuo Nagata
  • Musique : chansons originales d'Édith Piaf
  • Son : Laurent Zeilig
  • Montage : Yves Beloniak et Richard Marizy
  • Distribution : TFM Distribution
  • Durée: 2h20
  • Date de sortie : 14 février 2007

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